Port Royal des Champs
Jean-François Coffin
La renaissance d’un verger et d’un potager
Ils se sont donné pour nom les « Amis du dehors », en référence à l’expression employée au XVIIe siècle, à la grande époque de l’abbaye janséniste de Port Royal des Champs, pour désigner d’indéfectibles amis comme Madame de Sévigné, La Fontaine, Boileau et bien d’autres. Le but de ces « Amis », association présidée par Claudette Guillaume : contribuer à mettre en valeur le site et notamment ses jardins reconstitués par l’Etat en 1999 à partir de plans retrouvés dans les archives.
L’abbaye de Port-Royal des Champs se situe dans la vallée de Chevreuse (Yvelines), à quelques kilomètres de Paris, dans un magnifique site vallonné. « D’abord simple abbaye cistercienne féminine au cœur du Bassin-Parisien, Port-Royal des Champs devient au XVIIe siècle l’un des hauts lieux de la réforme catholique puis l'un des symboles de la contestation politique et religieuse, face à l’absolutisme royal naissant », précisent les "Amis du dehors", association créée pour mettre en valeur le site de Port-Royal. A l’origine de ce mouvement, c’est la fameuse abbesse Angélique Arnaud qui, dès 1609, « décide qu’il est temps de revenir de manière rigoureuse à la règle de Saint-Benoît et, entre autres choses, à la clôture ».
On comprend que Louis XIV s’inquiète de ce foyer contestataire. Il décide en 1709 d’évacuer les religieuses, évacuation qui sera suivie plus tard de la destruction du site. Après être passé entre plusieurs mains, il est aujourd’hui propriété de l’Etat.
Entretenir et mettre en valeur les jardins
Il ne reste plus grand-chose de l’abbaye car la quasi-totalité des bâtiments a été rasé. Mais le potager et le verger, à l’origine au creux du vallon, ont été recréés dans l’arrière-cour de la ferme située au sommet du vallon. « Port-Royal ce sont aujourd’hui les imposantes granges à blé et à avoine, le puits dit de Pascal et les jardins évoquant des jardins monastiques ». Le jardin est plantés d’espèces anciennes cultivées biologiquement et constitue un support important pour évoquer le passé du lieu ainsi que sa vocation religieuse à travers le jardin des simples qui se présente comme un jardin clos médiéval (hortus conclusus). Il est aussi utilisé comme support pédagogique. « Chaque semaine, durant l'année scolaire, nous accueillons un groupe formé d'une trentaine de collégiens de SEGPA (section d'enseignement général et professionnel adapté). Il s'agit, par divers ateliers, de sensibiliser à l'environnement, à la vie de la nature et au jardinage, ainsi que de faire connaître le site et son histoire », précise l’association les « Amis du dehors ».
Un verger historique
Une grande partie de l’activité de l’association concerne le verger historique afin de l’entretenir et de le mettre en valeur. Robert Arnauld d’Andilly (1569-1674), qui se passionne pour la culture des arbres fruitiers, en est à l’origine en créant un verger d’une soixantaine d’ares. Il y mène différentes expériences dans le but d’obtenir de meilleurs fruits. « Nous lui devons un grand héritage sur la conduite du verger », soulignent les Amis du dehors. Par exemple, il a mis au point le greffage des poiriers sur des plants de cognassiers, méthode qui permet l’obtention d’arbres de petite taille à forts rendements. On lui doit aussi la manière de palisser les espaliers contre les murs en accrochant les branches avec des loques et des clous forgés, au fur et à mesure de leur développement. « On peut voir encore, insérés dans le mur, un ou deux os de mouton dans lesquels étaient plantés les clous ».
Une reconstitution historique
Des plans du XVIIIe siècle, retrouvés dans les archives du musée, ont permis à l’Etat en 1999 de replanter au même endroit les variétés anciennes de l’époque. Il s’agit le plus souvent de poires d’automne à longue conservation qui nécessitent d’être transformées en confiture, compote, fruits confits ou séchés ou en légumes accompagnant les viandes. Pour intervenir dans le verger, les Amis du dehors adaptent leur activité en fonction des horaires d’ouverture au public du site de Port-Royal qui possède notamment un musée dans le bâtiment des « Petites écoles ». « Tous les mardis de l’année, jour de fermeture du musée, des membres bénévoles de notre association, s’activent par tous les temps afin d’obtenir les plus belles récoltes de fruits », précise la présidente Claudette Guillaume.
