Sapin de Noël : toute une culture
Jean-François Coffin
Le sapin de Noël est un marronnier. Entendons par là un sujet incontournable que la presse doit traiter en période de fête. Mais derrière la tradition et le folklore se cache une filière de production, avec une culture qui tend de plus en plus vers la qualité et le respect de l’environnement.
La tradition du sapin de Noël est bien ancrée dans les familles françaises. En 2017, 5,7 millions de foyers ont acheté autant de sapins naturels. À de rares exceptions près, ces sapins ne sont pas coupés sauvagement dans les forêts mais sont le fruit d’une vraie culture agricole. « Les méthodes de production se rapprochent fortement de celles de la vigne ou de petits fruits comme le cassis », précise l’AFSNN1 (Association française du sapin de Noël naturel).
Coupés, en motte ou en pot
À l’origine du sapin, une graine. Un certain nombre d’entreprises spécialisées en proposent. Les jeunes plants qui en sont issus sont repiqués en pleine terre, en général au bout de quatre à cinq ans. La culture en pleine terre dépasse rarement dix ans, sauf pour les gros sujets. Puis les sapins sont coupés et conditionnés, la plupart du temps dans des filets.
Outre le sapin coupé, qui représente la majorité des ventes, on trouve aussi des sapins en motte ou en conteneurs offrant une qualité de tenue (chute des aiguilles, notamment) plus élevée en intérieur mais à un coût plus élevé.
Un végétal peu exigeant
Le sapin n’est pas trop exigeant en ce qui concerne la nature du sol. Il n’aime cependant pas le calcaire. Ceci explique que sa production demeure limitée à certaines régions où les sols sont de nature acide. Si le Morvan (Bourgogne) est réputé pour cette culture, elle est aussi pratiquée en Bretagne, en région Auvergne-Rhône-Alpes (Savoie et Haute-Savoie), en Limousin, dans les Pyrénées, soit, en tout, 46 départements. « L’acidité rend les éléments essentiels moins disponibles aux plantes. C’est le cas des éléments majeurs comme l’azote, le phosphore, le potassium, le calcium et le magnésium. Elle rend également plus accessibles les éléments mineurs toxiques comme l’aluminium et le manganèse qui sont absorbés involontairement par la plante », souligne l’AFSNN. Le producteur devra alors rectifier le pH par un apport de chaux et enrichir le sol par des amendements organiques et des fertilisants.
Des attaques possibles
Parmi les facteurs limitant la croissance des plants figurent les mauvaises herbes. Le désherbage chimique est encore pratiqué mais devra diminuer face à la réglementation, notamment sur l’utilisation du glyphosate. Les alternatives de lutte proposent le fauchage, les interventions mécaniques, voire le pâturage.
Le sapin est de nature plutôt résistante mais il n’échappe pas à l’attaque d’insectes ou de champignons. La lutte, elle, fait appel à des insecticides et fongicides. Et certains professionnels veulent se démarquer de la culture traditionnelle dans un contexte où le consommateur exige de plus en plus de garanties en faveur du respect de l’environnement. D’où l’apparition ou la progression de certains signes de qualité.
Des signes de qualité
Depuis 2017, le sapin de Noël peut bénéficier d’un label rouge2 délivré par les pouvoirs publics. Pour l’obtenir, il doit répondre à des critères esthétiques très exigeants : la densité du feuillage, une allure équilibrée, la taille et la forme de la flèche… Afin que les aiguilles tiennent bien, les sapins Label Rouge sont coupés plus tardivement que les autres. En 2017, 70 000 arbres étaient disponibles dans de nombreux points de vente, à compter du 1er décembre. Le Label Rouge garantit la qualité du produit mais pas les conditions environnementales dans lesquelles il a été cultivé. Parmi d’autres signes distinctifs, la signature Fleurs de France3 certifie aux consommateurs que les végétaux qu’ils achètent « ont été produits sur le territoire national par des producteurs engagés dans une démarche de qualité ou d’éco-responsabilité reconnue ».
Le démarrage du bio
Le sapin bio, s’il en est encore à une production limitée, peut prétendre à un bel avenir. Michel Vuillier est le premier producteur de sapin bio en France sur son exploitation de Belloc (Ariège). Son entreprise France Sapin Bio4 a obtenu le label bio en 2013 et a produit 23 000 sujets en 2017. Jusqu’à cette année, France Sapin Bio était la seule entreprise française à être labellisée bio. Mais un autre producteur, Racines du Morvan (François Rousselin), a obtenu le label début 2018 après avoir bénéficié des conseils de Michel Vuillier.
France Sapin Bio a lancé un partenariat avec la chambre d’Agriculture de l’Ariège afin de permettre à d’autres agriculteurs d’accéder au label bio et de le développer au niveau du département.
La bonne odeur de Noël
Alors comment choisir son sapin ? La principale motivation du consommateur réside dans la tenue des aiguilles, d’où le succès du sapin de Nordmann dont c’est la qualité première. Mais une autre motivation peut se cacher dans la senteur. Si le sapin de Nordmann est quasi inodore, l’épicéa commun, l’arbre traditionnel des fêtes de Noël, émet une bonne odeur de résine qui participe à cette ambiance de fête. Hélas, la tenue de ses aiguilles est limitée mais sa croissance s’avérant rapide, elle permet de réduire son coût. Un autre arbre odorant est le sapin de Vancouver. Proche dans sa forme du sapin de Nordmann, il développe une odeur de mandarine-citronnelle. L’épicéa d’Engelmann dégage, lui, une senteur camphrée lorsqu’on froisse les aiguilles, tandis que de l’épicéa du Colorado émane une bonne odeur de pin, alors même qu’il résiste davantage à la chaleur que ses cousins.
Enfin, le sapin noble mérite bien son nom car il regroupe les avantages recherchés : les aiguilles ne sont pas piquantes et tiennent longtemps, il sent bon la résine mais son coût est plus élevé.
Alors, pour choisir un sapin de Noël, faites appel aussi à votre nez !