Sol y sombra, soleil et ombre : bien choisir ses plantes au jardin
SOL Y SOMBRA : « Soleil et ombre » (esp.).
L’expression qualifie les deux choix possibles pour s’installer dans les gradins de l’arène, en fonction de son budget, et, aussi, une boisson populaire, mélange d’anis doux et de brandy. Mais ici, nous allons parler de plantes…
Comment connaître les capacités d’adaptation des plantes d’ombre ou de lumière pour organiser ses plantations ?
Chaque espèce est sensible aux conditions de l’environnement : sol, climat et bien sûr, éclairement. Mais chacune se comporte de manière différente, parce qu’elle possède des capacités d’adaptation, que l’on appelle amplitude écologique.
Des plantes en trois catégories
Au regard de la lumière, les plantes se répartissent en trois catégories : les héliophiles, qui ont besoin de la pleine lumière, les photophiles, pour lesquelles une lumière moyenne convient, et qui possèdent la plus large amplitude écologique, et les sciaphiles, qui préfèrent une lumière atténuée. Sous les arbres, à cause de l’humus et d’une relative absence de lumière, seules des plantes sciaphiles trouveront leur place. Nous ne pourrons pas énumérer l’immense cortège des plantes photophiles qui se satisfont des conditions moyennes d’éclairement.
Les plantes héliophiles
Les espèces héliophiles sont bien connues. La plupart des Graminées ou Poacées sont héliophiles, sauf quelques pâturins et brachypodes… Chacun sait qu’il ne faut pas s’entêter à semer de la pelouse sous les arbres ! Les céréales qui nous nourrissent ne poussent pas à l’ombre. Les plantes succulentes ne supportent pas l’ombre. Les bruyères et les ajoncs, qui peuplent nos landes, sont héliophiles. Une grande proportion de plantes méditerranéennes appartient à cette catégorie, dont le thym, la lavande, le roma- rin… En effet, le climat méditerranéen impose une ouverture du couvert jusqu’à proximité des zones forestières. Dans ces conditions, il s’est constitué un couvert végétal composé de plantes à dominante basse qui reçoivent toutes une quantité de lumière importante.
De la lumière, sans les rayons du soleil
Il y a celles qui ont besoin de lumière mais redoutent les rayons directs du soleil. Begonia, Kalanchoe, Philodendron, Dracaena, orchidées comme les Phalaenopsis, pourquoi ces plantes d’appartement ? Parce qu’elles sont souvent issues de plantes tropicales, provenant d’un couvert forestier. Les cyclamens, eux, sont dans ce cas de plantes photophiles à grande amplitude d’adaptation mais sensibles aux extrêmes. Nombre d’entre eux viennent des montagnes d’Asie Mineure, favorisés par un climat frais et nuageux, avec ou sans couvert forestier. Il est cependant une partie de la forêt qui jouit d’un contexte climatique propre, en particulier pour l’éclairement : la bordure de la forêt, autrement appelée ourlet préforestier. Les espèces ligneuses ou non qui peuplent cet ourlet sont en général héliophiles, et quand la forêt gagne, elles laissent peu à peu la place à des espèces sciaphiles.
Ainsi sous nos climats, et pour ne citer qu’un exemple chez les arbres, l’érable laissera la place au chêne qui, peu à peu, sera remplacé par le hêtre. Le premier est considéré comme une espèce pionnière, le second comme une post-pionnière, tandis que le troisième est appelé « dryade », aimant peu la lumière au stade juvénile, même ses graines ont besoin d’ombre pour germer.
Nos plantes de jardin se comportent de la même manière, elles ont toutes une affinité particulière avec la lumière. Plus le couvert arboré est important et plus le nombre de plantes possibles sera restreint, car la grande majorité des plantes est héliophile ou photophile. On sait bien que, dans la nature, la diversité est plus réduite en forêt. Il est une expérience intéressante si on possède un luxmètre, capteur permettant de mesurer l’éclairement (Lux).
Prenez la mesure au ras d’une fenêtre, dans un intérieur, puis de nouveau en vous éloignant de celle-ci de deux ou trois mètres. La luminosité diminue d’environ 40 %, alors qu’il nous semble, à l’œil, qu’elle a peu varié. Les plantes, elles, ne se trompent pas, c’est pourquoi le couvert demeure très influent.
Les grandes feuilles plutôt à l’ombre
Les plantes à grandes feuilles, ou à feuillage persistant, acceptent mieux l’ombre que les autres. Acanthes, Hosta, gunnères, pétasites (très précoces), rhubarbes, Astilboides, Darmera une belle Saxifragacée, Fatsia japonica (une Araliacée, comme le lierre…) sont des plantes à grandes feuilles qui sont plus à l’aise à l’ombre. Attention, l’artichaut est trompeur. Avec ses grandes feuilles, il préfère le plein soleil, mais c’est une méditerranéenne.
En forêt, on va trouver des petits malins comme le houx ou le fragon, qui vont garder leurs feuilles en hiver, ou posséder des rameaux chlorophylliens, et profiter de l’absence de feuilles des plus grands pour effectuer leur photosynthèse en hiver. Azalées, buis, bambous, camellias… sont des plantes d’ombre.
Génotype et aménagement du jardin
Une longue liste qui ne serait jamais exhaustive n’a pas sa place ici. Le principe est qu’au titre de la lumière, les plantes ont leur affinité inscrite dans leur génotype, que nous pouvons déceler cette affinité par une approche écologique, en connaissant leur origine géographique et le contexte naturel dans lequel pousse l’espèce de base, car même les cultivars qui en sont dérivés en gardent trace. Dans notre approche de jardinier, nous devons tenir compte des changements d’éclairement qui vont se produire au fur et à mesure que les espèces à grand développement feront de l’ombre aux autres (3*). Alors deux stratégies sont possibles : prévoir et planter, espacé, ou supprimer à terme les plus grandes, ce qui peut être parfois dommage !
Philippe Richard
Directeur des affaires culturelles, mairie de Bordeaux
(1*) Souvent, quelle que soit l’espèce ou même le cultivar, les plantes d’un même genre ont le même comportement, ce qui facilite les choses, mais justement pour la jacinthe, celles qui sont cultivées sont aussi photophiles.
(2*) Il s’agit à l’origine une plante forestière…
(3*) C’est la règle qui a prévalu durant l’évolution durant laquelle, peu à peu, les terres émergées ont été colonisées d’abord par des plantes rampantes, comme les bryophytes, puis les fougères se sont érigées pour trouver la lumière et vaincre la concurrence. Au final, après un long temps d’évolution, les arbres sont devenus les formes dominantes.
BIBLIOGRAPHIE
Rameau J.-C. Mansion D. Dumé G. Timbal J. & Al. 1989
Flore forestière française (guide écologique illustré), tome I : Plaines et collines, IDF Éd.
www.alsagarden.com/blog/ liste-des-plantes-pour-un-jardin-foret-en-zone-temperee/