L’innovation à fleur de pot
La gestion du plastique en horticulture représente un sujet immense du fait de ses nombreux usages : pots, bâches, serres… L’innovation peut concerner plusieurs facettes : le développement de solutions d’économie de la matière première, la recherche de nouveaux matériaux, la gestion des déchets… Un vaste problème qui ne peut être étudié que par la mobilisation de la filière, d’où l’implication de Valhor*. Ses spécialistes font le point sur un sujet d’importance: le pot.
« Je ne sais pas quoi faire du pot après avoir planté ma plante, est un sujet souvent évoqué par des consommateurs conscients des problèmes environnementaux », explique Mikaël Mercier, pilote chez Valhor du groupe de travail « Éco conception et recyclage des pots horticoles ». « La gestion des déchets plastiques en horticulture, notamment les pots, représente un véritable casse-tête », souligne-t-il. Les professionnels du végétal sont en recherche permanente de solutions et d’innovations pour tenter de résoudre ce problème.
L’interprofession mobilisée
Parmi les solutions figure le remplacement de la matière plastique par des matériaux biosourcés : usage de la fibre de coco pour les pots ou remplacement des barquettes de godets par des cagettes en bois. Certes louables, ces actions locales, développées par des jardineries, restent limitées. Par ailleurs, il devenait urgent de se pencher sur le sujet du recyclage des pots horticoles. Face à l’importance de ces deux problèmes – remplacement et recyclage – l’interprofession décide de s’emparer du dossier dès 2019. Elle réunit tous les partenaires : producteurs, distributeurs (jardineries, fleuristes, grossistes) et entreprises du paysage.
« Une fédération seule ne peut pas y arriver. La réflexion et le financement doivent être collectifs », confirme Catherine Muller, présidente de Valhor. Une étude, confiée à deux cabinets spécialisés, a permis de pointer plusieurs directions. Vincent Regnouf, du cabinet Enotiko (conseil en stratégie sur ce dossier pour Valhor) précise que la France est à la pointe en rappelant que la loi Agec prévoit la fin du plastique à usage unique en 2040, avec différentes étapes entre 2020 et 2040.
Travailler sur l’éco-conception
« Le meilleur déchet est celui qui n’existe pas », rappelle Mikaël Mercier. Par exemple, il est possible de remplacer les pots par des sacs plastiques qui nécessitent moins de matière, d’utiliser des mottes pressées, à l’instar des plants de légumes, de préférer la plantation en racines nues (paysagistes), comme cela se pratiquait couramment autrefois. Différents matériaux sont à l’étude pour les pots, comme la fibre de bois, le carton, le compost de déchets verts, l’amidon… mais qui n’ont pas tous la rigidité du plastique permettant une bonne tenue de la motte et donc une culture longue et une vente en magasin.
« Nous allons donc réaliser une ACV (analyse de cycle de vie) sur certaines de ces différentes alternatives pour les pots, en impliquant les fabricants, afin de privilégier, à terme, les solutions ayant le meilleur impact environnemental », ajoute Mikaël Mercier.
Par ailleurs, en janvier 2023, une charte a été signée entre la plupart des fabricants de pots français et certains européens au salon international des plantes (IPM) (cf. encadré), avec des engagements forts comme la suppression, au 1er janvier 2024, du noir de carbone, un pigment anti-UV et peu coûteux qui empêche la détection des pots par les machines à infrarouges dans les centres de tri. Un autre engagement mutuel est l’utilisation de polypropylène recyclé.
Anticiper la future réglementation pour les pots professionnels
«Dans la filière, on ne peut pas vendre du végétal si on ne propose pas de solutions aux déchets plastiques. » La gestion de la collecte et du tri des pots usagés est différente entre ceux à usage professionnel et ceux achetés in fine par les consommateurs (dits « pots ménagers »). « Nous nous inscrivons dans une démarche d’économie circulaire comme le stipule la loi Agec (cf. encadré page précédente).
Notre filière veut anticiper la réglementation européenne sur le sujet des emballages professionnels. Mieux vaut avoir réfléchi et s’être organisés avant que la loi ne nous l’impose en 2025. Et nous souhaitons être des partenaires des pouvoirs publics dans son élaboration », précise Catherine Muller. Ronan Vanot, le directeur général d’Adivalor**, organisme engagé dans la valorisation volontaire des déchets de l’agrofourniture, le confirme, indiquant la concertation engagée avec le ministère de la Transition écologique et le ministère de l’Agriculture pour le renouvellement de son accord-cadre volontaire.
Éco-contribution
Pour les pots à usage professionnel (pépiniéristes, paysagistes…), Valhor et Adivalor ont lancé une filière de collecte en février 2023, avec une garantie de recyclage. « L’organisation est bien avancée sur le plan opérationnel. La première collecte des pots usagés est envisagée fin 2023, avec le versement par les metteurs sur le marché des premières écocontributions en 2024. Payées pour financer le dispositif, elles pourront être répercutées dans le prix de vente de la plante en pot », précise Catherine Muller.
Pots ménagers : trouver le meilleur dispositif pour les recycler
Pour que les pots ménagers puissent être recyclés, le particulier doit pouvoir les mettre dans le bac de tri comme il le fait pour les autres emballages (ou alors via une autre solution qui reste à définir). Or certaines collectivités les refusent toujours, du fait de difficultés de recyclage (noir de carbone, présence de terre). Trouver une solution est donc complexe mais l’interprofession travaille avec l’Association des maires de France et Citeo pour lever ces difficultés.
Pour Morgane Moënne, cheffe de projet Performance économique et environnementale des entreprises de Valhor: « La commercialisation de végétaux toute l’année s’est intensifiée grâce au pot en plastique, qui a permis le développement d’une horticulture hors sol mécanisée et moins tributaire des saisons. Alors qu’il nous faut accélérer le verdissement de notre environnement pour réduire les effets du changement climatique, il ne faudrait pas que le consommateur soit bloqué dans son achat de végétaux à cause de la matière de leur emballage. » Place donc à l’innovation pour laquelle l’interprofession se mobilise.
Jean-François Coffin
Membre du Comité de rédaction de Jardins de France
* www.valhor.fr – ** www.adivalor.fr