Que peut-on attendre des nouvelles techniques de sélection des plantes ?
Après la longue polémique autour des OGM, ce sont les nouvelles techniques de sélection, désignées souvent par le terme NBT, qui font débat. Pourtant, elles ouvrent de grandes perspectives pour la sélection des plantes.
Depuis les débuts de la civilisation et l’avènement de l’agriculture, l’homme a cherché à améliorer les espèces, en choisissant de manière empirique les meilleures variétés.
À la fin du XIXe siècle commencent les premiers croisements de parents choisis. Puis les hybrides permettent de progresser sur la vigueur, en cumulant dans une même variété les caractères les plus intéressants.
Après 1960, les progrès de la biologie moléculaire vont être déterminants, avec l’exploration du génome et les prémices de la sélection assistée par marqueurs.
OGM et NBT, quelle différence?
Ces avancées technologiques continuent de faire l’objet, dans certains pays, de débats contradictoires. Il ne faut pas confondre OGM et NBT. Les OGM (organismes génétiquement modifiés) ou plantes transgéniques sont issus de transgenèse, qui consiste à introduire un gène étranger, inexistant au préalable dans la variété considérée.
Les nouvelles techniques d’amélioration des plantes sont appelées indifféremment NBT (New Breeding Techniques) ou NGT (New Genomic Techniques). Elles permettent une modification ciblée du génome, sans ajout extérieur. Leur intérêt consiste en la précision de la correction. On parle aussi de « l’édition génomique ». Elles regroupent plusieurs outils, avec des noms divers, comme la mutagénèse dirigée par oligonucléotide (ODM), la mutagénèse/insertion ciblée par nucléase (SDN) ou la cisgénèse (CRISPR-Cas9) qui est la plus utilisée.
Pourquoi les NBT pourraient-elles être considérées comme des « OGM cachés » ? Actuellement, il existe un flou juridique, tant au niveau communautaire que français. La définition « réglementaire » de l’OGM, telle qu’elle est formulée au travers de la directive 2001/18/CE encadrant les OGM, a le défaut d’être plus large que la définition « scientifique ». Elle est basée non pas sur les caractéristiques du produit mais sur sa méthode d’obtention. Cette question est à l’étude depuis plusieurs années.
Dès 2011, le Comité scientifique diligenté par la Commission européenne (Joint Research Council) avait jugé que les NBT devraient être examinées au cas par cas et devaient être exclues du champ de la directive OGM. Dix ans plus tard, en avril 2021, la Commission européenne elle-même juge que « la réglementation n’est plus adaptée », tout en reconnaissant explicitement que les nouvelles techniques de modification du génome « peuvent contribuer à rendre le système alimentaire plus durable ». Ceci devrait aboutir, en 2024, à un texte européen qui a fait l’objet d’une consultation publique en 2022.
De la mutagénèse spontanée à la mutagénèse « dirigée »
S’agissant de la mutagénèse, depuis que l’agriculture existe, les agriculteurs utilisent cette voie pour améliorer les variétés. Elle est qualifiée de naturelle ou « spontanée ». De nombreuses variétés actuellement cultivées sont issues de mutations spontanées, comme les mutants plus rouges de la variété de pommes Gala.
À partir de 1940, la mutagénèse va devenir un outil pour accroître la variabilité génétique. On emploie pour cela des agents mutagènes qui peuvent être des rayons ionisants ou des substances chimiques (colchicine). Cette mutagénèse est dite « aléatoire », dans le sens où les mutations induites sont considérées comme analogues aux mutations spontanées et, comme elles, sont produites de manière aléatoire. Plus récemment, vers 1970, les travaux commencent sur la mutagénèse « dirigée », qui consiste à modifier de façon ciblée le génome de la plante.
