Qu’est-ce qu’un bulbe à fleurs ?
Le terme « bulbes à fleurs » est utilisé par de nombreux jardiniers pour désigner cet ensemble de plantes qui passent l’hiver sous le sol, pour renaître et fleurir au printemps ou durant l’été. En réalité, se cachent sous cette appellation plusieurs types d’organes souterrains de réserve. On peut distinguer ainsi le bulbe de tulipe, le corme de crocus, le tubercule de dahlia, le rhizome de l’iris ou encore le pseudo-bulbe de certaines orchidées. Une leçon de botanique s’impose !
Les bulbes à fleurs occupent toujours une place de choix dans les jardins : ils sont incontournables. En sortie d’hiver, fleurissent les perce-neige, crocus, jonquilles, narcisses…
À l’arrivée du printemps, les tulipes et les iris nous offrent une explosion de couleurs. En plein été, les bégonias, lys, cannas, dahlias, glaïeuls… sont majestueux.
C’est justement ce calendrier des saisons qui guide le choix du jardinier, parmi le large éventail d’espèces disponibles. Pour l’amateur, le terme de « bulbes à fleurs » désigne couramment toute plante qui se développe à partir d’un organe souterrain contenant des réserves. S’il lui faut faire une distinction, il différencie les bulbes à fleurs de printemps, qui fleurissent de février à mai-juin, et les bulbes à fleurs d’été ou d’automne qui fleurissent de juillet aux premières gelées.
La classification botanique des bulbes : c’est compliqué
Sur le plan botanique, la classification est un peu plus compliquée et l’appellation de « bulbeuses ornementales » n’est pas vraiment correcte. Pour être exact, il faudrait les nommer « géophytes ». Dans la classification de Raunkier*, ce terme désigne un type de végétal (phyte) vivace qui possède des organes lui permettant de passer la mauvaise saison enfoui dans le sol (géo). La plante est donc inapparente pendant quelques mois de son cycle annuel. Dès le retour de la bonne saison, elle sera prête à croître et à fleurir grâce aux réserves accumulées à la base de ses feuilles ou dans ses écailles (bulbes), dans ses racines ou dans ses tiges (rhizomes, tubercules).
Les « vrais » bulbes et les autres…
Alors, un bulbe à fleurs, c’est quoi au juste ? La morphologie peut être abordée par quelques notions simples de botanique. Le « vrai » bulbe est un ensemble de feuilles charnues épaissies, gorgées de réserves et serrées, compressées les unes contre les autres, enserrant une plante à l’état embryonnaire. Ces feuilles peuvent recouvrir totalement la partie centrale et l’on parle alors de bulbe « tuniqué », comme pour la tulipe, la jacinthe, le narcisse, la jonquille, le muscari… Dans l’autre cas, notamment pour le lys ou la fritillaire, le bulbe est dit « écailleux » car il est composé d’écailles charnues, mais lâchement imbriquées et non engainantes. Le bulbe permet donc à la plante d’entrer en quasi-dormance durant la période hivernale défavorable, puis de reconstituer son appareil végétatif au retour de la belle saison. Pour le « petit du bulbe », on parle de caïeu.
Le corme, aussi appelé cormus, est très proche du bulbe, en plus aplati. Il est constitué d’une tige renflée et charnue où sont stockées les réserves, entourée par quelques feuilles séchées qui ont un rôle juste protecteur, et non pas nutritif comme chez le vrai bulbe. Le corme se renouvelle chaque année, le nouveau apparaissant au dessus de l’ancien. C’est le cas des crocus, colchiques, freesias, iris bulbeux, glaïeuls…
Rhizomes et tubercules à fleurs
Le rhizome est une tige souterraine renflée, parfois capable de stocker des éléments nutritifs, et poussant souvent à l’horizontale. Elle porte des racines et dans certains cas des feuilles sous la forme d’écailles. Elle peut émettre de nouvelles pousses aériennes qui, lorsqu’elles se détachent de la plante mère, donnent naissance à de nouveaux plants. Dans cette catégorie, se rangent l’anémone, le muguet, l’iris des jardins, l’Eremurus himalaicus (ou lys des steppes)…
Le tubercule est un morceau de racine ou de tige (ou encore de l’hypocotyle, la partie inférieure de la tige sous les cotylédons) qui s’est gonflé pour servir d’organe de réserve. Ses particularités, ce sont la forme sphérique et aplatie aux deux pôles, et les bourgeons qui apparaissent directement sur le tubercule, permettant à de nouvelles pousses de se développer. Pour exemples les plus connus, le dahlia, l’alstrœmère, le bégonia, le cyclamen…
Et le pseudo-bulbe ? On le rencontre chez de nombreuses orchidées, comme le cattleya, le dendrobium ou le cymbidium. Il résulte du grossissement de la base des tiges et peut être de forme cylindrique, ovale ou aplatie. Enfin, on appelle bulbilles les petits bulbes qui se forment en périphérie sur certaines parties de plantes. Sur le plan botanique, ce ne sont pas des organes souterrains mais de petits bourgeons qui, une fois en contact avec la terre, séparés du pied mère, peuvent donner une nouvelle plante. C’est le cas de certaines fougères Cystopteris bulbifera ou Asplenium bulbiferum, de certains ails d’ornement (comme Allium vineale), ou du Kalanchoe daigremontiana.
