Les saveurs au potager
Pierre Vaysse , Amélie Devillepoix , Mathilde Causse , Michel Pitrat
Qualité de la fraise, texture et saveur des variétés remontantes
Pierre Vaysse
La sélection de nouvelles variétés de fraises est un enjeu primordial dans la définition d’une stratégie commerciale à long terme. La variété doit correspondre à des exigences agronomiques (résistantes aux ravageurs et maladies, rendement et régularité de production), commerciales (tenue, calibre, coloration) et gustatives satisfaisant le consommateur. Parmi les dernières variétés de fraises remontantes à la fois productives et de bonne qualité gustatives citons : Mara des Bois, Cirafine et Charlotte, qui peuvent être trouvées en jardinerie.
Trois fraises de bon goût
Mara des Bois a été créé en 1992. Cette variété, bien perçue par le consommateur pour sa qualité gustative, est produite dans de nombreuses régions. Son calibre est petit à moyen. D’un rouge brique, elle est sucrée, d’acidité moyenne, elle possède un fort potentiel aromatique, notamment sur la note fraise des bois. En revanche elle est à manipuler avec précautions.
Cirafine plus récente possède Mara des bois comme parent. De couleur rouge sang, très attractive, son calibre est moyen, elle est sucrée, d’acidité plus soutenue que Mara des Bois.
Moins aromatique, elle a en revanche une tenue légèrement supérieure.
Charlotte, la plus récente (créée en 2004), est en fort développement. Elle représente plus de 12 % des surfaces professionnelles en France. C’est la première des variétés remontantes. Elle est présente dans toutes les régions de productions. Cette variété est rouge soutenu, de calibre moyen, très productive, d’avril à novembre. Elle est très sucrée, peu acidulée avec une note fraise des bois marquée et présente une très bonne tenue.
Des nuances au choix
Une analyse sensorielle (Fig. 1) réalisée au Ctifl[1] montre des différences gustatives sur les trois variétés :
Charlotte est la plus parfumée (odeur), le goût global fraise est élevé et voisin sur les trois variétés. La note agrume (citronné) est marquée sur Cirafine, la note fraise des bois est importante pour Mara des Bois et Charlotte. Les trois variétés sont sucrées, Charlotte légèrement plus, est aussi la moins acidulée. Ces variétés ont une texture fondante.
Sur les variétés de fraise remontantes, le consommateur peut donc trouver une diversité de goûts avec des produits très aromatiques, les amateurs de douceur choisiront Charlotte, et les amateurs de fruits plus typés préféreront Cirafine ou Mara des bois.
Des framboises françaises gustatives !
Amélie Devillepoix
De nombreux clones sont aujourd’hui disséminés sur le territoire : bien qu’appartenant tous à la même variété, ils n’ont pas toujours les mêmes caractéristiques.
Les producteurs de Corrèze, qui travaillent majoritairement la variété Tulameen, ont initié un schéma de sélection massale (ou clonale), depuis 5 ans, ce qui leur a permis d’améliorer significativement la qualité des fruits. Tous les ans, ils sélectionnent les meilleurs plants de la variété et s’en servent comme pieds mères de la nouvelle génération de plants. Ces travaux ont permis de sécuriser une partie de la production et de s’assurer que leur matériel végétal réponde aux attentes qualitatives qu’ils se fixent.
Au vu du succès, un autre groupe de producteurs a pris contact avec le pôle d’expérimentation framboise Invenio – ADIDA, afin de reproduire ce schéma sur la variété Meeker.
Une sélection pro facile
La « sélection massale » est très facilement applicable dans votre jardin :
– Observez une large gamme de framboisiers et notez les caractères qui vous intéressent : la quantité de fruits, leur calibre, la période de production… et le goût !
– A la fin de la saison, choisissez le plant qui présente le plus d’intérêt à vos yeux.
– Pendant l’hiver, récupérez les racines. Mettez-les dans du terreau et placez-les dans un endroit légèrement chauffé.
– Récupérez les jeunes pousses et replantez-les !
Certains producteurs de framboises se servent de cette méthode pour assurer l’intégralité de leur approvisionnement en plants. Ils ont donc cherché à sécuriser et homogénéiser les étapes, ce qui a complexifié ce schéma. Pour vous qui avez moins de pression financière, ce ne sera que plus facile !
La tomate : des attentes diverses et des qualités multiples
Mathilde Causse
Grâce à ses formes, ses couleurs et son goût caractéristiques, la tomate est un des légumes les plus populaires dans le monde, apprécié pour sa culture relativement facile, ses rendements importants et ses diverses utilisations, en frais ou transformé. La production et les rendements de la tomate ont augmenté de manière spectaculaire au XX° siècle. Aujourd’hui, on compte plusieurs dizaines de milliers de variétés dans les collections de ressources génétiques mondiales et une très grande diversité de types cultivés. Les ressources apparentées sud-américaines ont été la source de nombreux gènes de résistance aux bio-agresseurs et aujourd’hui chaque variété nouvelle est résistante à plusieurs maladies.
