Surprises végétales hivernales aux floraisons exceptionnelles : helleborus niger & autres hybrides d’orientalis*
Michel Grésille
Rose de Noël ou rose de carême, l’hellébore (niger ou orientalis) est une plante dont la floraison, hivernale, marque les esprits : abondante et colorée, elle ne manque pas de ravir les amateurs de jardins, notamment lorsqu’elle traverse le manteau neigeux !
On appelle communément Helleborus niger l’hellébore noir ou ellébore noir (nom masculin). Il est plus connu sous le nom de « Rose de Noël ». Il est encore appelé herbe aux fous1, herbe enragée dans l’Avranchin, département de la Manche, pied de griffon, plus rarement rose noire et, chez les anglophones, black hellebore ou Christmas rose. Il appartient à la famille des Renonculacées et est originaire d’Europe occidentale. Il est présent en France dans les Alpes-de-Haute-Provence dans les bois de feuillus, fourrés et prairies de moyenne montagne. Dans la nature, on en distingue deux formes : H. niger ssp. niger et H. niger ssp. macranthus. Cet hellébore est probablement le plus connu avec sa longue floraison hivernale, d’où il tire son nom de rose de Noël. C’est une plante vivace, rhizomateuse, aux racines charnues de couleur sombre, ce qui lui donne aussi son nom d’hellébore noir. Très rustique, cette vivace résiste au gel (- 15°C). Elle sait jouer de ses charmes en fleurissant l’hiver même sous la neige.
Elle se développe en jolies touffes compactes de 30 à 45 centimètres de hauteur. Les feuilles épaisses et coriaces, divisées en sept lobes, peuvent varier du vert pâle au vert très sombre. Les nouvelles feuilles apparaissent avec les tiges florales. Bien que les feuilles soient persistantes, le feuillage peut être brûlé et déchiré lors d’hivers rigoureux si la plante n’est pas située dans des endroits protégés des vents froids et/ou isolés par la couverture de neige. Sa floraison intervient à partir de Noël/début janvier jusqu’en mars/avril. Les larges fleurs hermaphrodites de 5 à 8 cm de diamètre, en forme de coupe, inclinées, naissent solitaires ou par deux ou trois, sur de solides tiges marbrées de rouge. Elles se composent de cinq sépales pétaloïdes, les vrais pétales verdâtres (minuscules tubulaires) sont placés tout contre les nombreuses étamines dorées. Les fruits sont des follicules. Les fourmis disséminent les graines (myrmécochorie). La plante dans son ensemble est toxique par ingestion.
Helleborus orientalis – © A. Le Borgne. Les photos ont été prises au Jardin du Goarem, à Briec-de-l’Odet (29).
Conseils pour inviter l’hellébore noir dans votre jardin
L’Helleborus niger se montre une espèce difficile à apprivoiser. Elle pousse lentement. Il faudra compter deux à trois ans pour qu’elle fasse connaissance avec son nouvel environnement. Il est déconseillé de déranger les touffes. Elle pousse en situation ombragée ou mi-ombragée (éviter l’ombre trop dense) dans les sols frais à humides, fertiles et bien drainés. Ses racines charnues craignent les excès d’eau en hiver. Les plantes supportent le calcaire et les touffes bien installées résistent aux sécheresses estivales. Elles se développent bien en terrain au pH neutre, il faudra donc être attentif à ne pas les planter en terre de bruyère. De même, on n’hésitera pas chaque année à apporter du compost et à pailler les pieds pour conserver la fraîcheur dont elles ont besoin. Lors de la plantation, on veillera à ne pas enterrer le collet de la plante. Par ailleurs, on aura soin de couper les feuilles flétries en automne, dès l’apparition des boutons floraux.
Noël avec H. Niger, Pâques avec H. orientalis
On l’appelle communément hellébore oriental2 ou rose de carême. Helleborus orientalis est une espèce originaire d’Europe (Grèce, Turquie, Caucase) et divisée en trois sous-espèces : H. orientalis subsp. abchasicus, H. orientalis subsp. Guttatus et H. orientalis subsp. orientalis. C’est de ces trois sous-espèces que sont nées, par hybridation et sélection, toutes les plantes très en vogue aujourd’hui, et qui sont devenues les plus cultivées dans les jardins. Elles nous fascinent par leur longue floraison hivernale/printanière, période où les jardins sont dénudés, et par la beauté de leurs fleurs. Elles sont aussi rustiques que H. niger mais plus pérennes et leur culture s’avère plus aisée.
