Verger : des haies pour favoriser les auxiliaires
Sylvaine Simon
Les haies remplissent de multiples fonctions dans l’espace agricole : brise-vent, limitation de l’érosion, productions de bois ou de petits fruits, refuge pour la faune... Les haies composites peuvent aussi jouer un rôle dans la protection du verger et favoriser un cortège d’auxiliaires actifs contre des ravageurs. A condition de faire le bon choix de végétaux lors de leur implantation.
Haie composite en période de repos de végétation - © S. Simon
De nombreux organismes, dont les auxiliaires, ont besoin de plusieurs milieux pour réaliser leur cycle de vie : besoins complémentaires en nourriture, zone d’hivernation etc. Ils dépendent donc, dans le temps et/ou dans l’espace, de plusieurs ressources et habitats, qui ne sont pas toujours disponibles dans les parcelles cultivées. L’introduction de diversité végétale en bordure de verger accroît ces possibilités de ressources et de refuge et contribue ainsi au maintien des chaînes trophiques, sans lesquelles le complexe de prédateurs (ex. syrphes, coccinelles) et de parasitoïdes (ex. Hyménoptères parasitoïdes) auxiliaires ne peut se maintenir. En réponse, il est attendu une augmentation de la régulation naturelle des ravageurs par des auxiliaires plus abondants, plus diversifiés et/ou plus efficaces. La haie, selon sa composition, contribue donc à l’augmentation de la biodiversité fonctionnelle active dans la régulation de certains ravageurs du verger.
Une haie favorable aux poiriers
A partir d’un travail de recensement de l’entomofaune (faune constituée par les insectes) de nombreuses essences de l’environnement des vergers[1], nous avons créé et expérimenté un assortiment végétal favorable aux auxiliaires actifs contre l'un des ravageurs-clés du poirier, le psylle Cacopsylla pyri (L.).
Cet assortiment fournit :
- des abris d’hibernation avec des essences à feuilles persistantes (viorne tin, nerprun alaterne) ;
- une nourriture précoce, avec le pollen des floraisons de noisetier et saule, qualitativement importante pour la reproduction de certaines espèces dont les punaises prédatrices ;
- des proies de substitution, constituées par les phytophages (qui se nourrissent de végétaux) spécifiques des essences implantées tels les psylles de l’arbre de Judée ou du frêne et les pucerons du sureau ou du noisetier… Par exemple, le psylle, inféodé à l’arbre de Judée, attire des punaises prédatrices de psylles (Anthocorides), alors que le psylle du poirier est encore peu présent dans le verger. La proie de substitution permet donc à ces punaises prédatrices de se maintenir et de se multiplier, en l’absence temporaire de leur proie principale ;
- du nectar et du pollen lors des floraisons de saison (sureau, viorne lantane) et d’automne-hiver (viorne tin, nerprun alaterne), attractifs pour de nombreux groupes d’auxiliaires, notamment les antagonistes de pucerons (Hyménoptères parasitoïdes, syrphes…).
Le suivi de cette haie sur plusieurs années, après implantation, a permis d’établir l’absence d’interactions négatives avec le verger et la présence d’un complexe d’auxiliaires tout au long de la saison : prédateurs de psylle au printemps (Anthocorides recensés sur noisetier, nerprun alaterne, arbre de Judée) et en été (noisetier), prédateurs d’acariens (Orius spp. et/ou acariens prédateurs sur noisetier, saule, nerprun alaterne) ; aphidiphages (Hyménoptères parasitoïdes, syrphes, chrysopes… sur sureau, noisetier, viorne tin) ; prédateurs généralistes (qui consomment une grande diversité de proies) tels araignées, forficules sur cornouiller, seringat, viornes, charme... La régulation du psylle du poirier est par ailleurs effective, ce qui a permis la suppression complète des insecticides ciblés sur ce ravageur depuis plusieurs années. Pour un ravageur tel le psylle du poirier, qui peut être toléré dans le verger à des niveaux de population relativement élevés, la diversification végétale créée permet donc de favoriser un cortège varié d’auxiliaires, efficace pour la régulation de ce ravageur dans un verger conduit en Production Fruitière Intégrée[2].
[1] Travaux de Rieux et al., INRA PSH Avignon
[2] En Europe, la lutte intégrée est définie (directive communautaire 91/414/CEE du 15 juillet 1991) comme "l'application rationnelle d'une combinaison de mesures biologiques, biotechnologiques, chimiques, physiques, culturales ou intéressant la sélection des végétaux dans laquelle l'emploi de produits chimiques phytopharmaceutiques est limité au strict nécessaire pour maintenir la présence des organismes nuisibles en dessous du seuil à partir duquel apparaissent des dommages ou une perte économiquement inacceptables."
