Prévenir et anticiper les maladies et ravageurs

Michel JavoyDavid Lafarge

Depuis plus de cinquante ans, le service de la Protection des Végétaux du ministère de l’Agriculture surveille de très près le développement des maladies et ravageurs de nos cultures. Récemment, cette surveillance biologique s’est élargie aussi sur les jardins d’amateurs, réservoirs possibles de maladies émergentes. Observer, diagnostiquer, noter… le jardinier devient l’acteur incontournable de l’épidémiosurveillance…

Un beau potager d'amateur et son cortège de légumes avec le chou en premier plan,  un lieu qui fourmille de vie et d’idées

La circulation mondiale des produits végétaux a toujours été à l’origine de la dissémination des ravageurs et des agents pathogènes. Après la Seconde Guerre mondiale, le service de la Protection des Végétaux (ministère de, l’Agriculture) a assuré une veille efficace auprès de l’ensemble des secteurs professionnels, aboutissant à un organe de liaison entre les agriculteurs, « Les avertissements agricoles ». Le progrès des connaissances en matière ; d’épidémiologie et de modélisation du développement des ravageurs et des maladies a permis d’assurer une protection des plantes toujours plus ciblée et efficace.
Les lois issues du Grenelle 2 de l’environnement ont étendu la surveillance biologique du territoire (SBT) à l’ensemble des acteurs intervenant sur les végétaux cultivés ou gérés par l’homme. Pour une gestion efficace, ces activités ont été divisées en trois catégories. Les zones agricoles (ZA) correspondant aux parcelles des agriculteurs ; les zones non agricoles professionnelles (ZNA Pro), telles que les espaces verts des collectivités publiques mais aussi les grands espaces linéaires (chemins de fer, routes…) ; les zones non agricoles amateurs (ZNA amateurs), regroupant les jardins amateurs pris au sens le plus large du terme.

 

Les jardiniers, attentifs observateurs…

Cette extension de la surveillance biologique du territoire (SBT) aux jardins d’amateurs est pleinement pertinente au regard de la surveillance des ravageurs et des maladies émergents. Des jardins peuvent involontairement constituer des réservoirs susceptibles de remettre en cause des grandes stratégies de protection des cultures.
Une telle mesure nécessite la mise en place d’un réseau de jardiniers observateurs assurant la remontée d’informations pour produire le bulletin de santé du végétal (BSV). C’est un document d’information élaboré à l’échelle de la région et bientôt disponible à tout public (www.jejardine.org et www.jardiner-autrement.fr). Il constituera un outil précieux permettant aux jardiniers d’améliorer leurs connaissances sur les ravageurs ou les maladies et plantes indésirables potentiellement envahissantes. À partir d’une meilleure information sur les risques encourus, ils pourront plus facilement accepter des nuisances modérées et adopter des pratiques de jardinage plus respectueuses de l’environnement. Ainsi, l’usage des produits phytopharmaceutiques pourra être largement réduit, objectif majeur du plan Ecophyto 2018.

 

Aubergine

Le guide d’épidémiosurveillance, un outil précieux

La Société Nationale d’Horticulture de France a été chargée par convention du  ministère de l’Agriculture, sur un financement de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), de rédiger un guide méthodologique d’épidémiosurveillance. Les objectifs, les missions et les valeurs de la SNHF contenus dans sa charte, ainsi que la présence de longue date de son conseil scientifique, sont à l’origine du choix de notre association par le ministère de l’Agriculture. Un groupe de travail spécifi que a été constitué pour mener à bien cette action. Il comprend des bénévoles experts et des salariés de la SNHF, ainsi que des ingénieurs du ministère de l’Agriculture et de l’INRA. La tâche, inédite à ce jour, est ardue et passionnante. Elle consiste, à vulgariser les bases scientifi ques dans un langage accessible au plus grand nombre. Ce guide, disponible gratuitement en ligne, comportera deux grandes parties. La première sera consacrée à l’exercice du diagnostic à partir de l’observation rigoureuse. La seconde partie traitera du suivi de 70 couples bioagresseurs/plantes ornementales et vivrières. Le choix de ces couples a été fait sur deux critères : les maladies et ravageurs reconnus comme étant à l’origine de consommation importante de pesticides et les ravageurs et les organismespathogènes qualifi és de préoccupants. Leur répartition géographique et leur extension doivent être connues pour permettre la recherche et la mise en oeuvre de moyens de lutte adaptés, engendrant l’impact le plusfaible possible sur l’environnement, à un niveau de nuisibilité acceptable.

 

Un réseau bien organisé

Au coeur de ce dispositif, le jardinier amateur aura la possibilité de valoriser, à travers le diagnostic, son solide sens de l’observation, composante majeure de sa passion pour les plantes. En retour, les BSV[1] seront pour lui une source d’actualisation permanente de ses pratiques.
Après une phase de test auprès d’un groupe de jardiniers, ce guide sera mis à disposition de tous. Les sociétés adhérentes de la SNHF et les grandes fédérations de jardins collectifs auront un rôle majeur à jouer dans l’établissement du réseau d’observateurs. Cette action de la SNHF s’inscrit en pleine cohérence avec les actions de la commission développement durable et avec celles qui lui ont été confiées par le ministère de l’Environnement dans le cadre du plan Ecophyto 2018 : gestion de la plateforme « Jardiner autrement » et formation de « Jardiniers formateurs » avec le Conseil National des Jardins Collectifs et Familiaux, actuellement présidé par la SNHF.

 

 

[1] Les Bulletins de Santé du Végétal (BSV) sont disponibles, pour chaque région, sur les sites de la DRAAF et de la Chambre Régionale d'Agriculture.