En médecine, la méthode CRISPR-Cas9 (voir encadré) a ouvert de nouvelles pistes dans le domaine des traitements et dans la fabrication de médicaments ou vaccins. En agronomie, les sélectionneurs peuvent utiliser cette technique pour modifier le génome des plantes sans introduire d’ADN étranger. Cette précision est importante car, selon le gène ciblé et la mutation souhaitée, ces changements peuvent ressembler à ce qui aurait pu survenir naturellement. Les améliorations attendues visent des caractères essentiels, comme la résistance aux maladies et aux ravageurs, l’adaptation aux conditions climatiques extrêmes (sécheresse, canicule), ou encore l’amélioration de la qualité.
En médecine, la méthode CRISPR-Cas9 (voir encadré) a ouvert de nouvelles pistes dans le domaine des traitements et dans la fabrication de médicaments ou vaccins. En agronomie, les sélectionneurs peuvent utiliser cette technique pour modifier le génome des plantes sans introduire d’ADN étranger. Cette précision est importante car, selon le gène ciblé et la mutation souhaitée, ces changements peuvent ressembler à ce qui aurait pu survenir naturellement. Les améliorations attendues visent des caractères essentiels, comme la résistance aux maladies et aux ravageurs, l’adaptation aux conditions climatiques extrêmes (sécheresse, canicule), ou encore l’amélioration de la qualité.
Un champ d’applications infini
Aux États-Unis, le premier produit alimentaire issu d’une plante améliorée par l’édition génomique est l’huile de soja Calyno (société Calyxt). Sa caractéristique est sa teneur élevée en acides gras, proche de celle de l’huile d’olive. On peut mentionner également le succès d’une variété de champignon, qui se distingue par sa forte résistance au brunissement. Au Japon, la start-up Sanatech Seed a créé une variété de « tomate rouge sicilienne » Gaba, ainsi nommée car elle est riche en un certain neurotransmetteur, l’acide gamma aminobutirique, qui joue un rôle central dans le fonctionnement cérébral et dans la régulation de la pression artérielle. Ces tomates modifiées grâce à la méthode CRISPR-Cas9 ont été bien acceptées par les consommateurs japonais, car les autorités locales ont pris le soin de communiquer en amont sur la distinction entre ce type de variété et les OGM.
Les techniques d’édition génomique ouvrent un large champ d’applications et elles sont toutes remarquables par leur précision et leur rapidité. Le blé chinois résistant à l’oïdium est un très bon exemple (lire encadré ci-contre). Mais on peut citer aussi le concombre résistant aux potyvirus (Israël), l’avocat sans brunissement (États-Unis), des agrumes du genre Citrus résistants au chancre bactérien (États-Unis), la vigne résistante au mildiou (Chili), des tomates au goût légèrement pimenté (Brésil), les arbres fruitiers bientôt sans tavelure ni oïdium, la pomme de terre débarrassée du mildiou…
De nombreux travaux s’annoncent très prometteurs, dans beaucoup de pays et la liste de ceux adoptant des réglementations favorables aux variétés issues de NBT ne cesse de s’allonger: États-Unis, Chine, Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Australie, Canada, Japon, Nigeria… Même le Royaume-Uni, à peine sorti de l’UE, a décidé, en 2021, d’autoriser les essais en plein champ de plantes (il s’agit du blé) sélectionnées par les NBT, et d’assouplir la réglementation. Et en France ? Tant que la réglementation européenne n’est pas reformulée, pour tenir compte de ces nouvelles méthodes d’amélioration, les sélectionneurs français se retrouvent privés de recherches sur notre territoire. Évidemment, les grandes entreprises semencières ayant une part importante de leur activité hors de l’Union européenne ont choisi de délocaliser leurs recherches.
À l’Inrae, elles sont conduites en laboratoire, avec des succès indéniables, comme récemment, les tomates cerises résistantes aux potyvirus. Mais d’autres sociétés ont été contraintes de stopper leurs travaux : il y a urgence à autoriser les NBT. Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau le dit lui-même : « Dès lors que les NBT permettent d’assurer la transition agroécologique, c’est une voie qu’il faut explorer avec d’autres voies comme l’agroécologie. »
Laure Gry
Journaliste horticole, membre du Comité
de rédaction de Jardins de France