Plantes indicatrices, témoins de la qualité d’un sol
Philippe Richard
À la différence des plantes potagères dont la croissance est le reflet des soins qu’on y apporte, les plantes sauvages, et particulièrement les adventices, sont peu exigeantes. Leur bonne santé ne dépend pas de la quantité disponible d’un élément. Elles sont opportunistes et savent profiter, suivant leurs affinités, de conditions pédologiques[1] particulières, quelquefois extrêmes qui rebutent les plantes cultivées.
Deux types : adventices ou typiques
Il existe deux types de plantes sauvages au jardin :
- Les espèces adventices, qui ont la capacité de produire de nombreuses graines, de les disséminer aisément, et d’avoir ensuite la capacité de s’adapter à des conditions écologiques variées.
- Les espèces « typiques »[2] parmi lesquelles nous allons retrouver des plantes adaptées au milieu et donnant des indications sur ses caractéristiques. Elles sont en général installées de façon durable.
Adventices avant typiques
Dans les plantes indicatrices, on va retrouver dans les adventices (adv) des caractéristiques des modèles évolutifs de stratégie R (Mac Arthur & Wilson 1967). De reproduction plus facile, elles précèdent les typiques (typ) dans la succession évolutive, et colonisent facilement les milieux déstabilisés, quelles que soient leurs caractéristiques.
Les typiques, en revanche, utilisent la stratégie K. Elles mettent plus de temps à s’installer mais plus durablement. Leur taux de reproduction est faible.
Les adventices (adv) seront faiblement indicatrices, mais signaleront souvent un sol perturbé, voire dystrophique[3]. Elles nous seront donc utiles pour cela. On les trouve souvent en abondance, ce qui les fait qualifier d’envahissantes ou invasives.
Les typiques (typ) caractérisent mieux le milieu, mais sont parfois peu abondantes ou absentes… Ce sont assez souvent des ligneux, ce qui marque tout de même le paysage.
Des propriétés spécifiques
Les plantes indicatrices renseignent chacune sur des éléments spécifiques du sol :
Pour les typiques
- caractères édaphiques de base – pH du sol, acidité, alcalinité ; Humidité ; Richesse (rapport C/N, carbone sur azote)
- caractères climatiques – Éclairement ; Température moyenne annuelle ; Minima et maxima saisonniers (temp)
Pour les adventices :
- excès en l’un ou l’autre élément, ou a contrario carence – Azote, phosphore potassium, fer, etc.
- excès d’humidité
- sol tassé
- déséquilibre en terme de texture dans la proportion [sable, limon, argile]
- minéralisation de la matière organique[4]
- qualité de l’humus[5]
De nombreux exemples
Un certain nombre d’exemples d’espèces avec leurs caractéristiques principales sont rassemblées dans le tableau ci-dessous. Ces exemples ne sont pas exhaustifs, et on trouvera dans la littérature nombre d’indications. L’expérience et l’observation du jardinier seront aussi de précieuses sources…
* Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=20281370
Le meilleur des guides
Nombre de ces plantes témoignent d’un sol riche, en humus, en matière organique, en azote… Un supplément sous forme d’un fertilisant chimique, aboutira immanquablement à des dégâts irréversibles, entre autres par élimination des organismes qui dégrade et transforme la matière organique nécessaire au cycle de la vie.
Sol pauvre ou trop riche, l’améliorer c’est restituer la vie[6], et éviter la dystrophie par ajout intempestif de substances, quelles qu’elles soient, il est souvent sage de laisser faire la nature.
Une plante très soudainement envahissante comme le cirse des champs, par exemple, en tant qu’adventice, ne va manifester sa présence que très peu d’années consécutives. Il est très vite concurrencé. Inutile de dépenser force produits pour le faire disparaître, faucher suffit, et un peu de patience !
Les plantes indicatrices sont de précieux auxiliaires, et le meilleur des guides pour connaître l’état de son jardin. Aucune cependant n’indique le « degré de vie biologique » d’un sol, en revanche, la diversité est un signe de bonne santé !
A lire …
- MacArthur, R. and Wilson, E. O. (1967). The Theory of Island Biogeography, Princeton University Press (2001 reprint), ISBN 0-691-08836-5
- MACIEJEWSKI, L. (2010). Méthodologie d’élaboration des listes d’« espèces typiques » pour des habitats forestiers d’intérêt communautaire en vue de l’évaluation de leur état de conservation, SPN, MNHN, rapport.
- www.epl.carcassonne.educagri.fr/fileadmin/user_upload/pdf/CFPPA/Plantes_bio-indicatrices.pdf
- www.gnis-pedagogie.org/diagnostic-prairie-plante-indicatrice.html
- www.fermedesaintemarthe.com/A-14746-comprendre-son-sol-avec-les-plantes-bio-indicatrices.aspx
- permaforet.blogspot.fr/2013/04/plantes-bio-indicatrices.html
- www.doc-developpement-durable.org/file/Agriculture-Lutte-Biologique/permaculture/plantes-bio-indicatrices/Plantes%20pour%20diagnostic%20de%20sol.pdf
- www.ehlgbai.org/sites/default/files/plantes%20indicatrices%20EHLG.pdf
- inpn.mnhn.fr/docs/Especes_typiques_Maciejewski2010.pdf
- www.tela-botanica.org/
[1] Caractéristiques du sol
[2] Au sens de la directive 92/43/CEE dite DHFF « Habitats-faune-flore ». le terme est mentionné et utilisé, mais non défini. Une liste d’espèces typiques rassemble les plus appropriées pour diagnostiquer l’état de conservation de l’habitat.
[3] Déséquilibré, en ce qui concerne la présence de nutriments
[4] Si la minéralisation est lente, et fabrique des humus pauvres et acides, le cortège de plantes [adv] présentera des spécificités
[5] En fonction du facteur précédent. Les humus pauvres et acide sont de type mor tandis que les humus plus riches sont de type moder ou mull (https://fr.wikipedia.org/wiki/Humus#Formes_d.E2.80.99humus)
[6] Voir les articles de René Guénon et Patrice Cannavo dans ce dossier de Jardins de France