Une conduite écologique
Le travail est considérable pour les bénévoles et en toute saison : bêchage et paillage en hiver, éclaircissage des fruits au printemps, taille en vert en été, suivie de la récolte et du stockage des fruits avant de procéder à la taille d’hiver qui peut se poursuivre jusqu’en février ! « Depuis sa création, le verger s’inscrit dans une démarche écologique, c’est-à-dire que pour le nourrir comme pour le soigner, nous n’employons jamais d’engrais ni de produits chimiques, mais uniquement des éléments naturels », soulignent les Amis du dehors. Et de citer, pour les racines : fumier, paille, compost ; pour le feuillage, ortie, consoude. Et pour la suppression des adventices, de nombreux binages sont effectués. « En fonction de l’état de santé du verger et pour combattre les éventuelles attaques d’insectes indésirables, ou contre les maladies cryptogamiques, nous utilisons les plantes endémiques : presle, rhubarbe, fougère, tanaisie, etc.. », ajoute la présidente.
Dans le cadre de la première édition de « Paroles de jardiniers », manifestation organisée par Yvelines Tourisme les week-ends du 8 au 30 septembre 2012, le musée des Granges de Port-Royal des Champs invite à une animation sur « tout sur le paillage pour un jardin responsable ».
« Paroles de jardiniers » s’inscrit dans une démarche qui met à contribution particuliers, associations, sites publics… qui ouvriront les portes de leur jardin aux visiteurs, sur réservation et par petits groupes. Le rendez-vous a pour vocation de favoriser les échanges entre habitants, professionnels et amateurs.
A noter quatre événements phares : le dimanche 9 septembre : journée au Château de Versailles ; le dimanche 16 septembre : ferme ouverte de Gally à Saint-Cyr l’Ecole ; le dimanche 23 septembre : le Potager du Roi ; le dimanche 30 septembre : parc et château de Thoiry. http://www.tourisme.yvelines.fr
Noyaux et pépins
Le verger comprend aussi des arbres à noyaux (pêchers, abricotiers, pruniers) conduits en espaliers sur le mur d’enceinte et aux angles des différents carrés. Ces sujets nécessitent une autre conduite de culture, très différente de celle des arbres à pépins, et ceci à d’autres périodes de l’année.
« Enfin, comme cela était au XVIIe siècle, nous soignons une dizaine de pieds de vigne de raisin de table (chasselas et muscat de Hambourg), qui nous mobilisent une bonne partie de notre temps en période de végétation », précisent les Amis du dehors.
Un bénévolat intense
Les Amis du dehors soulignent leur activité pédagogique et l’ouverture vers l’extérieur : organisation de journées « portes ouvertes » en plus de celles du patrimoine où ils sont présents pour renseigner les visiteurs, séances de démonstration en période de taille et de greffage. « Il est également possible de s’inscrire à notre association et de suivre tous les mardis un cycle complet sur une année, en travaillant au verger, tout en étant encadré. C’est la meilleure façon d’apprendre à cultiver ensuite ses propres arbres », indique Claudette Guillaume qui rappelle que ces travaux représentent « plusieurs milliers d’heures de bénévolat. »
L’abbaye de Port-Royal des Champs vaut donc le détour. Vous pourrez, outre son petit musée, voir le résultat du travail des "Amis du dehors" et peut-être rencontrer un bénévole toujours prêt à faire partager sa passion.
POUR EN SAVOIR PLUS
Les Amis du dehors
7 rue Robert Fleury 78114 Magny-les-Hameaux
http://www.amisdudehors.org
Musée de Port-Royal des Champs
Route des Granges 78114 Magny-les-Hameaux
http://www.port-royal-des-champs.eu