Une ruche dans son jardin

Nous assistons actuellement à un véritable engouement pour l’apiculture dite de loisir, comme le prouve la progression des ventes des produits apicoles et des demandes de formation reçues par les ruchers écoles. Mais combien d’amateurs réussiront à conserver leurs colonies après seulement quelques années ? Beaucoup d’idées fausses circulent et laissent à penser que s’occuper des abeilles est un passe-temps comme un autre.

Avant de se lancer dans la conduite d’une colonie d’abeilles, il est nécessaire de connaître le statut de l’abeille, qui définit l’apiculture.

Le statut de l’abeille « domestique »

L’apiculture consiste à élever des abeilles d’espèce Apis mellifera pour en récolter les produits. Cette formulation peut paraître un peu abrupte à celui qui se considère comme un simple amateur.

Pour le législateur, l’abeille « domestique » est un animal de rente et ne peut être assimilée à un animal de compagnie ou à un animal sauvage. Ce statut lui confère des droits et définit une série d’obligations pour celui qui l’« élève » et/ou la possède.

Le législateur a d’ailleurs confirmé ce classement en refusant de faire figurer l’abeille Apis mellifera sur la liste des espèces protégées en invoquant son caractère d’animal élevé. Il considère cependant que d’autres voies de protection doivent être explorées.

Ce point de vue, certes légal, est controversé par les partisans de la remise en liberté des abeilles dites « domestiques ». Ils considèrent que la cause principale de la disparition massive des abeilles provient des pratiques d’élevage. Ils veulent rendre l’abeille à la vie sauvage en oubliant que, si les ruchers professionnels et amateurs n’existaient pas, cette abeille disparaîtrait car sa capacité à vivre à l’état sauvage durablement a disparu avec la dégradation de l’environnement et, surtout, avec l’apparition de nouvelles pathologies et parasitoses.

Les droits de l’abeille en tant qu’animal élevé

Tout animal élevé doit obtenir un habitat conforme à son comportement, qui le protégera des intempéries et des prédateurs, de la nourriture adaptée à ses besoins en cas de nécessité et des soins appropriés pour prévenir ou guérir ses maladies ou ses parasitoses.

 Le choix de l’habitat

Il existe de nombreuses formes de ruches. Le standard qui permet le meilleur contrôle de l’état sanitaire de la colonie est la ruche Dadant, datant du milieu du XIXe siècle. Elle permet de « visiter une colonie comme on feuillette un livre». Elle est vendue généralement avec deux hausses à neuf cadres pour la récolte du miel.

L’hygiène de l’habitat consiste au renouvellement périodique des cadres ayant reçu de très nombreuses pontes, au nettoyage des plateaux grillagés et au flambage des intérieurs pour détruire tout foyer de maladie avant un nouvel usage. On préconise de débuter avec au moins deux colonies au même standard d’habitat pour permettre des manipulations de survie, notamment en cas de mort prématurée de la reine.

 Le choix de la nourriture

La zone de butinage des colonies du rucher (cercle de 3 km) doit être suffisamment mellifère toute l’année pour subvenir aux besoins des colonies en nectar et pollens et, si possible, pour récolter un surplus de production de miel. En cas de disette avérée, notamment en fin d’hiver, il sera nécessaire de compléter les provisions par des produits de substitution, comme le sirop de glucose et le candi, élaborés spécialement.

L’hygiène de la nourriture interdit l’usage du miel car il peut contenir des germes pathogènes pour les abeilles. De plus, trop appétant, il déclenche parfois des pillages. Le sucre blanc (saccharose) impose aux ouvrières une inversion en sucres simples et produit beaucoup de déchets à évacuer. Il est à éviter. Des abreuvoirs d’eau seront disposés à quelque distance des ruches, en plein soleil. Une colonie consomme 100 litres d’eau par an, dont 20 % proviennent de sources extérieures.

