L’imposante sauge sclarée
Arthur Audran
Plante imposante, la sauge peut atteindre plus de 1,70 m dans certaines conditions de culture et de terroir. Les tiges sont quadrangulaires, très ligneuses. Les feuilles, ovales, sont grandes et opposées. Les fleurs, de couleur blanche à violette, sont réparties en verticilles sur la tige principale et les rameaux secondaires.
Plante de jardin de curé, la Sauge sclarée est cultivée depuis des siècles. Utilisée comme aromate dans les préparations culinaires ou des boissons alcoolisées, Salvia sclarea est surtout remarquable pour ses propriétés médicinales qui lui ont valu son appellation de sauge « toute bonne ». Des préparations à base d’huiles issues des feuilles ou des inflorescences possèdent des propriétés analgésiques, antioxydantes, anti-inflammatoires et antimicrobiennes. L’huile essentielle de sauge sclarée est bien connue des aromathérapeutes pour lutter contre les troubles de la menstruation et les déséquilibres hormonaux ainsi que pour ses vertus antidépressives.
Obtenue par distillation à la vapeur d’eau des inflorescences, l’huile essentielle de sauge sclarée est également utilisée dans la composition des vermouths et, surtout, en parfumerie fine.
La troisième plante à parfum
En France, la sauge sclarée est principalement cultivée en Provence sur un territoire géographique s’étendant de Montélimar (26) à Valensole (04) pour une surface totale de 1 000 à 1 500 ha. Dans l’hexagone, la sauge est la troisième plante à parfum pour ce qui est de la superficie cultivée derrière la lavande et le lavandin.
La sauge pousse préférentiellement sur les terrains calcaires, bien drainés, à pH légèrement supérieur à 6,5. Un excès d’eau ou une implantation dans une parcelle retenant l’eau entraîne un risque d’asphyxie. Plante méditerranéenne, elle pousse dans les sols qui se réchauffent rapidement. En l’absence de couvert neigeux, la sauge s’accommode mal des températures inférieures à – 7°C. En France, les cultures se cantonnent à des altitudes inférieures à 1 000 m.
La sauge n’est jamais la culture principale. Elle est systématiquement raisonnée dans le cadre d’une rotation de cultures.
De grand progrès en production
Plante pérenne, la sauge sclarée se sème au printemps dans la grande majorité des cas, Elle va passer la première année sous forme de rosette avant de fleurir le deuxième été. La récolte a lieu de fin juin à fin juillet en fonction de la zone de culture. Il est possible de récolter deux années de suite a minima.
Les graines de sauge se moissonnent facilement. Pendant très longtemps, chaque producteur a multiplié ses propres semences. Malheureusement, cette sélection s’est faite le plus souvent en privilégiant les critères morphologiques au détriment de la productivité. Grâce à l’Institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales et aromatiques (Iteipmai), il existe maintenant deux variétés sélectionnées sur les critères de productivité : la Scalia et la Toscalia en attendant une nouvelle variété, la Claryssima, actuellement en cours de validation. L’adoption de ces variétés a permis à la production de réaliser des progrès considérables. Les rendements en sclaréol et en huile essentielle ont augmenté de plus de 30 %.
La pollinisation de la sauge est principalement assurée par l’abeille charpentière (Xylocopa violacea). Les abeilles communes (Apis mellifera), si présentes en Provence au moment de la floraison, lui préfèrent largement les lavandes et les lavandins.
Les travaux du Crieppam (Centre Régional Interprofessionnel d’Expérimentation en Plantes à Parfum Aromatiques et Médicinales) et de l’Iteipmai ont permis de déterminer le stade optimal de récolte pour obtenir le maximum d’huile essentielle. Les rendements optimums sont obtenus lorsque 50 % des graines des fleurs portées sur la tige principale ont noirci.
Un produit noble
La sauge sclarée possède la particularité d’offrir plusieurs débouchés commerciaux :
- La « concrète parfumerie » à destination exclusive de la parfumerie fine est obtenue par extraction aux solvants des inflorescences sans distillation préalable. Produit à haute valeur ajoutée, il représente un marché annuel très limité de quelques tonnes.
- L’huile riche en omégas 3 obtenue par pression des graines pour un usage médical et dans les compléments alimentaires.
- L’huile essentielle obtenue par distillation à la vapeur des inflorescences est utilisé en parfumerie fine.
- Le sclaréol obtenu par extraction des inflorescences préalablement distillées ou non est utilisé pour un usage plus large en parfumerie fonctionnelle (lessive, savon) et en parfumerie fine.
L’utilisation de la « concrète parfumerie » et de l’huile issue des graines demeure très marginale.
En France, l’huile essentielle reste le débouché numéro un de la culture de la sauge mais ce n’est pas le cas au niveau mondial où les cultures sont destinées en priorité à la production de sclaréol.
L’huile essentielle de sauge sclarée est un produit noble mais très soumis aux variations du marché mondial. Son usage, quasi exclusif en parfumerie de luxe, génère des besoins annuels faibles et relativement stables. La moindre fluctuation des surfaces mondiales peut entrainer d’importantes variations des cours voir un engorgement très rapide du marché.
Pour remplacer le cachalot
La norme française reconnaît deux types d’huile essentielle de sauge sclarée (norme afnor NF T 75-255) :
- La qualité dite traditionnelle est obtenue par distillation à la vapeur d’eau des tiges fleuries et séchées sur le champ (pré-fanage de 24 à 48 h).
- La qualité broyée en vert est obtenue par distillation à la vapeur d’eau des tiges fleuries broyées au moment de la coupe et distillées immédiatement sans séchage préalable. L’huile essentielle de sauge sclarée se présente sous la forme d’un liquide incolore à jaune brun, le plus souvent jaune pale. Son odeur est douce, herbacée, caractéristique, suivie d’un fond nettement ambré / animal tenace. La qualité « traditionnelle » présente parfois une nuance vineuse / acre tandis que la qualité broyée vert a plutôt une nuance verte / acre.
L’extraction de la paille de sauge sclarée au solvant (hexane…) se fait en batch ou plus rarement par des processus continus. L’ensemble des molécules extraites forme une concrète dont le principal intérêt est de contenir 50 % d’un diterpène complexe naturel : le sclaréol. Celui-ci est à la base de l’hémisynthèse de l’Ambrox® ou Ambroxan® (Firmenich 1950). Cette dernière molécule sert de substitut dans les compositions pour remplacer l’ambre gris issu de cachalot, l’un des produits ancestraux utilisé par les parfumeurs.
L’Ambrox® est caractérisé par une noble odeur ambrée, boisée, sèche et une grande puissance olfactive et diffusive, même à très faibles concentrations. Employé à l’origine uniquement en parfumerie fine, il a très vite montré ses performances en parfumerie fonctionnelle où il est, depuis les années 1980, de plus en plus utilisé.
Le sclaréol est, à l’heure actuelle, le produit phare issu de la culture de la sauge aussi bien en termes de volume qu’en termes économiques.
A lire …
Les roses et la production d’huile essentielle pour la parfumerie
Jardins de France a publié dans sa rubrique histoire de plantes un article intitulé « Les roses et la production d’huile essentielle pour la parfumerie »*. En voici quelques extraits…
Les roses sont utilisées pour leurs parfums depuis l’antiquité. Mise au point après les procédés d’enfleurage et de macération, la distillation a permis un véritable essor de l’industrie du parfum. La distillation des fleurs de rose pour la production d’huile essentielle démarre probablement à la fin du XVIe ou au début du XVIIe siècle. La Turquie et la Bulgarie sont les deux principaux producteurs (environ 80% du total). La rose de Damas (Rosa x damascena Mill.) est la plus utilisée, sa fleur, semi-double à double, a environ 30 pétales très parfumés. R. x centifolia L. (rose de Grasse) est l’autre variété cultivée, hybride horticole complexe formé à partir de plusieurs roses botaniques dont R. gallica et R. canina. Elle possède des fleurs très parfumées et très doubles. A Grasse, il ne reste que quelques hectares de certains hybrides de R. x centifolia destinés à la fabrication des parfums de luxe. R. moschata, R. gallica, R. rugosa et R. bourboniana sont aussi cultivées pour la production d’huile essentielle, d’eau de rose ou d’autres formes de parfum.
Deux procédés d’extraction
L’hydrodistillation est le procédé d’extraction le plus courant. Dans cette technique, les pétales sont plongés dans un grand volume d’eau chauffé à 100°C. Par décantation, on obtient finalement une couche d’eau de rose, surmontée de l’huile essentielle (attar de rose). La production de 1 kg d’huile essentielle nécessite 3 à 5 tonnes de roses, soit environ 200 millions de pétales. Le prix de l’huile varie de 5 000 à 7 000 €/kg.
Dans la technique d’extraction par solvant, les fleurs sont lavées avec de l’hexane. L’extraction permet d’obtenir la concrète, produit semi-solide concentré en parfums. Après traitement à l’alcool on obtient l’absolue de rose (1200 à 2000 €/kg). Il faut approximativement 400 kg de roses pour obtenir 1 kg de concrète et 0,5 kg d’absolu.
Les produits obtenus sont utilisés dans la parfumerie et la cosmétique. On peut citer parmi les créations de parfumeur : ‘la rose Jacqueminot’ (Coty 1904) et plus récemment ‘Trésor’ (Lancôme) dans lesquels la note de rose domine. On trouve aussi ces produits dans l’industrie agroalimentaire et dans l’industrie pharmaceutique. L’eau de rose est utilisée en cosmétique, pour ses propriétés astringentes et en cuisine pour parfumer confiseries et pâtisseries.
N.D.
*Pour tout savoir sur les roses à parfum, leur exploitation et leur composition chimique nous vous invitons à vous reporter à cet article écrit par Sylvie Baudino et coll. mai-juin 2013 www.jardinsdefrance.org/les-roses-et-la-production-dhuile-essentielle-pour-la-parfumerie
« …culture de la sauge aussi bien en termes de volume quand termes économiques. »
« ..qu’en termes… » serait plus correct.
Sinon, texte très instructif, merci.
Merci pour votre œil attentif ! C’est désormais corrigé. A très bientôt sur jardinsdefrance.org !