Rencontre avec les fagacées européenes
La famille des fagacées comprend huit genres.
Les plus connus d’entre eux nous sont extrêmement familiers,
puisqu’il s’agit du chêne, du hêtre et du châtaignier.
Mais, connaissez-vous leur évolution et leurs spécificités précises ?
Cet article fait le point.
Toutes les espèces arbustives spontanées actuellement présentes en Europe ont survécu au dernier épisode glaciaire (-22000 à -12400) dans des zones où elles ont été épargnées par le froid (zones refuges), donc à des latitudes différentes du bassin méditerranéen ou des plaines et montagnes d’Europe. Les Fagales sont en botanique le taxon des arbres à chatons (amentifères), auparavant taxon des Hamamelididae, maintenant obsolète dans APG IV (4e classification phylogénique des angiospermes de 2016), et éclaté en salicacées, fagacées plus
anciennement appelées cupulifères, bétulacées, moracées et pinacées.
Trois genres de fagacées sous nos latitudes
Les fagacées (Fagaceae), apparues il y a plus de 90 millions d’années, constituent une famille d’arbres qui comprend huit genres. Les fagacées de nos contrées, en Europe de l’Ouest, sont les chênes (Quercus) dont Q. robur qui, avec les hêtres (Fagus) F. sylvatica, survivent quand la température moyenne est audessus de -7,5 °C (-0,1 °C pour Q. ilex). Le châtaignier (Castanea sativa) se situe à un niveau intermédiaire.
Dans les régions tempérées, les fagacées sont le plus souvent à feuilles caduques, tandis que sous les tropiques, de nombreuses
espèces sont des arbres et arbustes à feuilles persistantes. Les feuilles sont simples alternes à nervation pennée, les fleurs unisexuées
sous forme de chatons et les fruits de présentation très variée, en forme de coupe (cupule : de gland, faîne, et châtaigne).
Les feuilles sont souvent lobées et les pétioles et stipules sont généralement présents. Les fruits sont dépourvus d’endosperme
et se présentent sous la forme d’une enveloppe écailleuse ou épineuse qui peut ou non renfermer l’ensemble du fruit, lequel
peut être constitué d’une à sept graines.
Chez les chênes, le fruit est un gland sans sillon (contenant généralement une graine). Chez la plupart des chênes, l’enveloppe du gland ne forme qu’une coupe dans laquelle se trouve la noix. D’autres membres de la famille ont des noix entièrement fermées. Les fagacées constituent l’une des familles de plantes ligneuses les plus importantes sur le plan écologique dans l’hémisphère nord, car les chênes forment la clé de voûte des forêts tempérées en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, et sont l’une des sources les plus importantes de nourriture pour la faune qui les disperse. Plusieurs membres de la famille des fagacées offrent des utilisations économiques importantes. De nombreuses espèces
Une large répartition
Les fagacées sont largement répandues dans l’hémisphère nord. La diversité des genres est concentrée en Asie du Sud-Est, où la
plupart des genres existants ont évolué avant de migrer vers l’Europe et l’Amérique du Nord (via le pont terrestre de Bering).
Les membres des fagacées (tels que F. grandifolia, C. dentata et Q. alba dans le nord-est des États-Unis, ou F. sylvatica, Q. robur
et Q. petraea en Europe) sont souvent dominants d’un point de vue écologique dans les forêts tempérées septentrionales.
Plus de 400 espèces de fagacées, principalement Castanopsis et Lithocarpus, poussent dans les régions tropicales de l’Asie du
Sud-Est, certaines espèces jouant un rôle dominant similaire sur de vastes étendues
[Denk et al. 2019 https://www.diva-portal. org/smash/get/diva2:1373465/FULLTEXT01.pdf].
Le genre le plus diversifié : le chêne
Les chênes jouent un rôle écologique majeur en termes d’abondance de biomasse sur pied et d’une variété d’associations mutualistes impliquant des champignons ectomycorhiziens et des insectes formant des galles. Les interactions entre les fagacées et leur biote co-distribué suggèrent des degrés de spécificité d’hôte et le potentiel de co-évolution, de diversification réciproque et d’expansion de la taille de l’aire de répartition.
