Parks Garden : les jardins suspendus d’Osaka, au Japon
Sophie Le Berre
En 2003, un centre commercial d'un nouveau genre[1], Namba Parks, était inauguré en plein cœur de la troisième ville du Japon, Osaka, avec des jardins suspendus et une ferme urbaine. Le maître d'ouvrage, la compagnie ferroviaire privée Nankai Electric Railway, décida de confier le projet au cabinet d'architecture et d'urbanisme américain The Jerde Partnership, pour donner une nouvelle identité, plus verte, plus environnementale, au quartier Namba d'Osaka.
Vue générale de Parks Garden depuis la face nord - © Namba Parks
Si vous êtes déjà allé au Japon en atterrissant à l'aéroport international du Kansai, situé sur une île artificielle de la baie d'Osaka, il est probable que vous ayez emprunté la compagnie ferroviaire Nankai pour rallier cette capitale de l'Ouest et, si tel est le cas, la première gare que vous aurez atteinte, après l'aéroport international, sera celle de Namba, du nom de ce quartier situé au cœur d'Osaka.
Première gare, première impression du Japon
"Marquer les esprits et redonner une identité à Osaka", c'est ce qui a motivé la compagnie ferroviaire privée Nankai qui a profité de la fermeture et de la destruction du stade de baseball d'Osaka pour créer, en plus d'une tour de 30 étages de bureaux et d'un grand centre commercial nouvelle génération, une oasis de verdure avec des jardins suspendus sur différents bâtiments, ondulant doucement, à l'image d'une colline, de la rue vers le neuvième niveau de la construction. Le cabinet d'architectes et d'urbanistes The Jerde Partnership a voulu que les jardins suspendus Parks Garden soient connectés à la rue et fassent corps avec le centre commercial. Une succession d'allées, de jardins, de passerelles et de places invitent passants et clients à découvrir les massifs de fleurs, les pelouses, les bosquets, les ruisseaux, les cascades, les terrasses et les falaises en montant graduellement vers le sommet du centre commercial. Au cœur de l'édifice, un canyon crée un couloir de lumière et de promenade, qui dessert salles de spectacle et boutiques.
Superficie totale : 11 500 m2, dont 5 300 m2 d'espaces verts et 6 200 m2 de voies de circulation et de places. Des jardins construits en deux phases, avec 3 300 m2 d'espaces verts pour l'ouverture en octobre 2003 et un ajout de 2 000 m2 de jardins en avril 2007. Près de 300 espèces et variétés de plantes, plus de 70 000 pieds plantés.
[1] Ce que l'on nomme un "lifestyle center" en Amérique du Nord et qui consiste en un quartier convivial, avec une architecture recherchée abritant, autour d'une artère piétonne, magasins et grandes surfaces, bureaux, centres de divertissement et places où se rencontrer.
Quatre zones thématiques dans les jardins
Le peuple japonais étant, par essence, très sensible à la nature et au rythme des saisons, le maître d'ouvrage a tenu à ce que les végétaux plantés dans les jardins soient, autant que possible, représentatifs de la flore japonaise locale. Le projet s'inscrit également dans le développement d'un nouveau réseau environnemental et dans la lutte contre le phénomène d'îlot de chaleur urbain[2] (ICU), très répandu dans les mégalopoles japonaises.
"Hanayagi" :
Une première zone gaie et accueillante, que l'on va retrouver au niveau de la rue, puis aux troisième et quatrième étages du bâtiment. L'effort a été porté sur les massifs de fleurs, les plantes à parfum, les plantes aromatiques et les magnolias de Kobé (Magnolia kobus), qui sont un peu la mémoire du lieu puisqu'ils indiquaient l'entrée de l'ancien stade de baseball. Les principales plantes utilisées sont : les magnolias, fusains, saules, lierres grimpants, jasmins, cotonéasters, azalées, hydrangeas, spirées, roses, lavandes, gardénias, alchémilles, hostas, agapanthes, pervenches...
"Kutsurogi" :
C'est une zone de détente, plutôt communautaire, qui met en scène le changement des couleurs au fil des saisons car, depuis des siècles, le peuple japonais se presse dans les parcs et la nature pour observer les floraisons successives et le feuillage rougi en automne. Au 6ème niveau, les visiteurs peuvent s'installer sous une pergola pour pique-niquer, et au 7ème, se détendre après une journée de travail ou profiter de la floraison des cornouillers (Cornus florida). Les principales plantes utilisées sont : Quercus serrata, cerisiers ornementaux (Prunus jamasakura), lilas, Edgeworthia tomentosa, seringats, Camellia japonica, Pieris japonica, Abelia x grandiflora, azalées, spirées, genévriers rampants, bruyères, cyclamens, Epimedium, iris, myosotis, Mazus miquelii, Aquilegia flabellata, arbres à perruques (Cotinus coggygria)...