Les principes pour créer un assortiment végétal favorable aux auxiliaires
Tout d’abord, les espèces implantées doivent être adaptées aux conditions de sol, de climat et aux pratiques usuelles d’entretien. Il s’agira de privilégier des espèces locales, spontanées ou sub-spontanées car le peuplement d’insectes associés à une essence diffère lorsque cette essence est implantée en dehors de sa zone climatique. Par ailleurs, les plantes et insectes ayant co-évolué, le peuplement d’une espèce exotique ou d’ornement est généralement plus pauvre. Si la diversité entre espèces est recherchée dans une haie composite, la diversité intra-spécifique n’est pas à négliger (ex. population de noisetiers plutôt que clone).
Dans l’objectif de favoriser les auxiliaires, les choix peuvent cibler un groupe d’auxiliaires particulier en fonction de la culture ou favoriser un ensemble de prédateurs généralistes. Les principes suivants ont été proposés :
1. Ne pas nuire : ne pas introduire d’essence hébergeant un ravageur/une maladie majeurs du verger ou un ravageur/une maladie de quarantaine. Par exemple, l’aubépine, qui héberge le feu bactérien, est à proscrire.
2. Privilégier les essences offrant des ressources importantes pour les auxiliaires ou des possibilités de refuge. Ce sont notamment des essences possédant les caractéristiques suivantes :
- feuillage persistant, tiges creuses, tiges entrelacées qui constituent des abris d’hivernation ou un refuge pour les stades vulnérables en période de mue, de diapause des insectes…
- floraisons très précoces (ex. saule, noisetier) offrant une nourriture qualitativement importante (pollen) pour augmenter la fécondité des certains auxiliaires
- floraisons précoces et de saison de nombreuses espèces (ex. sureau, cornouillers) fournissant du nectar (et pollen) à plusieurs espèces d’auxiliaires (ex. adultes d’Hyménoptères parasitoïdes et de syrphes)
- floraisons tardives (ex. lierre, arbousier) qui attirent les auxiliaires juste avant la période d’hivernation, en fournissant également des possibilités d’abri par leurs feuilles persistantes et/ou des tiges entrelacées
- présence de proies de substitution, nourriture permettant de maintenir certains auxiliaires en l’absence de leur proie principale (sureau, noisetier, arbre de Judée…).
Le noisetier (Corylus avellana) offre une nourriture qualitativement importante - © S. Simon
3. Assurer tout au long de l'année une succession de possibilités de refuge et de ressources pour maintenir les auxiliaires, avec un relais entre les ressources successives. Le but n’est pas de rechercher à tout prix une diversité végétale très élevée : environ 10 essences permettent généralement de répondre aux principes proposés, tout en limitant les risques de dégâts pour la culture si les espèces implantées offrent des ressources à des ravageurs polyphages. L’entretien de cet assortiment végétal doit également limiter les perturbations ; des pratiques telles la taille (ou un broyage pour le couvert herbacé) altèrent la quantité ou la qualité de la ressource pour les auxiliaires.
Le verger, une opportunité pour favoriser la biodiversité
Le verger contribue à la biodiversité à différents niveaux : c’est un milieu multi-strates (arborée, herbacée), pérenne (litière du sol, architectures complexes) et souvent associé à des haies de bordure, notamment dans les régions ventées. L’enjeu consistera à aménager son environnement végétal, mais également les pratiques et le ‘design’ de ce verger, pour préserver la permanence des réseaux trophiques et favoriser les auxiliaires. En effet, c’est une approche globale du système verger, avec des choix de plantation (matériel végétal, densité de plantation…) et des pratiques permettant de limiter l’utilisation des pesticides et les variations importantes de biomasse végétale (ex. broyage du couvert herbacé), qui permettra de préserver la production tout en bénéficiant du service de régulation naturelle. Enfin, les échelles de déplacement de certains auxiliaires et ravageurs dépassant souvent le cadre de la parcelle cultivée et de ses abords, l’interaction parcelle-paysage a également un effet : des études ont montré que les haies hébergent une communauté d’auxiliaires d’autant plus riche que les formations arbustives sont largement présentes dans l’environnement du verger.
D’après travaux communs INRA PSH Avignon et UE Gotheron
Cet article est une synthèse des réponses aux questions d'intérêt posées sur le service Hortiquid.
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Merci, vos renseignements sont précieux pour les vergers .
Nous souhaitons planter des haies le long des ruisseaux dans le vignoble .
Bien sûr il nous faut des essences qui abritent les insectes auxiliaires des vignes ,
pouvez vous nous éclairer ?
Vos conseils nous serons très précieux .
Cordialement .