Xylella fastidiosa : désormais bien présente en France et plus largement en Europe

Xylella fastidiosa est récemment devenue un ennemi majeur des productions végétales
en France, et plus largement en Europe. Cette bactérie, autrefois limitée aux Amériques,
a été détectée en Europe pour la première fois en octobre 2013
sur olivier (Olea europaea) dépérissant dans les Pouilles, une région du sud de l’Italie.

 

Depuis la découverte de Xylella fastidiosa sur olivier dans les Pouilles en octobre 2013, la liste des zones et des espèces végétales contaminées en Europe s’est largement étendue. En effet, après la déflagration médiatique qu’a représentée l’annonce de sa présence, causant le désastre socio-économique que l’on connaît dans les Pouilles, c’est au tour de la France d’annoncer, en juillet 2015, la présence de cette bactérie sur polygale à feuilles de myrte (Polygala myrtifolia) puis sur de nombreuses autres espèces ornementales en Corse, puis en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).

Une bactérie grande voyageuse

La surveillance s’étant alors intensifiée partout en Europe, cette bactérie est observée aux Baléares sur une gamme assez diversifiée d’espèces végétales comprenant, entre autres, le cerisier (Prunus avium), la vigne (Vitis vinifera), les oliviers sauvages et cultivés ainsi que de nombreuses espèces ornementales. Puis, c’est en Espagne continentale qu’elle est identifiée sur amandiers (Prunus dulcis) dans la région de Valence, et sur un olivier à Madrid. Fin 2018, elle est détectée en Toscane (Italie) sur diverses espèces ornementales ou typiques du maquis méditerranéen. Enfin, on la retrouve dans un parc zoologique de la région de Porto, au Portugal, à nouveau sur des espèces ornementales, telles que la lavande dentée (Lavendula dentata).

Ces détections en milieu naturel ou urbain doivent être complétées par celles effectuées sur plantes entreposées en serre ou dans des bâtiments. Ainsi, dès l’été 2016, dans l’est de l’Allemagne, dans une serre, un plant de laurier-rose (Nerium oleander) symptomatique est testé positif à Xylella. Quelques autres espèces se sont avérées contaminées avant que ce foyer ne soit déclaré éradiqué. En octobre 2018, un lot d’oliviers provenant d’Espagne est testé positif en Belgique et, un mois plus tard, aux Pays-Bas. Un caféier (Coffea arabica) présent depuis neuf ans dans un bureau en Hollande-Méridionale attire l’attention par ses feuilles jaunissantes. L’analyse a révélé la présence de Xylella.

Le Bassin méditerranéen fortement touché

Fin janvier 2019, trente-cinq espèces végétales, très majoritairement des espèces endémiques du maquis méditerranéen ou des espèces ornementales sont déclarées hôtes de Xylella en Corse par les services officiels français. Ce statut n’est cependant basé, pour de nombreuses espèces, que sur l’obtention d’un seul individu positif. La grande majorité des échantillons infectés proviennent de quatre espèces végétales : le polygale à feuille de myrte, le calicotome, l’immortelle d’Italie et le ciste de Montpellier. En PACA, 23 espèces sont alors déclarées hôtes et la très grande majorité des cas positifs a été observée sur le polygale, le faux genêt d’Espagne, l’euryops à fleurs de chrysanthème et l’immortelle d’Italie, principalement en milieu urbain. Notons que la méthode officielle de détection de Xylella en France vient d’être révisée et que sa sensibilité est ainsi améliorée sur plusieurs espèces végétales.

Un grand nombre d’espèces végétales ornementales et fruitières ainsi que la vigne ont été détectées contaminées en Europe. Parmi les espèces fruitières, outre l’olivier, l’amandier, le prunier, le figuier, et récemment l’abricotier se sont révélés contaminés par cette bactérie. Sur ces espèces, la présence de symptômes a généralement déclenché le prélèvement, puis les analyses, alors qu’en Toscane, par exemple, les plantes étaient majoritairement asymptomatiques et c’est au cours d’analyses effectuées dans le cadre du plan de surveillance que les détections ont été réalisées.

