Les revues d’horticulture du XIXe siècle

Daniel Lejeune

Plus d’une quarantaine de revues de cette riche époque, éditées en anglais, en français ou en allemand, s’intéressaient aux nouvelles plantes. Quant aux planches d’illustrations, dont les célèbres chromolithographies, ce sont de véritables oeuvres d’art aujourd’hui très prisées…

Clogyne fimbriata © botanical registrer 1825

Les efforts des botanistes pour mieux décrire les plantes et les classer sont indissociables de la découverte des plantes exotiques. À celles-ci correspondent en effet des familles complètement inconnues voire insoupçonnées, sous nos climats. Les efforts des jardiniers ou des apothicaires pour utiliser les potentialités des nouveaux végétaux et donc les cultiver en Europe, dans les territoires d’escale maritime ou dans les colonies, participent également à ce mouvement. Les enjeux économiques et sociaux sont tels que les gouvernements édictent des instructions à l’intention des capitaines pour qu’ils s’attachent à rapporter de nouvelles plantes à l’occasion de leurs voyages. C’est dans les villes portuaires que s’établissent ainsi nombre de jardins botaniques.
 


Les revues largement diffusées

Le retentissement international des travaux de Linné et de ses disciples en matière de nomenclature et l’avènement rapide des nouvelles méthodes d’illustration hors-texte efficaces et abordables vont permettre l’édition de revues susceptibles d’une large diffusion auprès des amateurs et des professionnels. À la fin du XVIIIe siècle, les pionniers en la matière sont évidemment les Anglais. Le Curtis’ Botanical Magazine commence à paraître en 1790 et donne une description de toutes les nouvelles introductions en Grande-Bretagne. Le Botanical Registrer le concurrencera à partir de 1815 et son équivalent français, L’herbier général de l’amateur, de Mordant de Launay naîtra en 1816.

 

La chromolithographie, une nouvelle technique

La restauration d’un climat de paix en Europe continentale est dorénavant favorable à la naissance d’un mouvement horticole où Français et surtout Belges rivalisent de dynamisme (l’ancêtre de la SNHF a été porté sur les fonts baptismaux en 1827).
De grandes firmes, fondées par degéniaux voyageurs botanistes quelque peu aventuriers, s’appuient sur de remarquables services d’édition et publient à leur tour de somptueux périodiques bénéficiant de la nouvelle technique de chromolithographie issue de la découverte de Sennefeld. Grâce à un vaste atelier de dessin, van Houtte, également explorateur au Brésil, publie ainsi La Flore des Serres et des Jardins de l’Europe (1845-1883), bientôt imitée en 1854 par L’Illustration Horticole de Verschaffelt, un autre grand introducteur. Linden, collecteur d’Orchidées en Amérique du sud, rachètera à la fois le titre et l’entreprise en 1869.

 

En France, La Revue Horticole

C’est sur le collectif des auteurs du Bon Jardinier que fonde en 1829 la Revue Horticole. Elle traversera allègrement un siècle et demi de parution. Ces publications sont célèbres, mais ne représentent que le tout premier cercle d’un ensemble foisonnant qui accompagnera l’expansion de la bulle horticole jusqu’à la catastrophe de 1914-1918. Ce ne sont pas moins d’une quarantaine de bonnes revues qui, en anglais, français ou allemand, et sans préjudice des bulletins d’activité des sociétés nationales ou locales, se répondront, se citeront mutuellement et débattront des nouvelles plantes.

 

Sources d'informations précieuses

Nouvelles espèces, nouvelles sélections, plantes utiles ou inutiles mais instructives, plantes sauvages ou cultivées, nous sommes alors dans la logique d’un savoir encyclopédique et, sur fond colonial, de la course à une première mondialisation économique. À travers ces revues, on peut suivre en temps réel l’introduction de nouvelles plantes dans les jardins botaniques, les collections d’amateur ou les simples jardins privés. La première floraison et surtout la première fructification, porteuse d’espérance de graines sont des moments choyés. Pour les nouveaux arbres, des mensurations périodiques sont données.

Papaver et meconopsis © Belgique Horticole 1854  Vanille obtenue dans les serres © Annales de la Société royale de Gand 1849 Aristolochia duchartrei © Illustration Horticole 1870

 

 

… joliment illustrées

Il devint bientôt impossible de se retrouver dans cette abondance de relations signalétiques. Pensons que fin 1850, le Botanical Magazine avait à lui seul déjà publié 4 553 planches qui deviendront 7 751 à la fin du siècle, que la Revue Horticole, plus modeste, donnera plus de 2 000 gravures colorées au cours de sa vie éditoriale.
Le premier botaniste à avoir fait oeuvre d’inventaire fut un berlinois, George August Pritzel (1815-1874) qui collationna tout ce que les bibliothèques de la ville recelaient en matière d’iconographie végétale1. Selon Naudin (La Revue Horticole, 1854, p 397), le « Pritzel » comportait alors 80 000 plantes et il s’apprêtait à intégrer à son travail 60 000 entrées supplémentaires, puisées selon les indications de botanistes de Paris et de Londres. Beaucoup de descriptions botaniques parues dans ces revues font encore autorité. Quant aux planches d’illustrations en couleurs hors texte, ce sont de véritables oeuvres d’art aujourd’hui fort recherchées en pure ornementation et donc trop souvent séparées de leur source. Les perspectives offertes par les techniques de numérisation sont immenses, tant en terme de sauvegarde patrimoniale qu’en terme de confort pour la consultation et la recherche. La bibliothèque de la SNHF possède l’essentiel de ces superbes revues, offrant à tous, amateurs, botanistes ou historiens, un matériel de premier choix pour leurs recherches.

 

Un moment, les éditeurs belges s’essaieront à la publication en plusieurs langues. Ce fut le cas pour L’Illustration Horticole qui édita en anglais la seule année 1875 et aussi pour La Belgique ,Horticole, de Charles Morren, qui exista un temps en français, espagnol et russe…

 

Principales revues d'horticulture dans l'Europe du XIXe siècle (pdf)