L’illustration botanique : une pratique technique, scientifique et artistique
La SNHF a toujours été attentive à cette forme d’expression artistique qu’est l’illustration botanique, dont elle archive aussi des spécimens dans sa remarquable bibliothèque. Depuis 2018, des cours d’illustration sont régulièrement proposés au public, grâce à l’initiative de Josiane Couasnon.
De l’illustration botanique à la peinture botanique
L’illustration botanique demeure une discipline à finalité pédagogique et scientifique, à la différence de la peinture botanique qui répond à des critères esthétiques.
Elle vise à représenter la forme, les couleurs et les détails des espèces végétales au plus près de la réalité scientifique.
Ces illustrations nécessitent donc une compréhension de la morphologie végétale.
L’organisation en fractales, le développement en spirale, la phyllotaxie restent parmi les grandes règles sous-jacentes à l’organisation du monde végétal.
Roger Caillois, qui avait beaucoup réfléchi sur « les formes naturelles », avait établi le constat qu’il « y avait nécessairement plus d’inventions dans la nature qu’il ne saurait y en avoir dans les ouvrages de l’homme. […]
Il n’est pas de composition de formes ou de couleurs, conçue et exécutée par l’homme […] à laquelle on ne puisse découvrir dans la nature un modèle ou un point de départ. »
Le genre est apparu très tôt: la force de l’image s’est imposée, plus précise que les mots. Il concernait à l’origine les plantes à vertus médicinales (VIe siècle). Apparu d’abord au Moyen Âge, il s’est surtout développé avec les grandes découvertes et l’apparition de l’imprimerie, puis les voyages des grands explorateurs. Les fresques en grisaille du monastère de San Salvador de Malinalco (Mexique), réalisées par la population locale, datent de la première moitié du XVIe siècle. Elles représentent de façon parfaitement identifiable la flore locale.
À l’apparition de la photo, beaucoup d’illustrateurs botaniques se tournent vers l’art botanique. Pour autant, l’illustration s’est maintenue car le dessin scientifique donne simultanément des détails de la plante sous des plans différents, ce que ne peut faire la photo. Ainsi, sous cette appellation, on regroupe aujourd’hui des œuvres qui vont de la planche botanique scientifique à l’œuvre d’art. L’art contemporain y trouve un thème très apprécié, comme en témoignent les œuvres de Joan Mitchell, Cy Twombly, Irving Penn, Ellsworth Kelly, David Hockney…
C’est au milieu du XIXe siècle, période où la France connaît un foisonnement artistique sans précédent, que cette pratique va progressivement décliner. Le savoir-faire des élèves de Pierre-Joseph Redouté va trouver à s’exprimer le plus souvent dans l’art décoratif, stimulé par l’organisation des expositions universelles. L’illustration botanique va connaître des avatars jusqu’à devenir simple passe-temps féminin: « peindre des fleurs à l’aquarelle ».
Retrouver ses lettres de noblesse
C’est à partir de ce constat que des initiatives se sont mises en place, ici et là, visant à redonner à l’illustration botanique française ses lettres de noblesse. En 2006, un premier atelier d’illustration botanique est ouvert dans le Perche. Suivront la création de la Société française d’illustration botanique en 2011, puis, en 2018, de
l’AsPIB (Association des passionnés d’illustration botanique). L’exposition « Jardins », au Grand Palais en 2017, illustrait bien ce lien entre tradition et art contemporain ainsi que leur frontière poreuse.
Certaines artistes vont au contraire butiner jusque dans la miniature moghole les ingrédients de leur travail. Aujourd’hui, cette discipline connaît un grand succès dans les pays anglo-saxons, la Russie et, tradition oblige, l’Asie. La peinture botanique revêt trois caractéristiques principales. La première est scientifique (connaissance des plantes et transmission du savoir), la deuxième technique (avec spectre de techniques élargi), et la dernière réside dans l’esthétique (des « belles plantes » et des « belles images »).
Personnellement, j’y ajoute une quatrième, qui n’est pas la moindre : elle devient rapidement un art de vivre… Observer, regarder, révéler, voir la beauté qui se cache dans la plante la plus modeste, valoriser le cycle de la plante, redonner un sens à cette discipline, à une époque où le végétal est omniprésent (que ce soit dans l’énergie, l’environnement, la médecine, la nourriture, les textiles, les matériaux de construction…), restituer ce sentiment de beauté que l’on ressent à contempler les formes végétales dans lesquelles, même lorsque l’œil perçoit les formes géométriques, il en saisit également les irrégularités : c’est de cette complexité que l’artiste doit rendre compte.
L’enseignement de l’illustration botanique à la SNHF
Organisés en sessions de trois jours, avec un maximum de dix élèves par session, les cours d’illustration botanique proposés par la SNHF s’adressent aux débutants comme aux personnes plus confirmées. Des stages de terrain sont également proposés.
Le but du cours
• Respect de la démarche scientifique…
Apprendre à regarder pour comprendre les plantes afin d’accéder à leurs spécificités puis pouvoir les dessiner et les peindre. S’intéresser aussi bien aux plantes ordinaires qu’aux « belles fleurs », à la fin de la vie de la plante qu’à son épanouissement, aux maladies qui les transforment.
• Une approche personnelle
Développer, à partir des techniques, une expression plus personnelle et artistique. Apprendre à faire passer la vie que recèle chaque plante sans que la maîtrise technique ne la fige. Oser affirmer sa personnalité tout en respectant une nécessaire rigueur. Une prochaine étape pourrait être la reconnaissance des stages au titre de la formation permanente.
Elisabeth Vitou
Présidente de la section Beaux-arts de la SNHF, professeur d’illustration botanique
1 Paul Valéry, Pièces sur l’art, Degas Danse Dessin
2 Roger Caillois, Case d’un échiquier