Une zone de détente et les terrasses végétalisées - © Namba Parks
"Nigiwai" :
C'est une zone animée, avec un théâtre circulaire dédié aux spectacles (concerts, chorégraphies) et ponctué de massifs de fleurs et d'arbres persistants avec, en tête de file, le frêne Fraxinus griffithii, qui gratifie les passants de ses fleurs parfumées en été et de jolies fructifications à l'automne. Les feuilles claires, sempervirentes, de ce frêne sont associées à la réussite du commerce au Japon et il est souvent utilisé comme arbre d'alignement, sur les trottoirs, ou comme arbre symbole d'une commune. Les principales plantes utilisées ici sont : les camélias (Camellia japonica), l'olivier (Oleae europaea), l'arbousier (Arbutus unedo), le myrte commun (Myrtus communis), le grenadier (Punica granatum), les roses grimpantes, l'Albizia julibrissin, le figuier (Ficus carica)...
"Iyashi" :
Cette zone du jardin, qui surplombe l'ensemble du bâtiment, a été réalisée dans la seconde phase d'aménagement, avec la plantation de 30 000 pieds pour 88 espèces et variétés de plantes. Elle a été conçue pour permettre aux visiteurs de prendre le temps, de se poser, de retrouver le calme dans la verdure. L'action apaisante, déstressante des plantes a été démontrée par de nombreuses études scientifiques et c'est une préoccupation récurrente dans l'aménagement des espaces verts au Japon. Les personnes qui souhaiteront avoir de plus amples informations sur ces jardins, pourront profiter de la visite guidée, avec explications sur les plantes et conseils de jardinage, qui est organisée du lundi au vendredi, de 14h à 15h, pour le prix de 1 000 yen (7,10 euros).
Une ferme urbaine sur les toits de Namba Parks
Les parcelles du potager de Parks Garden - © Namba Parks
Ce n'est pas nouveau et l'on en parlera certainement de plus en plus, car l'agriculture urbaine, en jardins individuels, partagés ou collectifs, sur les toits ou non, est l'une des solutions proposées et même recommandées par l'ONU et la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) pour faire face aux besoins de sécurité alimentaire, dans le contexte actuel d'urbanisation galopante et d'augmentation de la population mondiale. Le Japon n'est pas en reste et multiplie les projets de jardins partagés, suspendus sur les toits, et les fermes urbaines. Celle de Namba Parks n'est pas aussi audacieuse que la ferme urbaine Pasona[3] de Tokyo mais elle a le mérite d'exister et de proposer dix parcelles de potagers à louer à l'année. La ville d'Osaka compte plus de 2 millions d'habitants, avec une densité urbaine de 11 980 habitants/km2 donc il est difficile de trouver un petit bout de jardin en ville pour cultiver ses légumes, en dehors d'un balcon ou d'une terrasse.
Chaque parcelle fait 10 m2 et pour un prix total annuel de 73 500 yen (521 euros), l'heureux locataire pourra bénéficier de services de désherbage et d'arrosage en son absence, de conseils pour la création de son potager bio et de ses plantations, d'un vestiaire, de vêtements de "travail", de douches, de serviettes et d'outils de jardinage ! Néanmoins, il ne pourra accéder à son petit carré de légumes qu'entre 10h et 17h30 et devra prévenir avant de venir, liberté toute relative certes, mais qui permettra au nouveau jardinier de déguster ses propres légumes et cela n'a pas de prix !
[2] Les îlots de chaleur urbains sont des microclimats artificiels induits par une activité humaine intense (pollutions diverses, climatisation) et une urbanisation galopante, qui peuvent affecter la qualité de vie et la santé des citadins.
[3] La ferme urbaine Pasona de Tokyo est un laboratoire d'urbanisme agricole dont l'objectif est de mettre en avant une agriculture urbaine, technologique, afin d'attirer davantage de jeunes Japonais vers les métiers de l'agriculture. Lien vers le site : http://konodesigns.com/portfolio/Urban-Farm/ et lien vers une vidéo en anglais : http://vimeo.com/70848522
janvier-février 2014