Répondre à la demande commerciale
L’amélioration de la qualité des fruits a toujours été un objectif des sélectionneurs. En réponse à la demande commerciale, l’apparence externe du fruit (forme, calibre et homogénéité de la forme et du calibre) a été améliorée. Ainsi, une gamme de cultivars à fruits ronds réguliers a été obtenue et des hybrides F1 à fruits de taille moyenne ont été créés. La couleur et la forme du fruit ont été des cibles pour la diversification, sachant que ce sont des caractères qui influencent le choix du consommateur. Des variétés aux fruits rose, jaune, orange ou rouge intense sont disponibles.La résistance à l’éclatement des fruits a très vite fait partie des objectifs des sélectionneurs, suivie de la durée de conservation du fruit.
Le nouvel enjeu du goût
Les variétés de longue conservation se sont développées au détriment de la qualité gustative, ce qui a été critiqué par de nombreux consommateurs. La sélection pour la qualité gustative (qui englobe les saveurs, les aromes et la texture) est donc devenue un nouvel enjeu pour la sélection. Cependant, cette sélection est difficile en raison de la multiplicité des critères, de leur déterminisme génétique complexe, souvent antagoniste avec le rendement et du rôle important des conditions de culture. Néanmoins de plus en plus de producteurs de tomate s’engagent pour une production de fruits aux qualités reconnues et diversifiées afin de satisfaire les attentes des consommateurs.
A lire …
La tomate, les défis du goût, par Géraud Chabriat dans Jardins de France, rubrique « à l’affût des connaissances »
Sucres et arômes, critères de qualité du melon
Michel Pitrat
Des melons cultivés en Asie centrale, au Proche-Orient ou en Espagne ont des chairs craquantes et juteuses se rapprochant de la pastèque. D’autres variétés ont au contraire une texture crémeuse comme les fameux melons japonais de type « Earl’s » qui peuvent atteindre des prix qui nous paraissent exorbitants. La texture des charentais est intermédiaire : fine, juteuse et ferme sans être craquante. Au cours des dernières décennies, l’évolution variétale à l’intérieur du type charentais a abouti à une plus grande fermeté et une moindre jutosité, privilégiant une meilleure durée de conservation après récolte.
La teneur en sucres
C’est l’un des éléments auquel le consommateur est le plus sensible et c’est aussi l’un des plus faciles à mesurer. La teneur en sucres solubles, essentiellement du saccharose dans le cas du melon, est quantifiée en °Brix. La majorité des charentais mis en marché a une teneur en sucres solubles comprise entre 12 et 14°Brix. La teneur en sucres est un critère nécessaire, mais non suffisant de qualité : en deçà d’une valeur de 11-12, un melon ne sera pas « bon ». Au-delà, d’autres éléments comme les arômes ont un rôle prépondérant. Même si certains melons peuvent atteindre 17-18, ce n’est pas nécessaire pour avoir un « bon » melon. La mise au point de machines permettant de tester très rapidement sur les chaînes de calibrage la teneur en sucres de chaque fruit individuellement au moyen d’une petite carotte prélevée dans la chair a permis des progrès certains. Par rapport aux années 60-70, la moyenne de la teneur en sucres des charentais n’a pas beaucoup évoluée mais les écarts ont beaucoup diminué sous l’influence de l’évolution variétale et d’une meilleure maîtrise de l’irrigation et de la fertilisation.
Les arômes et la qualité gustative
De nombreux composés aromatiques appartenant à différentes familles chimiques (composés soufrés, aldéhydes…) contribuent par leur équilibre à donner sa typicité au melon charentais. La recherche de l’augmentation de la durée de conservation après récolte a conduit à des types dont l’écorce ne jaunit pas et qui ont indubitablement une moindre richesse aromatique. Cependant, les variétés les plus cultivées aujourd’hui ont un bon équilibre aromatique tout en se conservant mieux que les variétés des années 60-70.
Le melon est un fruit peu acide par rapport à la pêche ou l’abricot. Une variété riche en acide citrique et ayant un goût « citronné » a été mise sur le marché.
Des consommateurs satisfaits
Les enquêtes d’opinion montrent que les consommateurs sont globalement satisfaits de la qualité des melons. C’est le résultat d’une politique menée par l’ensemble de la filière de production. Les fruits proposés aujourd’hui sont plus fermes, moins juteux, plus régulièrement sucrés et ont maintenu un arôme typique tout en se conservant plus longtemps. Les melons sont peu cultivés dans les jardins amateurs mais les graines ou les plants des hybrides F1 récents sont disponibles en jardinerie. Pourquoi ne pas essayer ?