L’horticulture au Japon : universelle et originale

Noëlle Dorion

Avec une population totale de 127,5 millions d’habitants, le Japon est deux fois plus peuplé que la France mais son taux d’autosuffisance alimentaire est le plus bas de tous les Pays développés. La plupart des espèces horticoles produites au Japon sont originaires d’Asie, notamment de Chine, et des Pays occidentaux. Cependant, l’horticulture japonaise a toujours été très dynamique tant dans le perfectionnement des techniques que pour l’amélioration des plantes. Les fruits, légumes et fleurs consommés au Japon sont dans la grande majorité ceux présents sur nos étals et font l’objet de nombreux échanges. Mais le Japon a conservé de nombreuses originalités culturelles comme par exemple : les châtaignes (Castanea crenata), les néfliers du Japon (Eriobotrya japonica), les nashis (Pyrus pyrifolia), la bardane (Arctium lappa), le pétasite (Petasites japonicus), les pousses de bambous, les lis, l’œillet et les gentianes…

 

Un peu de géographie…

 L’archipel du Japon se compose de quatre îles principales, du nord au sud, Hokkaido, Honshu, Shikoku et Kyushu et d’une multitude de petites îles sur une longueur totale de 3000 km entre les latitudes 20° et 46° Nord. Le climat est considéré comme tempéré, excepté au nord (subarctique) et au sud (subtropical). La surface totale est de 38 millions d’hectares. Ce qui correspond à 69 % de la surface de la France métropolitaine. Par contre, Le nombre de Japonais est à peu près deux fois celui des Français : respectivement 127,5 et 63 millions en 2010. Au Japon, la surface agricole utile (hors forêts) représentent 12,8 % de la surface totale (4,8 millions d’hectares) alors qu’en France, c’est environ 53 % soit 29 millions d’hectares. Le Japon doit donc nourrir le double de population sur une surface agricole six fois plus faible. En conséquence, le pays est globalement très importateur de produits agricoles. Il n’est autosuffisant que pour le riz. Le taux d’autosuffisance alimentaire et de 41 %, le plus bas de tous les pays développés alors qu’il est de 120 % en France.

 

Un peu d’histoire…

A l’exception du châtaignier (Castanea crenata Sieb. et Zucc.), peu d’espèces cultivées au Japon sont originaires de l’archipel. La plupart des espèces horticoles importantes ont été importées de Chine, de Corée et du sud-est asiatique entre le 5e et le 9e siècle. C’est le cas des agrumes (1re introduction, Citrus tachibana en 712), du chrysanthème, de la pivoine arbustive, de l’aubergine, de la laitue,…). L’interaction avec les pays de l’ouest (Portugal, Espagne, Pays-Bas) a débuté au XVIe siècle avec l’introduction des courges, du tournesol, du maïs et de la pomme de terre. Au retour du pouvoir impérial (1875), de nombreuses espèces ont été introduites ou réintroduites à partir de l’Europe, des Etats-Unis, de la Chine et testées en culture dans tout le Japon (tomate, chou, pomme, pêche, etc.).

 


Technologies de pointe et sélection active dès le début du XXe siècle…

Comme en occident, l’horticulture s’est vraiment développée au XIXe siècle et au début du XXe pour devenir un secteur prometteur de l’agriculture japonaise, intégrant rapidement les nouvelles technologies. Ainsi le plastique a été utilisé pour couvrir les abris dès 1951, en même temps qu’aux USA et presque 10 ans avant la France.

La sélection et l’hybridation ont toujours été très présentes au Japon, dès le XVIIe siècle pour les arbres et arbustes ornementaux : Camellia, Rhododendron (groupe des azalées), Prunus mume, Paeonia suffruticosa, au début du XXe siècle pour les légumes avec la mise en marché des premiers hybrides F1 (aubergine 1924, pastèque 1928, concombre 1932, tomate 1937, melon 1939, chou 1940). Actuellement, on trouve deux entreprises japonaises dans les dix premières entreprises semencières mondiales (Sakata 8e et Takii 10e), toutes deux spécialistes des semences horticoles.


Une grande variété de fruits et légumes

Les fruits, légumes et fleurs consommés au Japon sont dans la grande majorité ceux présents sur nos étals.

Globalement, on observe une diminution régulière des surfaces dédiées à l’horticulture vivrière qui s’explique par une évolution du mode de vie des Japonais. La consommation de légumes par habitant a, par exemple, diminué de 106 à 95 kg entre 2001 et 2003. Au contraire la consommation des produits de l’horticulture ornementale aurait plutôt tendance à augmenter.

