Pour un désherbage raisonné
Jean-François Coffin
Mauvaises, les herbes ? Pas si sûr ! Le désherbage mérite réflexion pour décider de ce qu’il faut éliminer ou maîtriser, grâce aux méthodes respectueuses de l’environnement.
Avant d’éliminer les adventices du jardin, posez-vous la question : " La mauvaise herbe est-elle si mauvaise ? ". Les espaces publics réservent aujourd’hui une place de choix à la flore spontanée. Quant à transposer ce modèle chez-soi, le pas est difficile à franchir. De nombreuses méthodes sont à disposition du jardinier. Rappelons celles qui respectent le plus l’environnement afin de l’aider dans la planification de son travail.
Prévenir plutôt que guérir
Un massif sera d’autant moins envahi par les mauvaises herbes qu’il aura été préparé avec soin. Il faut veiller à bien extirper de la terre tout débris végétaux. Un coup de bêche tronçonnant des tiges de chiendent et c’est autant de boutures qui vont prendre racine si elles restent dans le sol. La lumière étant un facteur favorisant le développement des végétaux, la technique de lutte visera à priver les mauvaises herbes de lumière pour empêcher leur germination et leur croissance. Ainsi, le paillage recouvre le sol d’une couche qui ne laisse pas passer la lumière. Herbe de tonte, feuilles mortes, écorces de bois, cosses de cacao, bois broyé, paillettes de lin, chanvre, film plastique… le jardinier peut faire son choix de matériaux en fonction de leur usage au jardin d’ornement ou au potager.
Un autre moyen est le recours aux plantes couvre-sol. La gamme est vaste, allant du géranium vivace (G. macrorrhizum, G. endressii), à la pervenche (Vinca minor et V. major) ou au millepertuis (Hypericum calycinum), en passant par les arbustes tapissants comme les cotonéasters (Cotoneaster dammeri).
L’élimination mécanique
Malgré toutes les précautions prises pour éviter leur levée, les mauvaises herbes peuvent devenir gênantes et doivent être éliminées. À la trappe, l’usage de chlorate de soude (interdit aujourd’hui !) ou du glyphosate, radical pour désherber les rosiers ! Miraculeux autrefois, ces produits sont aujourd’hui considérés comme néfastes pour l’environnement. L’alternative à la lutte chimique passe d’abord par l’intervention mécanique. Plus tôt elles sont arrachées, plus ilsera facile de les éliminer et d’éviter leur repousse.
La tonte, pas nécessairement à ras, et le fauchage sont des moyens très efficaces pour lutter notamment contre les annuelles qui se répandent par leurs graines, à condition de les couper avant la mise à graines. L’exemple type est celui du pissenlit à faucher (ou à récolter pour la salade…) avant qu’il ne « se sème à tout vent ».
Le faux semis
Parmi les autres techniques, celle du faux semis : 15 jours à 3 semaines avant le semis ou la plantation du massif ou du potager, préparer le sol en l’ameublissant comme pour installer une culture, suivi d’un arrosage par temps sec. Cette technique favorise la germination des graines de mauvaises herbes dont les pousses seront éliminées par binage ou arrachage avant la mise en place de la culture désirée. Pour les surfaces non végétalisées comme les allées, on peut utiliser le désherbeur thermique, sorte de chalumeau relié à une bouteille de gaz dont on dirige la flamme sur la plante à éliminer. Il est efficace si l’on se contente de donner un coup de chauffe à la plante qui se fanera et périra jusque dans ses racines, sans la carboniser car elle pourrait redémarrer par les racines non touchées. Certains préconisent l’eau chaude, qui donne des résultats mais est énergivore, à moins que ce soit celle de cuisson que l’on récupère ! Les méthodes de désherbage non chimique sont donc nombreuses. Pratiquées avec bon sens, elles sont efficaces et en faveur de la biodiversité au sein de votre jardin.
Pour aller plus loin, consultez les différentes rubriques sur le site de la SNHF > http://www.snhf.org
Apprendre à les aimer
" Le jardinier doit changer son regard sur la végétation qui pousse dans son jardin. Pour éviter de porter un jugement sur ce qu’on appelait les " mauvaises " herbes, les gestionnaires d’espaces verts n’utilisent plus ce terme mais préfèrent parler de plantes spontanées ou fleurs sauvages. Une place doit leur être consacrée, non seulement parce qu’elles sont utiles aux insectes auxiliaires et pollinisateurs mais aussi pour leur aspect esthétique. Ces fleurs sauvages s’intègrent dans un massif avec des plantes vivaces, des annuelles, des graminées. Pourquoi ne pas favoriser leur pousse dans un ancien gazon, une allée sablée, entre les dallages ? Le jardinier a souvent du mal à nommer les plantes spontanées. Or une étude récente de Plante & Cité* sur l’acceptation de la flore spontanée en ville montre que les personnes qui savent nommer les plantes sauvages les acceptent mieux. Pour mieux les connaître, " Vigie Nature " vient de lancer un observatoire sur les plantes des villes (http://vigienature.mnhn.fr/). L’objectif est de faire recueillir par des volontaires des
données sur les plantes sauvages et de comprendre leur rôle dans le fonctionnement de la biodiversité à l’échelle urbaine ".
* Plante & Cité est le centre technique national sur les espaces verts et le paysage à destination des services espaces verts des collectivités territoriales et des entreprises du paysage. http://www.plante-et-cite.fr