La rose de carême est de plus grand développement que la Rose de Noël et sa croissance plus rapide, formant ainsi en quelques années de très larges touffes compactes arrondies agrémentant bordures et massifs. Elle peut atteindre jusqu’à 0,80 mètre de hauteur. La plante aux rhizomes épais et souterrains, produit une masse de grandes feuilles persistantes, vernissées et coriaces, dentées, divisées en sept ou onze lobes, vert sombre, portées par un fort pétiole. Le feuillage la protège ainsi assez efficacement du soleil, de la chaleur et même du vent. La floraison, absolument exceptionnelle, s’étend de février à avril. Chaque fleur dure de cinq à huit semaines pendant lesquelles sa teinte évolue. Les tiges florales de cinq sépales fleurissent au-dessus du feuillage par groupes de une à quatre grosses fleurs en forme de coupe s’inclinant plus ou moins vers le sol. Elles apparaissent au centre de la plante.
Les nombreux hybrides cultivés offrent une palette de fleurs (simples, doubles) et de couleurs allant du grisé au noir passant par le vert, le blanc, le jaune, l’orangé, le rose, le rouge, le pourpre, le marron et le noir. Selon les variétés, elles se révèlent, sur la face interne, parfois veinées, piquetées, mouchetées, maculées ou surlignées d’une couleur complémentaire.
Les hybrides d’hellébores orientalis peuvent aussi être cultivés en pots et bacs. Une fois installés, ils ne requièrent que peu d’entretien et d’attention. On se contentera d’enlever les fleurs fanées et les fruits en formation pour éviter d’épuiser les plantes, ce qui se traduirait par une absence de floraison l’année suivante. En novembre, on se débarrassera des anciennes feuilles abîmées, pour éviter qu’elles ne transmettent des maladies et pour rendre plus visibles les fleurs à venir.
Planter et multiplier l'hellébore
Au jardin, la rose de carême occupera les pieds des arbres et arbustes feuillus ainsi que les espaces libres dans le verger entre les arbres fruitiers. Elle interviendra dans le dessin et la structuration des massifs, voire pour souligner les bordures et allées. On pourra également l’associer à certains bulbes printaniers à floraison précoce ou aux bruyères d’hiver, qui accompagneront sa floraison.
L’hellébore se multiplie par division des touffes et par semis. La division se pratique au printemps après la floraison, et ne se fait que lorsque le pied mère est énorme. Elle garantit des plantes semblables. Quant aux semis, possibles dès la maturation des graines, on notera alors une extrême variabilité et de belles surprises pour le jardinier ! Quel que soit le mode de multiplication retenu, il faudra être patient pour voir apparaître les premières fleurs, au bout de deux à trois ans seulement.
L’hellébore affronte quelques ennemis : il est apprécié des limaces, friandes des boutons floraux, et parfois des pucerons. Il est aussi sensible au champignon Coniathyrium hellebori qui se manifeste par des taches noires sur les feuilles et peut entraîner la mort de la plante. Pour l’éviter, on s’assurera d’un bon drainage à la plantation et de couper les vieilles feuilles.
Enfin, l’hellébore est mellifère. Comme c’est l’une des rares plantes à fleurir l’hiver, il s’avère très utile au jardin.
À lire
Martine Lemonnier, Revue Hommes & Plantes n° 38
Thierry Delabroye, Hellébores et autres fleurs d’hiver, éditions Ulmer, 2006, 96 p
SNHF, Plantes et Botanique, bulletin plantes vivaces, 2017.
* Le genre Helleborus comporte une vingtaine d’espèces/sous-espèces. La majorité se rencontre en Europe dans les Balkans. On mentionnera deux d’entre elles, indigènes des îles de la Méditerranée, en Sardaigne et Corse H. argutifolius (H. corsicus) et aux Iles Baléares H. lividus ; trois espèces en France, H. argutifolius (H. corsica), H. foetidus, H. viridis. Deux autres espèces sont originaires d’Asie : H. vesicartus et H. thibetanus.
1 Jean de la Fontaine, dans sa célèbre fable « Le lièvre et la tortue », fait dire au lièvre se moquant de la tortue : « Ma commère, il faut vous purger avec quatre grains (unité de mesure) d’hellébore. »
2 On doit l’introduction de l’hellébore oriental en France au médecin-botaniste Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708). Il le découvre au Mont Ida, en Crète, en 1702, lors de son expédition au Levant.