 

Fruits, les agrumes en tête

Les mandarines (Citrus unshiu) arrivent en tête des fruits produits au Japon avec, en 2009, une production de 1 million de tonnes sur une superficie de 49 000 ha en diminution de 15 % depuis 2003. Après les agrumes, viennent les pommes (845 000 t) dont la production est stable et les poires japonaises (nashi, Pyrus pyrifolia, 318 000 t) en léger repli. A titre de comparaison : la France produit annuellement environ 1 700 000 t de pommes et 185 000 t de poires. Le Japon est un grand producteur de fraises (177 500 t) au 7e rang mondial, quelque part entre l’Espagne et l’Allemagne. Parmi les fruits traditionnellement consommés et produits au Japon, il faut citer les kakis (Diospyros kaki, 258 000 t, 3e rang mondial), les châtaignes (Castanea crenata, 21 700 t sur 22 900 ha, en diminution, 6e rang mondial), les nèfles du Japon (Eriobotrya japonica) et les abricots japonais (Prunus mume). Le Japon importe principalement des bananes et des ananas des Philippines et des pomelos (Citrus paradisi, improprement appelé pamplemousse) des USA. Le Japon exporte un peu, principalement, des pommes et des nashis vers Taïwan et Hong Kong et des agrumes vers le Canada.

 

 

 

 

 

Légumes, pommes de terre et choux en vedettes

Plus de trente légumes sont produits et consommés au Japon. Parmi les plus importants, citons : la pomme de terre sur 80 300 ha, les choux sur 57 700 ha (4e rang mondial, 10 fois plus qu’en France) dont 18 600 ha de chou chinois et le radis japonais (radis blanc) sur 36 400 ha. Par ailleurs, le Japon se situe au 2e rang mondial pour la production d’oignons, au 3e rang pour la production d’épinards (2,5 fois plus qu’en France) et au 6e rang pour les salades (France, 8e rang). En dépit de ces performances, le Japon importe des alliacées (oignon, ail, poireau), des choux et des salades. En raison de la modification des modes de vie, on observe aussi une très forte augmentation de l’importation des légumes surgelés de 630 000 tonnes en 2003 à 853 000 t environ en 2010. Les produits importés viennent principalement de Chine, de Nouvelle-Zélande et des USA. Parmi les légumes traditionnellement consommés au Japon, il faut mentionner quelques originalités. Les Japonais consomment par exemple des rhizomes de lotus (Nelumbo nucifera) et des racines de bardane (Arctium lappa). Cette plante importée de Chine il y a plus de 1000 ans n’est cultivée, comme légume, dans aucun autre pays. Les feuilles de chrysanthème (Chrysanthemum coronarium) et les pétioles de Petasites japonicus (pétasite, astéracées proche du pas-d’âne) s’invitent souvent au menu, de même que 28 000 tonnes de pousses de bambous par an.

 

 

Une place de choix pour les plantes ornementales

Traditionnellement associées aux aspects culturels, les plantes ornementales restent un point fort de l’horticulture japonaise. La première fleur coupée produite est, bien entendu, le chrysanthème avec 1,7 milliard de tiges produites. La rose n’arrive qu’en troisième position, devancée par l’œillet contrairement à l’Europe où il est depuis longtemps rétrogradé à la 11e place. Les lis restent très produits avec 168,5 millions de tiges mais sont en déclin. Pour ces plantes le grand changement a surtout porté sur la production des bulbes eux-mêmes. Ainsi en 1973 on produisait des bulbes à fleurs sur plus de 2 millions d’ha alors qu’actuellement c’est moins de 500 ha qui sont concernés. Le Japon, au 5e rang mondial, continue de produire, sur 500 ha, les bulbes de Lilium longiflorum, espèce originaire de l’île de Ryukyu (décrit en 1784 par Thunberg), mais importe des Pays-Bas la totalité des lis hybrides asiatiques et orientaux. La fleur coupée la plus originale est une gentiane, Gentiana triflora, spontanée au Japon elle est produite sur environ 500 ha pour une valeur annuelle de 35,5 millions d’euros, à peine 7 fois moins que les lis. Elle est particulièrement utilisée en août à l’occasion du « Bon Festival » et à la fin de septembre pour la « Semaine de l’équinoxe ». Les plantes fleuries en pot, offertes en cadeaux, sont les orchidées et les cyclamens. Curieusement, les azalées ne figurent dans la liste. Pourtant, un ouvrage paru au Japon en 1692 mentionnait plus de 332 cultivars dont 171 du groupe Tsutsuji auquel appartient Rhododendron simsii à l’origine des plantes fleuries, vendues en pot, que nous connaissons sous le nom « d’azalées belges ». L’activité de production ne couvre pas les besoins des japonais puisque l’importation de fleurs coupées continue d’augmenter. Elle est passée de 20 000 tonnes à 36 000 t entre 2003 et 2010. Les fournisseurs actuels sont la Thaïlande, Taïwan et la Colombie.


 

Sources

Statistiques du ministère de l’agriculture du Japon (2007-2010)

Statistiques agricoles de la FAO (2007-2010)

Horticulture in Japan 2006 : Ed. By the Japanese Society for Horticultural Science (334 p)

The global flower bulb industry : production, utilization, research. (M. Benschop et al.), Horticultural Reviews, Volume 36, p 1-115