Quercus semble avoir contribué à une augmentation du taux de diversification dans la section Quercus au cours du Miocène.
Cette augmentation de la spéciation et l’opportunité écologique offerte aux chênes blancs marquent la montée et la propagation d’une lignée dominante de feuillus portant un génome nucléaire introgressé dans les écosystèmes forestiers de toute l’Eurasie.
Le genre Quercus est de loin le genre le plus diversifié des fagacées, avec plus de 500 espèces différentes. Reconstituer la phylogénie du genre n’a pas été simple du fait d’une forte variation génétique intraspécifique, d’une faible différenciation interspécifique et de fréquents flux de gènes interspécifiques.
Les hêtres s’adaptent plus aisément
Une grande variation génétique et un flux génétique important aident les arbres forestiers à s’adapter au changement climatique en cours, mais les bases génétiques qui sous-tendent leur potentiel adaptatif restent largement inconnues. La structure génétique de l’aire de répartition du hêtre est cohérente avec le scénario d’expansion post-glaciaire et les voies de recolonisation de l’espèce identifiés précédemment. Ainsi le hêtre européen (F. sylvatica) s’étend du sud de l’Italie au sud de la Scandinavie et de la péninsule ibérique à la Crimée. Les populations présentent une grande diversité et une faible différenciation le long des principales voies d’expansion. Des signes de sélection divergente ont été détectés dans la même proportion pour les gènes liés à la réponse au stress et à la phénologie. La structure génétique adaptative du hêtre à l’échelle de l’aire de répartition semble très intégrée, ce qui suggère une contribution équilibrée des gènes liés à la phénologie et au stress à l’adaptation locale, et des régimes de température et de précipitations aux clines génétiques. Dans des conditions favorables, en particulier en Europe centrale, il peut supplanter toutes les autres espèces d’arbres et former des peuplements monospécifiques dans lesquels, en raison de l’ombrage, d’autres espèces de feuillus peuvent difficilement s’établir.
(voir l’article d’Ivan Scotti).
La production de châtaignes en France : une chute vertigineuse
Sept espèces de châtaigniers sont distribuées dans l’hémisphère nord. Quatre sont écologiquement importantes.
Le châtaignier européen (C. sativa) est cultivé pour ses fruits, les châtaignes et marrons, et exploité pour son bois imputrescible. Le châtaignier américain (C. dentata), de la côte est des États-Unis, a été dévasté au XXe siècle par la maladie du chancre de l’écorce (Cryphonectria parasitica). Le châtaignier japonais (C. crenata) et le châtaignier chinois (C. mollissima) sont résistants au chancre et à l’encre, le premier est cultivé au Japon et dans les Corées pour ses fruits, et le second a été planté massivement ces dernières décennies en Chine. C. mollissima est la première espèce de châtaignier cultivé dans le monde. Les différentes espèces de châtaigniers sont calcifuges et ont des exigences assez fortes en termes de sol suffisamment drainé pour éviter les excès d’eau, à pH acide ou à défaut neutre, et une pluviométrie devant se situer entre 600 et 1 600 mm. En Europe, la production de châtaignes a diminué fortement depuis le XIXe siècle, mais depuis le début des années 2000, s’est stabilisée et augmente légèrement, atteignant environ 150 000 tonnes par an. En France, la production est passée d’environ 500 000 tonnes au milieu du XIXe siècle à seulement 8 000 tonnes actuellement. Les fruits sont consommés par les animaux et ceux récoltés sont largement utilisés sous forme de farines – elles ne contiennent pas de gluten – pour la cuisine (gastronomie) et les charcuteries réputées (les produits sont labellisés AOP et IGP). La France, malgré la plus grande surface de forêts de châtaigniers mondiale (750 000 hectares), doit désormais importer des fruits d’autres pays d’Europe ainsi que de Chine pour répondre à la demande intérieure croissante.
André Bervillé
Ingénieur honoraire Inrae, membre du Comité de rédaction de Jardins
de France
François Villeneuve
Ingénieur honoraire du CTIFL, membre du Comité de rédaction de
Jardins de France