Phéromones : les insectes sont au parfum
Elizabeth Rat-Morris
Une phéromone (du grec pherein transporter et hormân exciter) est une substance ou un mélange de substances chimiques, sécrétées par un être vivant (émetteur) qui provoque des réactions comportementales ou physiologiques spécifiques chez un individu de la même espèce (récepteur).
Les êtres vivants utilisent une messagerie chimique pour communiquer au moyen de substances appelées écomones. Alors que la communication par les hormones permet la régulation entre des organes à l’intérieur d’un même être vivant, les phéromones permettent la communication entre des individus d’une même espèce. Les phéromones, comme les hormones, sont produites par des glandes spéciales et agissent à distance, en très petite quantité. Le terme “phéromone” a été préféré à “phérormone” pour des raisons phonétiques. L’écologie chimique s’intéresse à ces communications complexes (voir encadré).
Les messages transmis via les phéromones, toujours au sein d’une même espèce, sont de différents types :
- attirer l’autre sexe (phéromones sexuelles, le plus souvent émises par les femelles pour attirer les mâles de la même espèce)
- signaler une source de nourriture (phéromones d’agrégation)
- se reconnaître comme appartenant au même groupe social
- alerter d’un danger
- marquer un territoire
- …
Utilisation des phéromones au jardin
En protection des plantes, l’utilisation des phéromones est maintenant une pratique courante par les professionnels, pour de nombreux usages. Les amateurs peuvent aussi trouver de nombreuses spécialités en jardinerie. On utilise principalement des pièges à phéromones avec des analogues de phéromones sexuelles d’insectes.
- Piégeage de surveillance – Les pièges permettent de capturer les mâles dès le début de l’activité sexuelle. Ainsi avertis, on pourra donc intervenir par des moyens de lutte chimique ou biologique sur les adultes en début de ponte, ou sur la ponte et les jeunes larves. A contrario, la fin des captures (pas de captures pendant plusieurs jours) indique la fin de l’activité sexuelle, la fin du risque. Ils se présentent sous deux formes.
- Piège à entonnoir : boîte remplie d’eau, couverte d’un entonnoir surmonté d’un toit, type piège à guêpe, où l’appât est une capsule imprégnée de phéromone, placée sous le toit. Les mâles attirés par l’odeur diffusée par la capsule volent sous le couvercle et se noient en tombant dans la boîte.
- Piège delta : dispositif en forme de tente, dans un matériau résistant aux intempéries. Le “tapis de sol” de la tente est une plaque amovible engluée, renouvelable. La capsule de phéromone est suspendue sous le toit. Les mâles attirés se collent sur la plaque engluée.
Attention ! Un piégeage de peu d’individus ne signifie pas forcément que la population est faible, il peut être dû à un grand nombre de femelles, concurrentes des pièges. Il ne s’agit pas d’une méthode d’évaluation de l’importance des attaques mais bien de début et de fin de risque.
Il est important de bien suivre le mode d’emploi de ce type de pièges : stockage au froid, date de mise en place, hauteur, disposition dans la parcelle, durée d’action. Ne jamais manipuler les capsules à mains nues : les phéromones ne sont pas toxiques mais le contact avec nos mains peut brouiller le message chimique.
Cette méthode est utilisable pour la surveillance des papillons en verger (carpocapse, tordeuses) et au potager (noctuelles, teigne du poireau…). On utilise aussi ces pièges pour suivre les vols des processionnaires du pin et des mineuses du marronnier par exemple. Dans ces deux cas, la lutte collective est préférable à une action individuelle. Plus d’une centaine d’usages sont couverts par des spécialités disponibles pour les professionnels de tous les domaines de production végétale.
- Confusion sexuelle – L’objectif est d’empêcher les mâles de repérer les femelles en saturant une zone de culture en phéromones sexuelles, à l’aide de capsules diffusant des phéromones. Puisque les mâles ne parviennent pas à localiser les femelles, le nombre d’accouplements est très réduit, donc le nombre de pontes, et par conséquent de larves, limitant ainsi fortement les dégâts potentiels. Cette méthode concerne essentiellement les papillons. Elle est largement utilisée en viticulture contre les tordeuses Eudemis et Cochylis, en verger contre le carpocapse et la tordeuse orientale. La lutte par confusion sexuelle est peu adaptée aux amateurs sauf en cas de lutte collective, en raison de la faible surface des parcelles à protéger et de la possibilité de recolonisation par les insectes venus de zones non protégées.
- Piégeage de masse – Cette méthode est utilisée pour lutter contre des insectes forestiers comme les scolytes, en diffusant des phéromones d’agrégation. Elle était utilisée par les forestiers avec des “arbres-pièges” bien avant qu’on connaisse l’existence des phéromones. Les insectes étaient attirés par un arbre abattu affaibli par des entailles. Les premiers arrivés avertissaient leurs congénères par des phéromones d’agrégation. On détruisait ensuite l’arbre piège et les insectes qui s’y étaient rassemblés. On utilise aussi le piégeage de masse pour piéger les insectes des denrées stockées, en associant les phéromones à un attractif alimentaire.
- Attractifs d’abeilles – On utilise des substances proches des phéromones pour attirer les abeilles afin de favoriser la pollinisation. Pulvérisées sur les plantes à l’époque de la floraison, elles augmentent l’activité des abeilles. Ces substances sont à la fois des allomones bénéfiques pour les plantes, et des kairomones bénéfiques pour les abeilles (voir encadré).
la durer des captures ? merci ,