 L’obligation de soins (1*)

Seule la varroose est autorisée à être combattue par une médication. Son agent causal est le varroa destructor, acarien parasite apparu en France dans les années 1980. Ce fléau classé « risque sanitaire de seconde catégorie » fait l’objet d’interventions par les groupements de défense sanitaire apicole (GDSA) départementaux qui assistent les apiculteurs par leurs conseils et distribuent les produits de traitement autorisés. Il faut donc adhérer à ces groupements.

La prévention reste la seule arme contre les autres maladies. La destruction de la colonie et le brûlage total de la ruche sont parfois obligatoires pour éviter la propagation d’infections graves à déclaration obligatoire (loques). Les agents des groupements départementaux interviennent là encore.

Les devoirs de l’apiculteur

Le premier devoir de l’apiculteur est de se former aux bonnes pratiques apicoles et d’apprendre à les appliquer avec discernement en fréquentant les bons ruchers écoles. L’apiculture n’est pas une science exacte et il faut savoir réagir en fonction d’observations multiples, ce que les ouvrages spécialisés ne peuvent enseigner. Il convient de rester à l’écoute des nouvelles pratiques en fréquentant les GDSA.

 Assurer les besoins élémentaires des colonies d’abeilles

L’apiculteur doit loger ses colonies dans des ruches maintenues en bon état et veiller à ce que les provisions soient toujours en quantité et qualité suffisantes.

Il applique les traitements préconisés contre la varroose aux dates définies par le vétérinaire départemental agréé, selon le plan départemental d’élevage apicole ou programme sanitaire d’élevage (PSE).

 Les obligations légales

Emplacement

Une ruche peut constituer une menace pour les populations et les animaux. Le Code rural fixe les distances minimales par rapport aux habitations. Les préfets et maires peuvent modifier ces distances par décret. Cependant, il est possible de s’en affranchir en édifiant une clôture continue et aveugle de 2 mètres de hauteur entourant le rucher à 2 mètres des ruches.

Déclaration des colonies

Toute colonie d’abeille Apis mellifera est censée avoir un propriétaire. Il peut être celui qui l’a acquise et qui l’élève. Par défaut, une colonie appartient au propriétaire du terrain où elle a édifié sa construction.

Une colonie d’abeilles, qu’elle soit logée en ruche, en ruchette ou en nucléis, est une personnalité juridique dont l’existence doit faire l’objet d’une déclaration annuelle auprès des services départementaux (DDSCPP) grâce aux données inscrites sur un site spécifique de la DGAL (Direction générale de l’alimentation).

Assurance

Les éventuels dégâts que pourraient causer les abeilles doivent être couverts par une assurance spéciale lorsque celle de leur propriétaire ne comprend pas explicitement ce risque.

 Obligation en cas de cession de vente des produits de la ruche

La vente, ou simplement le don de produits de la ruche à des tiers, impose la possession d’un Siret et s’accompagne, le cas échéant, d’une déclaration de revenu agricole en fonction du livre des recettes tenu par l’apiculteur.

L’apiculture doit être une passion

Vous connaissez maintenant les bases de l’apiculture de loisir. Pour être durable, votre pratique de l’apiculture devra se transformer en passion. Et de la passion, il vous en faudra pour surmonter les épreuves et les piqûres. Mais aussi, vous nourrirez une passion pour ce merveilleux insecte qui vous émerveillera chaque jour par son ingéniosité et son ardeur au travail, et vous vous découvrirez une passion pour tout ce qui constitue son environnement. Seul animal élevé pouvant divaguer librement chez autrui, il vous obligera à étendre vos connaissances sur la flore et la faune et également sur les activités humaines pouvant lui être néfastes.

Pour cela, un minimum de disponibilité est nécessaire. Alors faites le bon choix en toute connaissance de cause et… bravo si vous rejoignez la communauté des amoureux des abeilles !

Jean-Paul Charron
Apiculteur, membre de l’association Jardinot

(1*) Voir aussi dans Jardins de France https://www.jardinsdefrance.org/abeille-domestique-deperissement-aux-multiples-causes/