Sur le chemin de l’école… À la découverte des plantes rudérales
Le jardin est un véritable support pédagogique au service des apprentissages fondamentaux de l’école. Fort de ce constat, des enseignants des écoles élémentaires d’Argenteuil (Val-d’Oise) pratiquent avec les élèves le jardinage, occasion d’apprendre les notions de plantes dites sauvages, venues d’ailleurs…
Les élèves des écoles élémentaires suivent les programmes nationaux mais chaque année, dans nombre de villes et villages de France, les enseignants ont compris que le jardin et la découverte de la biodiversité offraient des supports pédagogiques exceptionnels. Le mouvement « école dehors » est amorcé, structuré et pris très au sérieux tant les bénéfices sont importants. De nombreux partenariats sont construits pour faire sortir les élèves au contact de la nature, grâce aux associations et aux collectivités territoriales.
À Argenteuil (Val-d’Oise), quarante-huit jardins sont situés à l’intérieur même des écoles maternelles, élémentaires et centres de loisirs, complétés par deux jardins municipaux où certains enseignants porteurs de projets jardinent à l’année, accompagnés par l’éducatrice à l’environnement de la ville. En banlieue parisienne, le rapport à la terre fait rarement partie du quotidien. Le programme de sciences se travaille donc au jardin potager pédagogique municipal, situé au pied d’immeubles datant des années 1970, rafraîchis et décorés de fresques « nature ». Pour étudier les besoins des plantes, on découvre les outils de jardinage et on apprend du vocabulaire avant d’expérimenter.
Un classeur « découverte du monde »
Deux cent vingt-cinq élèves de CP jardinent au jardin pédagogique en cette année 2023-2024, formalisant les savoirs dans leur classeur « découverte du monde ». En plein apprentissage de la lecture, ces élèves de CP aiment répéter les mots en chœur, puis individuellement. Claire, l’enseignante, s’assure qu’ils arrivent à les prononcer, insiste sur les sons récemment étudiés en classe et construit la passerelle entre les connaissances.
Les notions de parcelle, d’espace, d’interstice se comprennent en pratique. Certains enseignants profitent de l’occasion pour faire des plans, en plus des schémas d’observation et des listes de vocabulaire. En dessinant tous les rectangles, on écrit le nom des légumes et des fleurs qui cohabitent au jardin. On se repère. Tout seul, on se perd sur le plan, alors on travaille en petits groupes. À ce stade du projet, les élèves ont compris la globalité du travail au jardin, alternant individuel et collectif, actif par la pratique et global compte tenu des nombreuses disciplines, à la fois ici avec des plantes mais ailleurs selon leur provenance.
Un plan du jardin avec des plantes qui se sont invitées ?
Dans les interstices du jardin, ce ne sont pas des légumes. Un doigt désigne un espace entre les briques rouges puis, le long des marches de notre bel escalier arrondi, et là encore, entre le béton : « Quelles sont ces plantes qui se sont invitées ? » Les avis des enfants sont partagés : une fève qui se serait échappée ? « Mais non, la graine est grosse, on l’aurait vue », remarque Eden. « Une graine de radis plutôt, ou de carottes », propose Jemima. L’éducatrice à l’environnement explique qu’il s’agit de plantes sauvages, semées grâce au vent, qui transporte les graines et les dépose dans les interstices.
Le son des rudérales
Le mot « sauvage » entendu par les enfants résonne immédiatement avec les animaux d’Afrique : l’univers du « sauvage », c’est le lion, la savane, une nature lointaine et terrifiante. Une plante sauvage ? L’esprit revient au jardin : « Une mauvaise herbe ? Céline explique que la plante sauvage est souvent perçue comme une mauvaise herbe, donc arrachée sans même avoir identifié son espèce au préalable. La gestion écologique du jardin consiste à conserver les herbes sauvages, mais là où elles poussent, elles prennent toute la place. Impossible d’ajouter une étiquette. « On ne va pas retenir leurs noms », s’inquiète Louise. Tant pis, on ne peut pas tout retenir mais on va retenir leur nom de famille : ce sont des plantes « rudérales ». Parfait pour apprendre le son [r].
La force de l’émerveillement au jardin
D’un point de vue pédagogique, les éducateurs hésitent parfois à transmettre des mots compliqués. Or, des élèves en plein apprentis sage sont ouverts. C’est le moment d’oser, à condition de leur laisser le temps de jouer avec le mot, de le prononcer eux-mêmes et de le répéter les jours suivants. Si le mot s’envole, il reviendra un jour et ce jour-là, ce sera plus facile de l’inscrire dans la mémoire. C’est tout l’intérêt d’impliquer des écoles entières dans des projets d’éducation à l’environnement. La transmission dès le plus jeune âge et une répétition sont fondamentales. La force de l’émerveillement au jardin reste un atout majeur, propice à mobiliser les enfants dans toutes ses dimensions.
Après avoir observé les plantes rudérales du jardin municipal, l’oxalis et le plantain, mais aussi l’origan qui court partout, l’éducatrice à l’environnement propose de raccompagner les élèves jusqu’à l’école située à dix minutes à pied, à la recherche des plantes sauvages.
Les enfants ne tardent pas à découvrir les espèces qui se sont invitées le long des murs et apprécient tout particulièrement les violettes et les pissenlits !
Céline Augier
Responsable des ateliers nature à la mairie d’Argenteuil (Val-d’Oise)