Société d’horticulture de la Moselle : 180 ans de passion

Créée en 1843, la Société d’horticulture de la Moselle n’a pas connu un long cheminement tranquille. Les guerres de 1870 et de 1939 1945 ont mis un voile sur ses activités, et elle a même totalement disparu entre 1875 et 1921, lors de l’annexion de l’Alsace-Moselle. La pandémie récente de la Covid a provoqué un nouvel arrêt de ses activités et une réduction sérieuse du nombre de ses adhérents. Mais son passé demeure particulièrement riche d’événements et d’initiatives qui en font une société pionnière.

Les visites de jardins sont toujours des temps forts de rencontres et de découvertes © SHM
Les visites de jardins sont toujours des temps forts de rencontres et de découvertes
Les visites de jardins sont toujours des temps forts de rencontres et de découvertes © SHM

Un bilan historique de la Société d’horticulture de la Moselle (SHM) révèle de nombreuses « premières », ces actions mises en œuvre par elle pour la première fois et reprises ensuite par d’autres organismes, ou ayant entraîné la création de nouvelles associations. C’est le cas, par exemple, de l’incitation faite aux instituteurs de campagne d’initier leurs écoliers au jardinage et à la connaissance de la nature, de la mise en place de cours et démonstrations d’arboriculture fruitière, de l’organisation d’une exposition d’horticulture dans le cadre d’une Exposition universelle, celle de Metz en 1861. Citons également la mise en place de visites de jardins privés, la création d’un comité de Dames patronnesses assurant une reconnaissance féminine à l’attribution de prix ou encore une participation active dans la création du nouveau Jardin botanique de la ville de Metz. Une contribution importante de la SHM a permis la publication des recherches de M. Kleinholt, chef de culture chez le célèbre pépiniériste messin Simon-Louis Frères, concernant la maladie de la pomme de terre qui a frappé le nord-ouest de l’Europe au milieu des années 1840 et provoqué une grave crise alimentaire. Parmi les grands noms qui ont jalonné son histoire, on peut noter les pépiniéristes, horticulteurs et obtenteurs lorrains Simon et Jouin, Jean Ernest Kempnich, horticulteur messin et résistant, dont la vie a inspiré le film Le Père tranquille, ou encore Jean-Marie Pelt, fondateur de l’Institut européen d’écologie.

L’équipe de la Société d’Horticulture de la Moselle
L’équipe de la Société d’Horticulture de la Moselle, fière d’un historique de 180 ans © SHM
Les cours de taille
Les cours de taille, l’une des plus anciennes activités de l’association, rencontrent toujours du succès © SHM

Une création enthousiaste dans un environnement favorable

La lecture des Bulletins de la Société d’Horticulture de la Moselle permet un survol des événements importants de son histoire. Elle débute dans un territoire où la culture des plantes potagères a atteint un degré de perfection qui fait la renommée de la ville de Metz, où les pépiniéristes jouissent d’une grande réputation et où se répand le goût pour l’horticulture que connaît l’ensemble du pays. Une exposition de produits horticoles, en septembre 1843 sous les auspices de l’Académie royale de Metz, va lier cet ensemble d’éléments heureux et inciter quelques amis de l’horti­ culture à former une association. Ressentant cette belle opportunité, ils prient Jean-Joseph-Jacques Holandre de constituer une commission chargée de rédiger un règlement propre à fixer les bases d’une Société d’horticulture pour le département de la Moselle. Conservateur du Muséum d’Histoire naturelle de Metz, cofondateur en 1835 de la Société d’Histoire naturelle de la Moselle, auteur d’une Flore et d’une Faune de la Moselle, il sera le premier président de cette nouvelle association. Avec l’ambition de concourir aux progrès et à la propagation de l’horticulture, la SHM s’occupe des divers moyens de perfectionnement à introduire dans la culture des jardins potagers, des arbres fruitiers et des pépinières, des plantes d’ornement de pleine terre, de serre, d’orangerie…

La 15e édition du « Printemps au Château d’Urville »
La 15e édition du « Printemps au Château d’Urville » s’est tenue début juin 2023 au lycée agricole de Coucelles-Chaussy, organisée par la SHM et l’Eplea (établissement public d'enseignement et de formation professionnelle agricoles) © SHM

Tenant ses premières réunions au Jardin des plantes de la ville de Metz, installé dans l’ancienne abbaye des Capucins, la SHM met en place trois commissions permanentes, pour visiter les jardins potagers, les pépinières et les arbres fruitiers, les serres et les jardins d’agrément, et organise diverses expositions. À chaque réunion, les membres sont invités à apporter une plante ou des produits du jardin pour partager le plaisir de la connaissance. Sont ainsi présentés le magnifique rhododendron de Simon Frères dit Arboreum metense, le charmant Phlox tricolor messin de M. Holandre, obtenu de semis, ou encore les Ribes albidum et Ribes sanguineum qui fleurissent ici pour la première fois.

Nombreuses activités proposées aux adhérents
Depuis la création de l’association, il y a 180 ans, de nombreuses activités sont proposées aux adhérents, avec l’ambition de concourir à une meilleure connaissance de l’horticulture © SHM
La fête des plantes est une initiative de la Société d’horticulture de la Moselle
La fête des plantes est une initiative de la Société d’horticulture de la Moselle © SHM
Nombreuses visites et démonstrations organisées sur le terrain
De nombreuses visites et démonstrations sont organisées sur le terrain © SHM

Un soutien assidu au Jardin botanique

En 1853, le bulletin édité pendant dix ans se transforme en Journal de la Société d’ horticulture, partageant ses savoirs avec d’autres sociétés correspondantes. Des cours d’arboriculture sont mis en place, professés par Alphonse Du Breuil, éminent spécialiste venu de Rouen, celui-là même qui créera, en 1867, l’École municipale et départementale d’arboriculture de la Ville de Paris, qui prendra son nom. L’enseignement pratique se fait dans des jardins privés, celui de Madame Doucet d’abord, puis dans ceux de la Villa Frescatelly, un espace où s’installera ultérieurement le nouveau Jardin botanique de la ville de Metz. Devant leur succès, des cours seront aussi donnés dans les villes de Thionville, Briey et Sarreguemines.

Un mémoire édité l’année suivante demande le maintien du Jardin botanique dont l’existence est menacée. Il va inciter l’administration municipale à prendre à cœur de relever cet établissement et de nommer un conservateur. M. Belhomme, employé au Jardin des plantes de Paris, est nommé chef de culture et directeur du Jardin des plantes de Metz. Il deviendra membre de la SHM, participera aux expositions et écrira souvent dans son bulletin.

Aux Assises scientifiques qui se tiennent cette année-là à Metz, dix nouvelles variétés de conifères, propagés par la greffe herbacée perfectionnée dite « à la Tschudy », sont présentées. Appliquée pour la première fois en Moselle, cette greffe est l’œuvre du baron Jean Joseph Charles Richard de Tschudy (1764-1822).

Au cours de ces années 1850 et 1860, un cours public d’arboriculture dans les établissements Simon-Louis Frères avec l’aide du conseil municipal est mis en place, les recherches de M. Kleinholt sur la maladie de la pomme de terre sont publiées, qui lui vaudront une médaille d’or du ministre de l’Agri­culture. Une exposition universelle d’horticulture, sous le haut patronage de l’impératrice Eugénie, est organisée. En 1865, la ville de Metz, suivant les conseils de la Société, acquiert une vaste propriété sur le ban de Montigny-lès-Metz pour y installer son nouveau Jardin botanique. Et c’est encore la SHM qui, à la demande du maire, se charge du déménagement des collections botaniques. La Société va désormais tenir là ses réunions et ses cours… jusqu’à sa dissolution en 1875.

Le renouveau de l’après-guerre

Reconstituée en 1921, la SHM va se trouver surprise en plein essor par la Seconde Guerre mondiale. Oubliée de 1940 à 1945, elle va se relever doucement et recouvrer progressivement son influence. Le général Brion en reprend la tête, puis Jean Ernest Kempnich en 1948. L’histoire de cet horticulteur de Woippy, spécialiste du cyclamen et de l’orchidée, résistant pendant la guerre, sera évoquée par René Clément dans son film Le Père tranquille, avec l’acteur Noël-Noël. Parmi les initiatives de cette nouvelle période, on compte la mise en place d’un concours des balcons fleuris, une exposition dans les salons de la gare de Metz dans le cadre du Congrès national pomologique, une exposition sur la rose, pour fêter son centenaire, ou encore la participation au Congrès national des chrysanthémistes. En 1953, la SHM édite un nouveau journal, L’Horticulture mosellane, et de nouvelles sections régionales sont créées. En 1969, elle se réinstalle dans le Jardin botanique où des locaux sont mis à sa disposition.

Une place confirmée

La place de la SHM n’a cessé de se confirmer au cours de ce nouveau siècle, avec des temps forts. Une grande manifestation est dédiée au dahlia en 2005 au château d’Urville, qui donne son nom à une nouvelle variété, mais incite aussi la SHM à lancer une fête des plantes, le « Printemps au château d’Urville ». En 2017, elle participe avec la ville de Metz aux 150 ans du nouveau Jardin botanique, et lui attribue des fonds pour la réfection des verrières des grandes serres et l’étiquetage de sa roseraie. Et en 2018, l’année de ses 175 ans, elle renforce les liens qui existent entre ces deux structures en lui offrant un Hamamelis brevipetala, créé à Orléans par le pépiniériste Léon Chenault (1853-1930).

Une nouvelle rose est également plantée au Jardin botanique, la ‘Rose Amable’, obtention de Jean-Lin Lebrun, baptisée avec l’association Les Amis d’Amable Tastu, poétesse et femme de lettres d’origine messine. Cette année, pour fêter ses 180 ans, c’est un chêne à lattes (Quercus imbricaria) que la SHM a offert au Jardin botanique, et un chêne vert (Quercus ilex) a été planté dans le parc de l’Espace Europa à Montigny-lès-Metz. Forte des nombreuses activités proposées à ses adhérents – voyages, visites de jardins et découvertes « nature », conférences et démonstrations, participation à différentes fêtes des plantes, réponses aux questions de lecteurs – la Société d’horticulture de la Moselle aborde avec enthousiasme cette nouvelle période. Souhaitons-lui longue vie !

 

Romuald Duda
https://shm-asso.fr