Vous avez dit palmier…
Symbole de la Côte d’Azur ou des pays chauds, le palmier ne laisse pas indifférent. À tel point que son histoire peut être racontée en parallèle de celle des hommes, qui ont, un peu partout, cherché à l’acclimater.
Passage en revue, avec les Fous de Palmiers.
Pourquoi le palmier ?
On choisit le palmier pour sa beauté d’abord. Le grand botaniste Carl von Linné (1707-1778), père de la classification botanique moderne, ne le considérerait-il pas comme le « prince des végétaux » ? On le choisit, ensuite, pour son étonnante diversité. Le cocotier, le dattier sont bien des palmiers, comme les 2 600 à presque 3 000 autres espèces qui composent cette vaste famille : environ cent de ces espèces vivent en Afrique continentale, dont le Rônier (Borassus aethiopum Mart.), ou palmier à sucre de la savane, près de 1 500 poussent en Asie, dont le Talipot (Corypha umbraculifera L.), qui produit la plus grande inflorescence du monde (6 à 7 mètres), 850 et plus peuplent l’Amérique, dont le palmier à cire (Ceroxylon parvifrons H. Wendl.), qui pousse jusqu’à 3 200 mètres d’altitude dans les Andes, plus de 130 croissent dans les îles de l’océan Indien, dont le cocotier de mer (Lodoicea maldivica (J.F.Gmel.) Pers.), qui porte le plus gros fruit existant (jusqu’à trente kilos).
En Europe nous avons deux espèces de palmiers : le Phoenix theophrasti Greuter (le dattier de Crète), que l’on trouve aussi dans le sud-ouest de la Turquie et le Chamaerops humilis (le Chamaerops L., palmier nain), que l’on retrouve encore en Espagne, au Portugal, en France, en Italie, en Sardaigne et en Sicile. Enfin, on choisit le palmier pour sa très longue association avec les peuplements humains des tropiques. Dans les zones tropicales de la planète, des centaines de millions d’êtres humains dépendent encore des palmiers pour totalité ou partie de leur subsistance, de leurs matériaux de construction, de leurs vanneries, de leurs textiles, de leur papier, de leurs médicaments, de leur boisson. Le palmier est présent dans tous les foyers occidentaux sous forme de plantes d’appartement bien sûr, mais aussi de savon, de cosmétiques, de margarines, d’huiles, de sucre, de balais, de tapis-brosses, de meubles, d’images publicitaires et de rêves de voyages…
Acclimater les palmiers
Acclimater, c’est faire vivre en un lieu une plante qui lui est étrangère. Il s’agit d’une entreprise délicate qui nécessite patience et bon sens dans la sélection des espèces les mieux appropriées compte tenu des exigences climatiques et des origines géographiques. Les quelque 3 000 espèces recensées actuellement se limitent souvent à la bande tropicale, mais leur grande adaptabilité nous motive pour toujours tenter de nouvelles acclimatations. Le trio de palmiers qui se retrouve principalement installé en métropole se limite souvent à Chamaerops humilis, le palmier nain, à Trachycarpus fortunei, le palmier chanvre et à Phoenix canariensis, le dattier des Canaries. Mais plus d’une dizaine de genres ont été introduits et pas seulement dans les régions les plus propices à leur épanouissement. On peut donc, en sus des précédents, trouver les genres suivants : Brahea, Butia, Guihaia, Jubaea, Livistona, Nannorrhops, Parajubaea, Rhapidophyllum, Sabal, Syagrus, Washingtonia et quelques autres.
Quelques histoires d’introduction
L’espèce de palmier la plus résistante et la plus répandue actuellement jusqu’en Belgique, appartient au genre Trachycarpus. C’est un palmier qui résiste à des hivers fort rigoureux (-18 °C). Voici un raccourci de l’histoire de Trachycarpus fortunei, palmier de Chine ou palmier chanvre, avec nous. Robert Fortune (1812-1880) fait parvenir en Grande-Bretagne d’importantes quantités de graines de ce palmier, récoltées en Chine près de Ning-Po dans la province de Zhejiang (Chekiang). En 1856, les jeunes plants issus de ces semis sont mis en vente par les pépinières Glendinning au prix exorbitant de 21 shillings (environ 25 francs de l’époque).
Dès 1850, les pépiniéristes parisiens Thibaut et Keteleer importent deux palmiers « de la maison Standish de Londres » : l’un est maintenu en serre froide, l’autre est vendu au marquis de Saint Innocent. Le riche amateur l’installe en pleine terre, dans une serre tempérée de son domaine à Lucenay-l’Évêque (Saône-et-Loire). Devenu trop encombrant, il est mis en caisse en avril 1861 et cédé au jardin du Luxembourg en échange de plantes rares pour une valeur de 554 francs. Au moment de sa transplantation, le palmier mesure 3,60 mètres et sa couronne compte 46 palmes. En 1857, Joseph Decaisne (1807-1882) expédie des jeunes palmiers dans des lieux où il estime qu’ils auront toutes les chances de prospérer. Il choisit les sites suivants : « Côtes de la Méditerranée : Montpellier, Cannes et Antibes ; côtes de l’océan Atlantique et de La Manche : Bayonne, Bordeaux, Brest, Morlaix, Cherbourg… »
On distingue alors le soi-disant palmier japonais (Chamaerops excelsa) du palmier chinois (Chamaerops fortunei), mais leurs différences sont vraiment infimes. Le botaniste allemand Hermann Wendland (1825-1903) les rattache au genre Trachycarpus, créé pour l’occasion en 1861. Il finira par les rattacher à la même espèce Trachycarpus fortunei (Hook.) H.Wendl. en 1863.
En 1862, le premier palmier chanvre fleurit en plein air chez le Comte de Saporta près d’Aix-en-Provence. La France se singularise par une large distribution des semences du palmier à chanvre. Très vite, le prix des jeunes plants va devenir accessible. À Paris en 1861, un exemplaire vaut 3 francs.
Une dizaine d’espèces de Trachycarpus sont actuellement acceptées avec le T. fortunei: entre autres, le Trachycarpus martianus, avec des palmes plus régulièrement découpées, plus grandes. Il est beaucoup plus remarquable que le fortunei, mais sa résistance au froid est bien moindre (-10 °C). Le Trachycarpus princeps est une espèce de palmier endémique du Yunnan (centre-sud de la Chine). Il pousse sur des falaises calcaires et des sommets de crêtes dans la forêt pluviale de mousson. L’épithète latine pour « prince » fait allusion à l’allure majestueuse de ce palmier. Les feuilles sont semi-circulaires, vert moyen brillant au-dessus et glauque, bleuâtre blanc dessous, avec un subtil arrangement de sa couronne.
Ruddy Bénézet et Frédéric Tournay
Association Fous de Palmiers
BIBLIOGRAPHIE
Frédéric Tournay, L’épopée des Palmiers – histoire de leur acclimatation en France, Éditions Opera, 2009.
Alain Durnerin, Histoire des Palmiers – et de leur introduction en France, Éditions Champflour, 1990.
Pierre-Olivier Albano, Observation sur les palmiers rustiques d’extérieur à Montpellier et ses environs, Univ. Mtpl I, 1993.
Daniel Jacquemin, Les Palmiers ornementaux pour les climats tempérés, Éditions Champflour, 1999