L'illustration botanique, métier d'hier et d'aujourd'hui

Dominique Mansion

Les dessinateurs qui accompagnaient autrefois les expéditions naturalistes ont permis d’immortaliser la flore lointaine à l’époque où la photographie n’était qu’une invention à venir. Décrypter avec précision la morphologie des plantes, tracer avec rigueur les lignes fidèles, le souci du détail... L’illustration botanique a toujours été un complément précieux de la description écrite, une valeur sans pareille, pour la science et pour l’art...

© Dominique Mansion

Depuis la nuit des temps, des végétaux tels que figuiers, vigne et oliviers figurent dans la peinture murale, la mosaïque ou la céramique. Ces représentations, peu nombreuses et souvent stylisées, s’adressaient autrefois à une élite. Le développement de nouveaux supports et la mise au point de moyens de représentation et de reproduction vont permettre de multiplier les images et leur diffusion. Au Moyen Âge, les moines copistes réalisent des enluminures où les plantes sont fidèlement représentées. Cependant, l’accès à " l’imagerie végétale " va se démultiplier grâce à la gravure sur bois, suivie des autres techniques de gravure qui vont êtreservies par le papier et diffusées par le livre. Ces avancées techniques accompagnent l’engouement pour les plantes et les jardins, les progrès d’une médecine qui soigne essentiellement par les " herbes ". Elles servent aussi la volonté de classification et  d’inventaire des plantes.


Le dessin botanique, précis et rigoureux

Les limites des herbiers et celles de la description écrite nécessitent d’être complétées par une illustration botanique rigoureuse où les détails prennent de l’importance. Au début du XVe siècle, le flamand Jan van Eyck peint à la peinture à l’huile, des oeuvres au réalisme sidérant où l’on identifie parfaitement les plantes. À partir du XVIe siècle, les facilités d’emploi et de transport de l’aquarelle vont en faire la technique idéale des peintres qui accompagnent les expéditions naturalistes. Aujourd’hui, des techniques variées permettent de dessiner et de peindre les plantes, depuis les plus anciennes, toujours en usage, aux plus contemporaines, dotées de possibilités infinies de l’informatique. Malgré cela, l’aquarelle reste encore de nos jours, la technique préférée pour l’illustration botanique en couleur.
De même, on aurait pu penser que la photographie allait porter un coup fatal à l’artisanat du dessin et de l’illustration naturaliste dans le livre. Or, il s’avère qu’on fait toujours appel à ces représentations qui offrent desimages plus homogènes et synthétiques pour décrire telle ou telle espèce.
L’illustration laisse plus de place à la personnalité de l’artiste et, pour ce qui est d’une oeuvre originale, l’aquarelle ou le dessin botanique auront toujours une valeur sans pareille comparés à une photographie ou à une image numérique reproductibles à l’infini, ce qui n’enlève rien au talent de leurs auteurs.

La flore forestière française… en trois tomes

Un travail de longue haleine ! Cette grande aventure a commencé en 1985. Plus de 600 planches botaniques, des mousses aux plantes à fleurs en passant par les arbres, les arbustes et les fougères, sont au programme du premier tome " Plaines et collines ". Le travail de terrain s’étale du printemps à l’automne. Pour illustrer le végétal dans son contexte naturel, il faut savoir où le trouver et comment le reconnaître. Des connaissances en botanique, en particulier des périodes de floraison et de fructification, sont donc nécessaires pour réaliser des dessins avec précision.
Chaque déplacement est organisé en fonction du développement des plantes. Il faut constamment improviser et s’adapter. Il arrive parfois que les végétaux ne soient plus là où ils avaient été notés, la floraison est retardée ou déjà passée, le milieu naturel est perturbé.

Sur place ou à emporter

Les espèces endémiques, rares et protégées sont toujours dessinées sur le terrain. La cueillette avec conservation des échantillons dans l’eau permet d’optimiser les déplacements et le temps consacré à illustrer de nombreuses autres espèces. Par ailleurs, les aléas du temps, une posture de dessin souvent inconfortable ou encore l’absence d’un botaniste accompagnateur sont aussi les raisons pour lesquelles un illustrateur se permet de cueillir certaines plantes pour les dessiner chez lui ou encore à l'hôtel, lors des longs déplacements.
Trois années de terrain ont été nécessaires pour aboutir au premier tome. Ce bref résumé n’évoque pas les multiples allers-retours des dessins pour diverses vérifications, les nombreux séjours à l’ENGEF à Nancy pour saisir sur les herbiers de l’école les détails ayant échappé sur le terrain...
Édités par l’Institut pour le développement forestier, les trois tomes de Flore forestière française sont aujourd’hui utilisés par plus de 60 000 professionnels, amateurs ou étudiants. Illustré de dessins botaniques au trait, ce riche ouvrage est une mine de données, notamment sur l’écologie des plantes.