Quel avenir pour le Catalogue officiel des variétés ?
Le changement climatique et la perte de biodiversité imposent de faire évoluer les méthodes de culture. En amont, le Catalogue officiel des variétés, qui délivre le « sésame » préalable à toute commercialisation, évolue lui aussi.
Cela fait environ vingt-cinq ans que l’agriculture est devenue un sujet de débats de société important en France, avec moults critiques et remises en cause de son développement depuis les années 1950-1960. Ainsi, dans les années 1990, la crise de la vache folle focalise ces débats sociétaux, avec des interrogations sur l’innocuité de ses produits.
Puis, dès la fin des années 1990, c’est notamment le modèle socio-économique de création variétale qui a l’honneur des feux de la rampe, précisément avec l’autorisation des premiers OGM en culture en France.
Depuis, le changement climatique, devenu une réalité palpable depuis peu, la perte de biodiversité à l’échelle de la planète avec pour certains de ses compartiments des services éco-systémiques pourtant rendus à l’Humanité et une population mondiale amenée à croître et à s’urbaniser encore plus sont autant de défis que l’homme doit relever pour les années et les générations à venir.
Répondre au changement
Pour l’adaptation des cultures, plusieurs réponses sont envisagées, avec des degrés divers en termes de maturité de développement. Les itinéraires culturaux en particulier peuvent réorganiser de manière forte les rotations et les pratiques habituelles qui, dès lors qu’elles proposent une pertinence sur le terrain en termes de productivité et de rentabilité économique, se développent. On pense aux techniques que l’on peut regrouper sous le terme d’agroécologie.
On y retrouve l’agriculture de conservation des sols, l’agriculture biologique, le recours à des auxiliaires, la culture en bandes (encore au stade de recherche à l’Université de Wageningen aux Pays-Bas), etc. On peut également penser aux méthodes de production permettant de reconnecter la population urbaine avec ses producteurs d’aliments, comme les fermes urbaines, qu’elles soient en périphérie, voire dans des îlots au milieu du béton urbain, sur les toits de bâtiments ou encore à l’intérieur de ceux-ci, avec le contrôle sur toutes les conditions de croissance.
L’entrée variétale et ses techniques de création plus ou moins contemporaines ont naturellement un rôle à jouer dans la réorientation et la multiplication des modes de production de nourriture.
Les variétés anciennes pour se reconnecter aux territoires
Quand il s’agit de légumes en particulier, la variété ancienne est bien souvent présente. Même si le nombre de jardiniers amateurs cultivant un potager ou des jardins partagés mis à disposition par les communes s’érode doucement d’année en année, ces jardiniers apprécient les variétés auxquelles ils ont été initiés et sont aujourd’hui habitués.
Et ce sont souvent des variétés d’un certain âge : pois potagers Douce Provence ou Téléphone à Rames, choux Cœur-de-Bœuf des Vertus ou Précoce de Louviers, haricots Michelet à longue cosse ou Triomphe de Farcy, laitues Blonde du Cazard ou Grosse Blonde paresseuse, tomates Montfavet 63-5 ou St-Pierre…
Si la création variétale a adapté les variétés à des légumiers professionnels avec des conditions de production (créneaux, abris…) différentes de celles des potagers amateurs, la variété ancienne est également aujourd’hui un outil de relocalisation de la production autant qu’un outil porté par les régions pour la reconnexion de la population avec elles.
Ainsi, depuis vingt ans, les centres régionaux de ressources génétiques (Hauts-de-France, Centre, Rhône-Alpes notamment) œuvrent à retrouver les variétés créées sur leur territoire et, après inscription au Catalogue, à les promouvoir en contribuant notamment à des labels de qualité (AOC, IGP…). On peut citer les haricots Blanc de Flandres et Barangeonnier, l’oignon rouge d’Abbeville…
En agriculture biologique, les variétés anciennes constituent également une composante de l’offre de nombre de maraîchers ou de paysans boulangers. Créées avant l’utilisation significative des engrais de synthèse et des produits de synthèse de protection phytosanitaire, les variétés anciennes sont caractérisées, de manière plus ou moins avérée, par des niveaux de sensibilité aux maladies et ravageurs inférieurs aux variétés contemporaines.
Or, nombre de variétés anciennes ne répondent pas totalement aux besoins des agriculteurs et maraîchers en agriculture biologique. Des programmes de sélection spécifiques sont en œuvre, notamment en Allemagne et en Suisse, et visent des variétés ayant une résilience dans le temps et l’espace. Cela suppose un certain niveau d’hétérogénéité, auquel le Catalogue officiel n’était plus habitué. Avec la prédominance des hybrides et des lignées, les variétés synthétiques étaient concentrées chez les espèces fourragères.
Quel avenir pour le Catalogue officiel des variétés?
Aujourd’hui, le Catalogue officiel des variétés et des espèces est à l’image de l’agriculture : diversifié. Pour ce qui est des variétés d’espèces légumières, si le développement des variétés hybrides entamé dans les années 1970 a concentré les nouveautés variétales dans cette structure génétique, les variétés anciennes, qui n’avaient pas été inscrites à l’ouverture du Catalogue (en 1952 pour un certain nombre d’espèces, en 1973 pour la tomate, en 1990 pour des Allium…) ne pouvaient plus y rentrer faute d’un dispositif dédié. Les jardineries et graineteries étaient pourtant remplies de variétés anciennes.
Vers la fin des années 1990, a été créé en France un registre annexe des variétés anciennes pour amateur. Quelque 250 variétés ont bénéficié d’un minimum de contrôles variétaux par les équipes du Geves. En s’appuyant notamment sur cette expérience française, l’Union européenne a adopté un cadre réglementaire permettant l’inscription, à l’échelle de l’Union, d’une part, de variétés anciennes menacées de disparition et, d’autre part, de variétés destinées principalement à des amateurs (quel que soit l’âge de ces variétés).
En France, ce dispositif s’est traduit dès lors par la liste « c » (variétés de conservation) et par la liste « d » (variétés principalement destinées à l’autoconsommation) à côté des listes « a » et « b » existant depuis 1952. En complément, en 2018, afin de favoriser la reconnaissance officielle de variétés dotées d’un certain degré d’hétérogénéité, requis en agriculture biologique, l’Union européenne a adopté un nouveau cadre réglementaire. Les premières variétés à être inscrites dans ce cadre, après un temps nécessaire d’échanges entre les experts des organismes en charge des études techniques en vue de l’inscription, le seront en 2024.
Demain, que contiendra le Catalogue ? Comment sera-t-il abondé ? Engagée en 2019, une révision du cadre réglementaire européen sur les variétés vise à s’inscrire dans un cadre plus large d’adaptation au changement climatique. Dans cet objectif, plusieurs approches et techniques de sélection semblent être souhaitées tant par la Commission européenne que par le Parlement européen: une diversité de structures génétiques (variétés, populations, dont celles sélectionnées par les obtenteurs AB, variétés hybrides…) et une diversité des méthodes de sélection (dont celles regroupées sous l’acronyme NBT, voir l’article de Laure Gry p. 35). La proposition de textes législatifs est attendue pour mi-2023. L’objectif annoncé est d’obtenir une diversité permettant une durabilité des cultures et des productions.
Pascal Coquin
Geves (Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences