Mycorhizes: Diagnostic et Inoculation

Marie-Line Haimet

Mycorhizes : Intérêts d’un diagnostic

Connus principalement pour les bénéfices qu’ils apportent aux plantes (amélioration de la nutrition minérale et hydrique, stimulation des défenses naturelles …), les champignons mycorhiziens jouent aussi un rôle important au niveau de la qualité des sols en contribuant à l’augmentation de leur structuration et de leur stabilité. L’installation d’une symbiose mycorhizienne fonctionnelle s’accompagne également d’une augmentation de la microflore rhizosphérique stimulée par la qualité et la quantité des exsudats racinaires synthétisés. Ces constats font des champignons mycorhiziens un bon indicateur de la qualité et de la santé biologique des sols. Le diagnostic de la population de champignons mycorhiziens, réalisé par un laboratoire spécialisé, est un outil pertinent pour mieux gérer et orienter les pratiques culturales favorables à la vie microbienne souterraine.

 

Effet des champignons endomycorhiziens sur la croissance des plantes © - MycAgro Lab

Effet des champignons endomycorhiziens sur la croissance des plantes - © MycAgro Lab.

 

Principales méthodes de contrôle

Quelles méthodes analytiques utiliser pour détecter, quantifier et identifier la flore mycorhizienne ?

 

Evaluation du niveau de colonisation des racines

L’analyse porte sur l’observation d’un échantillon représentatif de racines qui, en fonction du type de mycorhizes étudiés (ecto ou endomycorhizes), sera préalablement lavé (Garbaye, 1990), éclairci, coloré (Phillips et Haymann, 1970) puis observé sous loupe binoculaire ou microscope. Les racines ectomycorhizées sont ramifiées, entourées d’un manteau fongique et dépourvues de poils absorbants alors que  pour les champignons endomycorhiziens VA, les racines mycorhizées présentent des structures internes typiques (arbuscules, vésicules, mycélium fongique).

 

La fréquence de mycorhization  est le paramètre d’évaluation le plus usité. Il permet d’évaluer rapidement le pourcentage de racines mycorhizées présentes dans un échantillon mais ne prend pas en compte l’intensité de mycorhization des racines. Le taux de mycorhization estime le pourcentage de longueurs de racines endomycorhizées. La colonisation des racines par le champignon peut être évaluée par la méthode des intersections de lignes développée par Giovanetti et Mosse. A l’aide d’une grille de comptage, une centaine de points d’observation seront repérés et la présence ou l’absence de structures fongiques dans les racines notées. Ce diagnostic s’applique à des échantillons de racines issues de cultures plein champs ou de cultures hors sol sur substrat inoculé avec des champignons mycorhiziens. Cette analyse met en évidence la présence de propagules infectieuses de champignons mycorhiziens dans le support de culture. Elle permet aussi d’évaluer si les conditions de culture (composition du support, pratiques culturales…) sont favorables au bon développement de la symbiose.

 

Racine de vigne non mycorhizée - © MycAgro LabRacine  de vigne endomycorhizée - © MycAgro LabRacine de vigne endomycorhizée - © MycAgro Lab

Racines de vigne traitées et observées sous loupe binoculaire  (X20) - © MycAgro Lab.


 
Dénombrement de spores

Pour les champignons endomycorhiziens, un dénombrement de spores peut être réalisé sur des échantillons de sols, de supports de culture inoculés, d’inoculums microbiens ou tous autres produits enrichis en spores (engrais, amendement).

Une extraction par voie humide suivie d’un tamisage est réalisée. Les refus de tamis entre 40 et 250 microns sont observés sous loupe binoculaire et les spores comptabilisées. Une identification des genres fongiques, basée sur des critères morphologiques, peut compléter le dénombrement. La viabilité des spores isolées ainsi que leur capacité à germer peut aussi être contrôlées.

 

exemple de diversité - © MycAgro LabSpores de Glomus étunicatum - © MycAgro LabSpores de Gigaspora rosea - © MycAgro LabSpores de Glomus intraradices © MycAgro Lab

Exemples de diversité morphologique des spores d’Endomycorhizes - © MycAgro Lab.

 
Test MPN (Most Probable Number ou Nombre le plus probable)

Ce test est couramment utilisé pour quantifier les populations microbiennes (bactéries, champignons saprophytiques). Il a été adapté aux champignons endomycorhiziens (Gianinazzi-Pearson et al, 1985) et permet de quantifier le nombre de propagules infectieuses dans un échantillon. Il s’appuie sur des dilutions successives de l’échantillon à dénombrer puis sur la culture, en conditions contrôlées, de plantes hôtes inoculées avec chaque dilution réalisée. En fin de culture, le contrôle de la mycorhization des plantes permet d’estimer le nombre de propagules de mycorhizes viables et infectieuses présentes dans l’échantillon initial. Ce test peut être réalisé sur un échantillon de sol, un support de culture inoculé ou un inoculum mycorhizien. Le test MPN et le taux ou la fréquence de mycorhization sont des analyses complémentaires permettant d’orienter l’agriculteur sur les pratiques culturales à adopter pour favoriser l’augmentation du potentiel mycorhizien de sa parcelle et le développement d’une symbiose mycorhizienne bien établie.


Détection de Gloméromycètes, dans des échantillons de sol de vignoble bordelais - © MycAgro LabIdentification moléculaire

Cette technique basée sur l’analyse de l’ADN fongique, permet d’identifier les genres et parfois les espèces de champignons mycorhiziens présents dans un échantillon de sol, de racines ou de spores. L’ADN total contenu dans l’échantillon est extrait puis une amplification ciblée de l’ADN est réalisée par PCR en utilisant des amorces spécifiques du genre fongique recherché et codant pour des éléments clé indispensables à la vie : les ARN ribosomiques. Les nombreux fragments d’ADN produits sont séquencés de façon à connaître la nature et l’enchainement des bases constitutives de l’ADN. Les séquences obtenues sont comparées à des bases de données regroupant l’ensemble des séquences connues et enregistrées pour les champignons mycorhiziens. En fonction des degrés d’homologie entre les séquences obtenues et les séquences connues, une phylogénie moléculaire peut être établie permettant d’identifier le genre et parfois l’espèce des champignons présents dans l’échantillon analysé. L’identification basée sur des critères morphologiques peut compléter dans certains cas l’identification moléculaire pour effectuer une classification au niveau de l’espèce. L’intérêt de cette approche moléculaire est de caractériser la biodiversité mycorhizogène d’un sol et ainsi de suivre l’évolution de cette biodiversité en fonction des pratiques culturales. Ces outils moléculaires ont également un intérêt dans le cadre d’un suivi (traçabilité) d’espèces mycorhiziennes inoculées dans un sol par exemple, à condition que des marqueurs moléculaires spécifiques des souches inoculées soient disponibles.

 

Spores germées de Glomus mosseae - © MycAgro LabChampignons indicateurs de la qualité des sols

Les champignons mycorhiziens peuvent être utilisés dans des tests comme indicateur pour caractériser la qualité d’un sol ou pour évaluer l’effet de certains polluants sur la microflore tellurique. Ainsi le test normalisé X31-205-1 permet de suivre, dans des conditions contrôlées, la germination de spores de champignons endomycorhiziens (Glomus mosseae) afin d’évaluer la toxicité de polluants sur la flore fongique symbiotique. Depuis 2008, suite au Grenelle de l’Environnement et au vote du plan Ecophyto 2018 par le parlement, l’agriculture s’inscrit dans une stratégie de pratique raisonnée dont l’objectif premier est d’optimiser les rendements tout en réduisant les apports d’intrants chimiques (pesticides, engrais), afin de limiter leur impact sur l’environnement. Des solutions alternatives proposant des produits dits de « Biocontrôle » (IBMA, International Biocontrol Manufacturers' Association) sont en développement. Citons par exemple les biofongicides pour lutter contre des agents pathogènes racinaires. L’utilisation de champignons mycorhiziens s’inscrit dans cette démarche pour permettre une meilleure utilisation des réserves nutritives des sols. Dans ce contexte économique et écologique et au vu des nombreux bénéfices que la symbiose mycorhizienne apporte, l’utilisation d’inoculants mycorhiziens commence à émerger dans divers secteurs de la production végétale et en particulier pour les cultures spécialisées.

 

Technologies de production d’inoculants mycorhiziens

De nombreux inoculums commerciaux, produits en Union Européenne ou hors UE, sont disponibles sur le marché français et européen. La majorité d’entre eux sont homologués en France ou en cours d’homologation, il s’agit d’inoculants  endomycorhiziens pour la plupart. Le mode de production diffère selon la famille de champignons (ectomycorhiziens ou endomycorhiziens). La production d’inoculums de champignons ectomycorhiziens se fait généralement en conditions axéniques, sans plante hôte, en culture liquide ou sur support solide. L’inoculum se compose de mycélium fongique formulé soit sous forme de suspension liquide, soit sous forme d’inoculum solide granuleux ou poudreux. Les champignons endomycorhiziens sont des symbiotes obligatoires strictes c’est à dire dépendants de la présence d’une plante hôte pour se développer et se multiplier. Le producteur d’inoculum est alors tenu de cocultiver le complexe « champignon-plante hôte ». A ce jour, les deux technologies de production les plus utilisées sont :

  • la méthode dite conventionnelle consistant à multiplier les champignons endomycorhiziens sur les racines d’une plante-hôte entière, cultivée en conditions contrôlées en serre ou en chambre de culture.
  • la méthode « in vitro » consistant à multiplier le champignon endomycorhizien sur des racines cultivées sur milieu synthétique en conditions stériles.

L’inoculum sous forme solide ou en suspension liquide pourra se composer de différents types de propagules : spores, mycélium fongique, fragments de racines mycorhizées. Un ou plusieurs types de propagules peuvent être formulés dans un même inoculum endomycorhizien. De plus, les inoculums de champignons ectomycorhiziens ou endomycorhiziens peuvent contenir une ou plusieurs espèces fongiques mélangées. Les produits multi-espèces sont plus proches des conditions naturelles car dans les écosystèmes il est rare de ne rencontrer qu’une seule espèce de champignon mycorhizien. La présence de plusieurs espèces fongiques permet à l’inoculum de répondre à une plus grande diversité de conditions de culture.

 

Qualité des inoculums

Concernant la qualité des inoculums disponibles, plusieurs critères mentionnés sur l’emballage doivent être pris en compte :

  • la dose d’utilisation qui informe sur la dose minimale d’inoculum nécessaire pour garantir la mycorhization d’un plant ou d’une surface végétalisée,
  • le nombre de propagules / unité de poids ou de volume du produit qui indique la richesse minimale de l’inoculum garantie par le fabricant.

La dose d’utilisation préconisée et la richesse en propagules sont liées. Le dénombrement de propagules par unité d’inoculum ne suffit toutefois pas pour évaluer la qualité d’un inoculum. Le critère de qualité le plus précis repose sur le dénombrement des propagules effectivement viables et infectieuses. Dans ce cas, une méthode utilisant un test biologique sur plante c’est à dire un test type MPN doit être réalisé. La durée de conservation (DLUO) ainsi que les conditions optimales de conservation de l’inoculum sont mentionnées sur l’emballage. La durée de conservation aura été définie en prenant en compte le nombre de propagules viables et infectieuses présentes dans l’inoculum en fin de vie. Ainsi, il est essentiel que l’utilisateur garde à l’esprit qu’un inoculum est un produit composé de microorganismes vivants et qu’il respecte les conditions d’utilisation et de stockage prescrites par le fournisseur.

 

Comment orienter son choix de produit ?

En fonction du mode d’application envisagée, l’utilisateur aura à choisir la forme d’inoculum la plus appropriée à ses besoins. Actuellement, il est possible de trouver des inoculums mycorhiziens sous forme de granulés, poudre, tablettes, pralins ou suspensions liquides :

  • Les micro granulés, entre 1 et 4 mm, sont facilement mélangés aux supports de culture pour la production de plants mycorhizés ou apportés dans le trou de plantation au plus près des racines.
  • Les poudres très fines (particules<250 µm) permettent de préparer une suspension pulvérisable sur les supports de culture ou injectable dans le sol au pied de végétaux déjà installés. Ce type d’inoculum pourra également s’utiliser en enrobage de semences.
  • Les tablettes permettent un dosage aisé de l’inoculum à apporter dans le trou au moment de la plantation des végétaux. L’inoculum apporté est localisé à un seul endroit et non réparti uniformément sur le chevelu racinaire.
  • Associé à un pralin, l’inoculum est particulièrement adapté pour les végétaux à racines nues. En une seule opération, la plante est inoculée et ses racines protégées.
  • Les suspensions liquides conviennent pour l’enrobage des semences. Ces inoculums sont également pulvérisables sur les supports de culture ou apportés par injection dans le sol au pied de végétaux déjà en place.

Un inoculum mycorhizien doit être positionné près des racines. Pour les plants déjà en place, il faut éviter les produits préconisés en  épandage à la surface du sol et privilégier le mode d’apport par injection ou par enfouissement. Enfin, il est également possible de trouver sur le marché des produits « 2 en 1 » :

  • Les supports de culture déjà inoculés, prêts à l’emploi et particulièrement adaptés pour la culture hors sol,
  • Les plants mycorhizés (vigne, châtaignier …) prêts pour la plantation et dont la mycorhization aura été contrôlée avant la commercialisation,
  • Les semences enrobées avec des propagules d’endomycorhizes (principalement des spores) qui permettent de semer et d’inoculer une parcelle en un seul passage,
  • Des engrais et amendements organiques contenant des propagules d’endomycorhizes.

 

Conclusions

L’importance et les bénéfices des champignons mycorhiziens ont été largement démontrés par la recherche. L’offre de produits mycorhiziens est en augmentation constante en France et ailleurs dans le monde. Les applications pratiques progressent et montrent des bénéfices réels.

Favoriser le développement des champignons mycorhiziens, qu’ils soient naturellement présents dans un sol ou introduits par inoculation, nécessite des modifications des pratiques culturales (support de culture, fertilisation, traitements phytosanitaires). En cas d’inoculation, l’obtention de bons résultats repose notamment sur la qualité des inoculums mycorhiziens utilisés.

Comme pour la physique et la chimie de son sol, l’utilisateur peut faire appel aux outils de diagnostic et d’analyses des champignons mycorhiziens pour suivre leur évolution. Il peut également s’appuyer sur les conseils donnés par les conseillers techniques de terrain (producteurs d’inoculums, laboratoires spécialisés, cabinets de conseils, services agronomiques des chambres d’agriculture…).

 

Bibliographie

  • Garbaye J., 1990. Pourquoi et comment observer l’état mycorhizien des plants forestiers. Revue forestière française, 17(1) : 35-47.
  • Gianinazzi-Pearson V., Gianinazzi S., Trouvelot A., 1985. Evaluation of the infectivity and effectiveness of indigenous vesicular-arbuscular fungal populations in some agricultural soils in burgundy. Canadian Journal of Botany, 63, 1521-1524.
  • Phillips J.M. et Haymann D.S., 1970. Improved proceeding for clearing roots and staining parasitic and vesicular-arbuscular mycorrhizal fungi for rapid assessment of infection. Trans. Br. Mycol. Soc., 55(1) : 158-161.
  • Trouvelot A., Kough J.L. et Gianinazzi-Pearson V., 1986. Mesure du taux de mycorhization VA d’un système radiculaire. Recherches et méthodes d’estimation ayant une signification fonctionnelle. Aspects physiologiques et génétiques des mycorhizes, Dijon, 1985. INRA (éd.), pp. 217-221.

 

Glossaire

Arbuscule : structure typique des endomycorhizes VA formée à l’intérieur des cellules végétales par ramification des hyphes fongiques. Les arbuscules sont le lieu d’échange entre la plante et le champignon

Endomycorhizes VA : champignons endomycorhiziens à vésicules et arbuscules

Inoculum : formulation liquide ou solide contenant un ou plusieurs microorganismes vivants et utilisée pour ensemencer ou enrichir un support de culture

PCR : réaction de duplication en chaine d’une séquence d’ADN grâce à une enzyme : la polymérase et de petits fragments d’ADN servant d’amorces

Propagule : du latin propagulum est un organe de dissémination de l’espèce. Dans le cas des champignons mycorhiziens il peut s’agir de spores, mycélium ou fragments de racines mycorhizées

Rhizosphère : volume de sol autour des racines et dans lequel les effets du système racinaire sur les autres organismes vivants sont perceptibles

Vésicule : structure typique des endomycorhizes VA formée à l’intérieur des cellules végétales. Les vésicules sont des organes de stockage pour le champignon

1 thoughts on “Mycorhizes: Diagnostic et Inoculation”

  1. Bonjour,

    Nous voudrions savoir si vos prestations comprennent les extractions d’ADN à partir de milieux organo-minéraux et des amplifications par PCR, suivies éventuellement de séquençages et d’analyses bioinformatiques.

    Nous travaillons dans le cadre d’un projet de recherche sur les toits végétalisés, notamment sur un substrat constitué de pouzzolane et de compost vert. Nous voudrions une extraction de l’ADN total à partir de ce substrat et la mise en évidence de la présence des différents taxons de champignons, notamment les Gloméromycètes.

    En vous remerciant de l’attention que vous porterez à notre demande,

    très cordialement

    Laurent Palka et Yves Bertheau
    département d’écologie et gestion de la biodiversité
    UMR 7204 CESCO
    43, rue Buffon CP 135
    75005 Paris

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