Œillets d’Inde contre nématodes : efficaces, oui mais…

Noëlle Dorion

Les œillets d’Inde sont-ils vraiment efficaces contre les nématodes, comme le laissent supposer un certain nombre d’affirmations portées tant par les professionnels que par les jardiniers amateurs ? Un article publié en 2010 dans la revue scientifique Applied Soil Ecology met en avant une efficacité sous certaines conditions, et surtout dans le domaine horticole.

Tagetes signata - © D. Lejeune

Dans un article de synthèse, publié en 2010 dans la revue scientifique Applied Soil Ecology, des chercheurs américains se sont intéressés à : « La culture des Tagetes pour la protection des productions végétales contre les nématodes parasites des plantes[1] ». Pour écrire cet article, ils ont consulté 125 publications scientifiques abordant ce sujet entre 1938 et 2008.

 

Tagette patula mieux qu’erecta

Les plantes du genre Tagetes dont on a testé les effets anti-nématodes sont, pour les plus connues du jardinier : Tagetes patula (œillet d’inde) et Tagetes erecta (rose d’inde). Les résultats examinés ne sont pas tous irréfutables, car dans de nombreux cas, les témoins, nécessaires aux comparaisons, n’ont pas été réalisés. En particulier, « l’effet Tagetes » sur les nématodes, souvent très clair, n’a pas toujours été comparé à l’effet d’une jachère traditionnelle et des produits chimiques. Or quand ces témoins ont été ajoutés, la jachère peut être aussi efficace qu’une rotation avec des Tagetes et d’autres plantes, connues aussi pour leur effet anti-nématodes comme Aeschinomene americana, le sont encore plus. Lors de ces comparaisons, Tagetes patula s’est révélé plus efficace que Tagetes erecta et, dans quelques cas, plus efficaces que les nématicides traditionnels ou les traitements de désinfection du sol (mais quelques essais rapportent aussi l’inverse). Cependant, tous les cultivars ne présentent pas la même efficacité.

Tagetes patula - © A. GrapinTagetes patula - © D. Lejeune Tagetes erecta - © A. Grapin

 


[1] C.R.R. Hooks, K.H. Wang, A. Ploeg, R. McSorley. Using marigold (Tagetes spp.) as a cover crop to protect crops from plant-parasitic nematodes. Applied Soil Ecology 46 (2010) 307–320. 


 


Une réaction de défense

Ces plantes sont bien connues des nématologistes car elles produisent des substances comme l’α- tierthenyl qui inhibe la croissance de nombreux nématodes. Cependant, la libération de ce produit en culture est encore sujette à controverse. Le plus probable est que la synthèse de ce produit et sa libération dans le sol correspond à une réaction de défenses des racines de Tagetes lors de la pénétration des nématodes parasites des racines ; d’où l’hypothèse d’une efficacité supérieure en tant que plante vivante plutôt qu’en tant qu’amendement. De plus, l’efficacité sur les nématodes parasites des racines (Meloydogine et Pratylenchus) est sans ambiguïté, ce qui n’est pas le cas pour les autres types de nématodes parasites.

D’autres mécanismes sont évoqués comme le fait que les Tagetes soient des hôtes peu favorables aux nématodes, se comportant comme des pièges sans issue avec inhibition de la reproduction du parasite.

 

Tagetes patula - © A. GrapinUn problème de concurrence

Une autre difficulté qui handicape l’interprétation des résultats est la façon dont on utilise les Tagetes (voir plus haut plantes vivantes versus amendement), le moment où on les sème, le temps pendant lequel ils restent en place etc. Ainsi, les Tagetes peuvent être utilisés en inter-culture (équivalent d’une jachère cultivée dans une rotation) ou en inter-rang (c'est-à-dire au sein de la culture en même temps que les plantes que l’on veut protéger, cultures associées). L’efficacité de l’inter-culture a été prouvée dans des essais de rotation avec des fraisiers, des pommes de terre ou du soja. Des effets bénéfiques ont été mentionnés dans le cas de cultures associées (inter-rang), sans ambiguïtés dans les essais en serre et en pot (co-culture). Les résultats sont plus aléatoires au champ car deux difficultés interfèrent avec l’expérimentation : la possibilité de concurrence entre les espèces cultivées et les Tagetes d’une part, la distance entre les racines des espèces cultivées et celles des Tagetes d’autre part. De ce fait, les cultures associées sont à réserver, dans la pratique, aux inter-rangs des cultures pérennes, avec une mise en place quand celles-ci sont suffisamment développées pour limiter ou inverser la concurrence.

Un effet insecticide avéré

En plus de l’effet sur les nématodes, d’autres propriétés des Tagetes on été reconnues, bien que beaucoup moins étudiées, comme : l’effet insecticide des extraits de racines sur quelques insectes (mouches, mineuses, charançons) et des extraits de composés volatiles des fleurs (Tagetes minuta) sur des moustiques et quelques pucerons. Des effets fongicides de ces mêmes extraits ont aussi été mentionnés sur Helminthosporium oryzae et Alternaria solani.

Dans leurs conclusions, les auteurs considèrent qu’une utilisation au champ efficace et raisonnée de « l’effet Tagetes » passe d’abord par l’identification précise et la réduction des causes de variations. Cependant, il est probable qu’une utilisation optimisée des Tagetes restera cantonnée au domaine horticole. En effet, la quantité totale de matière sèche produite par ces plantes est faible, comparée à d’autres espèces d’inter-culture agricoles qui jouent aussi le rôle d’engrais vert.

Tagetes erecta - © A. Grapin

janvier-février 2013