Les trésors de la bibliothèque de la SNHF – La Monographie des greffes, d’André Thouin

Emmanuelle Royon

La collection de la bibliothèque de la Société nationale d’horticulture est remarquable, avec des ouvrages, pour les plus anciens, remontant au milieu du xvie siècle. Remarquable, elle l’est par la qualité des reliures, par les nombreuses gravures qui animent les pages des monographies et, bien entendu, par la qualité historiographique de son contenu. L’ouvrage que nous présentons est exceptionnel tant par son illustre auteur que par l’exemplaire que nous possédons. Il s’agit de l’exemplaire relié in-quarto de la Monographie des greffes, ou description des diverses sortes de greffes employées pour la multiplication des végétaux, d’André Thouin publié en 1821 chez Madame Huzard[1].

 

André Thouin, Monographie des greffes, (...), Paris : impr. de Mme Huzard, 1821, 100 p.

 Ambroise Tardieu, Portrait d’André Thouin

1: André Thouin, Monographie des greffes, (...), Paris : impr. de Mme Huzard, 1821, 100 p.
2: Ambroise Tardieu, Portrait d'André Thouin

 

L’exemplaire de la Monographie des greffes, conservé dans la réserve de la bibliothèque de la SNHF, est intéressant à plusieurs titres.

 

Un sujet : les greffes

Après une introduction générale sur la technique de la greffe, André Thouin dans cet ouvrage décrit exhaustivement les greffes alors connues, qu’il classe en quatre sections : les greffes par approche, les greffes par scions, les greffes par Gemma, et les greffes des parties herbacées des végétaux, ou greffes Tschoudy. L’auteur donne aux greffes qui ne possèdent pas de noms celui d’horticulteurs célèbres comme Noisette, Olivier de Serres, Le Nôtre, Collignon, etc. Certaines de ces greffes sont illustrées, en fin de volume, par treize planches lithographiées.

 

La condition du livre

Présentes en début de volume, ces marques de provenance que sont les signatures et la dédicace dévoilent le parcours intellectuel de l’ouvrage et l’identité de ses possesseurs, la condition du livre. En regard de la page de titre (photo ci-dessous), André Thouin signe de sa plume une dédicace à « Monsieur la Billardière ». Il rend un « Hommage d’attachement à l’un de ses collègues ». Jacques-Julien Houtou de la Billardière, botaniste français, accompagna plusieurs expéditions autour du monde dont la fameuse expédition d’Entrecasteaux à la recherche de La Pérouse. Il participa, tout comme André Thouin, à la campagne d’Italie avec des fonctions similaires. Tous deux furent membres de l’Académie des sciences, puis membres de l’Institut de France[2] .

 

André Thouin signe de sa plume une dédicace à "Monsieur La Billardière"

Signature de Joseph Decaisne

1: André Thouin signe de sa plume une dédicace à "Monsieur La Billardière"
2: Signature de Joseph Decaisne

 

Un exemplaire acquis par Decaisne

Sur la page de faux-titre, une autre signature attire notre regard, celle de Joseph Decaisne. Ce jardinier, botaniste et grand professeur rédigea de nombreux écrits théoriques et rassembla une collection d’ouvrages et d’œuvres d’art particulièrement riche. Ces signatures nous permettent de retracer le parcours de l’ouvrage d’André Thouin. Son premier possesseur fut donc M. De la Billardière. Joseph Decaisne acquit l’exemplaire dédicacé par la suite et y apposa sa signature. La proximité de ces trois hommes est tout à fait frappante. Ils firent tout trois une carrière de jardinier, botaniste et professeur qui les conduisirent chacun à l’Académie puis à l’Institut. Voir ces grands noms de l’horticulture manuscrits sur les premières pages de ce volume offre un témoignage émouvant des liens qui unirent trois hommes à l’aube du xixe siècle.

 

Des legs à plusieurs institutions

La signature de Decaisne nous permet de reconstituer sa bibliothèque même si celle-ci se trouve dispersée dans plusieurs institutions. À sa mort, « à sa seule nièce survivante, fille d’une de ses sœurs, il a légué sa bibliothèque et son mobilier, sauf deux pièces de valeurs artistiques données au Musée de Cluny. A la bibliothèque du Muséum, il a attribué deux manuscrits botaniques intéressant le Jardin des plantes ; au Musée du Louvre, divers tableaux ; aux bibliothèques du Muséum, de l’Institut et à la bibliothèque nationale des dessins originaux (en trois lots) du Jardin fruitier du Muséum ; à la Société botanique de France, les portraits encadrés de botanistes qui ornaient son cabinet ; enfin au Jardin Botanique de Bruxelles, son herbier privé et ses notes botaniques manuscrites[3]» La bibliothèque de la SNHF a acquis une part non négligeable du fonds de la bibliothèque personnelle de Joseph Decaisne lors de sa dispersion. Elle conserve ainsi, avec d’autres grandes institutions, un pan important de l’histoire horticole dont la Monographie des greffes d’André Thouin fait partie.

a lire...

Consultez l’exemplaire numérisé de La Monographie des greffes, d’André Thouin :

 

Pour en savoir plus sur la vie d’André Thouin (1747-1824), fils du jardinier du roi, rendez-vous à la rubrique « portrait » du prochain numéro de janvier-février.


> la bibliothèque en ligne

[1] Mme Huzard (1767-1849) : Fille du libraire parisien Pierre Vallat-le-Chapelle, elle fut libraire, éditeur et imprimeur. Elle imprima notamment les « Annales de l’agriculture » (1811-1834), les « Mémoires de la Société d’agriculture du département de la Seine » ou encore les « Annales des mines ». http://data.bnf.fr/12423175/marie-rosalie_huzard/

[2] L’Institut de France fût créé en 1795.

[3] Joseph Decaisne, notice biographique, extrait de La Flore des Serres et des Jardins de l'Europe, XXIIIe volume, 188, p. 8-9

 

novembre-décembre 2013