 

Taille d’un olivier des Pouilles dans le cadre de la lutte contre Xylella – © peuceta – Adobe Stock

Diverses souches, de nombreux hôtes, parfois peu de symptômes

Cette présentation de la situation actuelle en Europe permet de mettre en exergue deux points clefs concernant cette bactérie : d’une part sa gamme d’hôtes, très étendue, et, d’autre part, les symptômes peu caractéristiques qu’elle engendre, voire sa présence asymptomatique. En septembre 2018, l’Agence européenne de sécurité sanitaire (EFSA) a publié une nouvelle version de la liste des espèces végétales hôtes de Xylella fastidiosa. Pas moins de 563 espèces ont ainsi été recensées sur la base de travaux scientifiques publiés et de notifications transmises aux services officiels. Toutefois, être hôte ne veut pas dire présenter des symptômes. La présence de la bactérie peut rester discrète pendant de longs mois, voire plusieurs années, dans de très nombreuses espèces végétales. Les symptômes sont, de plus, assez peu caractéristiques, puisqu’ils sont liés à un déficit d’alimentation des parties aériennes. La bactérie colonise exclusivement les vaisseaux du xylème, dans lesquels elle perturbe la circulation de la sève brute en obstruant localement certains vaisseaux. La plante produit également, en réponse à la présence de cette bactérie, des pectines et des tyloses qui contribuent également à limiter la circulation de sève. La formation de bulles d’air dans les vaisseaux, suite aux piqûres d’insectes ou au stress hydrique, participe également à la symptomatologie.

Une espèce diverse génétiquement, et des sous-espèces

Adulte de Cercopis intermedia (Cercopidae), insecte vecteur potentiel de la bactérie Xylella fastidiosa en Europe. © Jean-Yves Rasplus – Inra, centre de Montpellier

Adulte de Cicadella viridis (Cicadellidae, Cicadellini), vecteur potentiel de la bactérie Xylella fastidiosa en Europe.
© Jean-Yves Rasplus – Inra, centre de Montpellier

X. fastidiosa est une espèce bactérienne génétiquement diverse. Plusieurs souches appartenant à plusieurs sous-espèces sont présentes en Europe. Dans les Pouilles, c’est une souche appartenant à la sous-espèce pauca du groupe ST53 qui a été introduite. Ce type de souche a également été identifié sur polygale à Menton (06). Des souches d’un autre groupe appartenant également à la sous-espèce pauca ont été identifiées aux Baléares, ainsi qu’une souche de la sous-espèce fastidiosa sur vigne. C’est cette souche qui, en Californie, est responsable de la tristement célèbre maladie de Pierce. Les autres identifications réalisées en Europe révèlent majoritairement des souches de la sous-espèce multiplex. Elle serait originaire d’Amérique du Nord, où elle est présente sur de très nombreuses essences forestières, fruitières et sur des espèces ornementales, sans être responsable d’épidémies importantes. Différents types d’analyses réalisées en France sur la base de modélisations mécanistico-statistiques et d’analyses de génomes indiquent que les souches présentes en France auraient pu avoir été introduites en Corse il y a plus de trente ans.

L’autre caractéristique majeure de Xylella est d’être naturellement transmise entre plantes, uniquement par des insectes piqueurs-suceurs de sève, qui jouent le rôle de vecteurs. Il s’agit de cicadelles, de cercopes, d’aphrophorides et de cigales. En Italie, c’est principalement le cercope des prés, Philaenus spumarius, qui dissémine cette bactérie. Cet insecte est présent en France et a été détecté porteur de la bactérie. D’autres espèces proches, Neophilaenus campestris et Philaenus italosignus, sont également déclarées vectrices en Italie.

En Europe, la lutte contre cette bactérie est limitée à son éradication. Toutefois, l’identification de cultivars d’oliviers tolérants apporte un espoir certain dans les Pouilles. La surveil­lance est essentielle pour détecter précocement d’éventuels nouveaux foyers, nouvelles souches et/ou nouvelles espèces hôtes.

Marie-Agnès Jacques

Directrice de recherches Inra, chercheur à l’Institut de recherches en horticulture et semences d’Angers.

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