Les tailles des arbres : bien les réfléchir !
Jac Boutaud
Depuis des millénaires, des arbres sont conduits en têtards pour la production de bois de chauffage ou de feuillage et les arbres fruitiers font l'objet de tailles souvent très élaborées. Parmi les arbres forestiers, la taille de formation est surtout réservée aux essences « précieuses » et aux plantations à faible densité. Les arbres d'ornement sont confrontés à des enjeux bien plus complexes.
Avant de tailler, se poser la question « est-ce bien nécessaire ». Il serait dommage de tailler ce Marronnier en forme libre ! - © D.R.
Les arbres d'ornement sont considérés par certains comme un précieux patrimoine à protéger mais, pour nombre de ceux qui les côtoient ainsi que pour les gestionnaires et utilisateurs de l'espace public, les arbres sont souvent une source de désordres ou de gêne, la taille étant un moyen de les limiter.
Tailler en fonction d'objectifs précis
Les raisons qui amènent à tailler les arbres d'ornement sont diverses : références culturelles (marquises, gobelets du Midi, etc.), effet esthétique, réponse aux contraintes (limitation de l'encombrement, éclaircie pour rechercher de la luminosité, dégagement du passage au-dessus des voiries, sécurisation dans les lieux fréquentés, etc.).
Les formes que l'on peut donner aux arbres d'ornement dans le cadre de ces objectifs sont variées :
- les arbres en formes libres ne sont pas modifiés dans leur structure et leur volume,
- les basses branches des sujets en formes semi-libres ont généralement été enlevées pour dégager un gabarit,
- les arbres en formes contenues présentent une apparence libre bien que leur volume soit maîtrisé,
- les formes architecturées regroupent les arbres « tondus » en périphérie (rideaux, marquises, topiaires...) et ceux dont la charpente est limitée par des têtes de chat1 ou des prolongements2.
S’interroger avant d’entreprendre
Compte tenu de la diversité des situations et des formes possibles, avant d'entreprendre une taille, il est indispensable de s'interroger sur les motivations réelles et sur les techniques les plus adaptées.
Il faut d'abord identifier les contraintes qui s'exercent sur l'arbre, les objectifs paysagers et fonctionnels ainsi que la fréquentation du site.
Ensuite, une analyse fine de l'arbre doit être menée, en particulier s'il n'a pas bénéficié de l'expertise d'un spécialiste : conduite actuelle et modalités d'entretien, développement, vigueur et perturbations éventuelles, état sanitaire et mécanique...
La décision de tailler ou non et la nature de la taille choisie le cas échéant dépendent de la synthèse de ces deux aspects.
Platanes « en forme contenue » par la taille - © D.R.
Principales tailles
Il existe plusieurs types de tailles. La taille de formation s'applique à de jeunes arbres situés dans un environnement contraint, pour les y adapter. Une remontée progressive de couronne suffira pour obtenir une forme semi-libre, alors que la préparation d'une forme architecturée sera plus complexe.
Les tailles d'entretien sont adaptées à la forme de l'arbre. Il s'agit de simples suppressions des branches mortes ou fragiles sur les formes libres et semi-libres. Les formes contenues subissent de plus une diminution des branches au niveau de relais potentiels (« tire-sève »), pour permettre la cohabitation de l'arbre avec les contraintes spatiales. La fréquence d'intervention pour ces tailles varie de deux à dix ans ou plus car elle est adaptée à chaque cas particulier.
Des ormes au cours d’une taille de « formation » - © D.R.
Les formes architecturées nécessitent des interventions plus régulières. Les tontes et tailles sur têtes de chat doivent être annuelles. Les tailles sur prolongement peuvent éventuellement n'être faites que tous les deux ou trois ans.
Les tailles d’adaptation qui visent à ajuster une partie du volume de l'arbre à une nouvelle contrainte doivent rester légères.
La conversion d'une forme vers une autre (tête de chat vers rideau, par exemple) est possible si elle ne brutalise pas l'arbre.
La restructuration pour conserver des arbres mutilés ou qui ont été délaissés devrait rester exceptionnelle, alors qu'elle est assez courante.
La prévention des risques par élimination des bois morts ou fragiles est souvent couplée aux tailles d'entretien. Elle permet parfois d'accompagner le dépérissement de certains sujets patrimoniaux que l'on souhaite conserver. Pour ceux-ci, la mise en place d'un périmètre de sécurité est bien préférable à des tailles sévères qui les fragilisent et les défigurent.
Des modes opératoires à respecter
Pour que les conséquences de ces tailles soient le moins dommageables possible pour les arbres, il faut qu'elles respectent les principes de base : éviter les périodes dites de « montée et de descente de sève3 », limiter les dimensions des coupes et choisir les angles les plus appropriés, ne supprimer que ce qui est vraiment nécessaire par rapport aux objectifs définis.
Avec l’arrivée de la taille « douce4 » il y a une trentaine d'années, de nombreux travaux scientifiques relayés en particulier par les réseaux associatifs et les formateurs ont permis de mieux raisonner encore les interventions sur les arbres : gestion des réserves, compartimentation, architecture et développement, ...
Malheureusement, on constate encore nombre de tailles inutiles, inadaptées ou drastiques qui dégradent durablement les arbres. De gros efforts d'information restent donc encore à faire.
À lire…
- Christophe Drénou, « La taille des arbres d'ornement », Institut pour le développement forestier, 1999
- « Travaux d'entretien des arbres », Règles professionnelles UNEP, 2013
- Jeanne Millet, « Le développement de l’arbre, guide de diagnostic », MultiMondes,
parution prévue début 2015
- Jac Boutaud, « La taille de formation des arbres d'ornement », SFA, 2004
[1] Les têtes de chat (ou têtes de saule) sont des excroissances qui se forment sur les branches ou le tronc suite à des coupes répétées de rameaux au même endroit.
[2] Les prolongements sont les bases assez courtes (quelques yeux) des rejets conservés aux extrémités de la charpente, tous les autres rameaux étant supprimés à leur insertion. Ces prolongements évitent la formation de têtes de chat.
[3] La période de montée de sève est comprise entre le gonflement des bourgeons et le déploiement complet des premières feuilles. Elle se situe au début du printemps. La descente de sève correspond à la période pendant laquelle les glucides du feuillage migrent vers les zones de stockage des réserves. Elle correspond aux semaines qui précèdent la chute des feuilles.
[4] Le terme « taille douce » a été utilisé dans les années 1980 pour faire opposition à la taille sévère qui était très fréquente et mutilait les arbres. La taille douce préconisait des réductions de branches sur tire-sève et des éclaircissages préservant la silhouette ces arbres. Ce terme a été abandonné car l’expérience et les études ont montré que bien que moins violente, cette taille pouvait perturber fortement et durablement les arbres.