En somnolence durant l’hiver
On l’aura compris, certaines plantes se font passer pour des bulbes à fleurs, mais elles n’en sont pas vraiment, au sens strict de la morphologie. Dans tous les cas, aux yeux du jardinier qui s’émerveille devant cette explosion de fleurs, la physiologie de cet organe de réserve est remarquable. Les bulbes à floraison printanière se mettent en terre à l’automne, entre septembre et novembre. Ceux à floraison estivale ou automnale se plantent au printemps. Certains peuvent rester en place d’une année sur l’autre, ils vont se naturaliser. D’autres, plus sensibles au gel, devront être retirés et mis à l’abri durant l’hiver. Que se passe-t-il sous terre ? Tous les jardiniers savent qu’après la floraison de la plante, il est conseillé de supprimer les fleurs fanées, pour ne pas l’épuiser inutilement par une montée à graines non souhaitée. En revanche, il ne faut pas couper les feuilles jaunies, mais attendre qu’elles se flétrissent naturellement car cela va permettre la poursuite de la photosynthèse et la synthèse de l’amidon, une des matières de réserve, qui va retourner dans le bulbe. Ensuite, durant la mauvaise saison, ces organes vont entrer en période de somnolence, qui n’est pas une vraie dormance. Ils ne grandissent pas et ne produisent pas de végétation au-dessus du sol, mais ils travaillent à la préparation d’un système racinaire renforcé. Sous l’effet du froid et des jours qui raccourcissent, des changements physiologiques et hormonaux vont survenir, préparant ainsi les bulbes à la prochaine saison de croissance. Certains types profitent également de cette période pour se multiplier, par division du bulbe mère. Passe l’hiver: les bulbes sous terre sont à moitié endormis, on a tendance à les oublier. Jusqu’à ce que… sous l’effet des jours qui rallongent et des températures qui augmentent, des changements hormonaux déclenchent la transformation des glucides de réserve, la reprise de la photosynthèse et la croissance des bourgeons… Suit alors l’explosion de la végétation!
Magie de la croissance grâce aux réserves
Un fleurissement magique ? Oui, mais certaines conditions sont à respecter. Première mise en garde, les bulbes sont, sauf exceptions, et à des nuances près, des organes riches en eau, et ils restent physiologiquement un peu actifs sous terre ou durant le stockage. C’est pourquoi il est nécessaire de contrôler l’humidité du sol, et surtout l’hygrométrie et le renouvellement de l’air, en cours de stockage. Deuxième recommandation, la floraison ne dépend pas seulement de la quantité d’énergie disponible, mais aussi de la quantité de réserves du bulbe, liée à sa taille. Le plus souvent donc, une belle floraison ne sera possible que si le bulbe a atteint une certaine taille critique, variable selon les espèces ou le cultivar (voir ci-dessous). Enfin, d’une année à l’autre, les conditions thermiques et l’intensité lumineuse peuvent varier et jouer le rôle de facteurs limitants pour la période cruciale de l’initiation florale.
Les botanistes et les collectionneurs ont recensé environ 90 familles de bulbes à fleurs. Certaines sont bien connues et rassemblent de nombreuses espèces très utilisées dans nos jardins. Citons, selon la classification classique, les liliacées (tulipe, scille, fritillaire, muguet, jacinthe…), les iridacées (iris, freesia, crocus…) ou encore la famille apparentée aux liliacées, les amaryllidacées (hippeastrum, amaryllis, narcisse, jonquille…), qui appartiennent toutes à la classe des monocotylédones. Dans la classe des dicotylédones, on trouve le dahlia (astéracées), le cyclamen (primulacées), l’anémone (renonculacées)…
Une extrême diversité
À la diversité de forme des bulbes à fleurs, s’ajoute la diversité de taille de ces organes de réserve, que l’on mesure par la circonférence, et qui varie d’une espèce à l’autre. Les bulbes dits « botaniques », que l’on peut retrouver à l’état naturel dans les jardins, possèdent souvent un calibre inférieur aux espèces et variétés « horticoles », issues d’un travail de sélection. Par exemple, les crocus, perce-neige ou muscaris forment des bulbes plus petits (8 à 10 cm de circonférence) que les tulipes (12-14 cm), jacinthes (18-20 cm) et les hippéastres ou amaryllis (30 cm et plus !).
En règle générale, on dit que « les bulbes doivent être plantés à une profondeur correspondant à deux ou trois fois leur hauteur ». Méfions-nous de cette indication, il y a trop d’exceptions à la règle, à commencer par l’iris des jardins, dont le rhizome doit juste affleurer le sol. La morphologie des bulbes à fleurs est si diversifiée qu’il est plus sage de leur réserver des attentions bien spécifiques.
Laure Gry
Journaliste et membre du Comité de rédaction de Jardins de France
* La classification Raunkier (du nom du botaniste danois, 1860-1938) est fondée sur la façon dont les végétaux s’organisent pour passer la mauvaise saison, et plus précisément la position hivernale des bourgeons.