Les plantes parasites d’Afrique

Stéphanie Gibot-leclerc

On rencontre en Afrique des plantes parasites sous différentes formes : certaines sont annuelles (Alectra1, Buchnera, Rhamphicarpa et Striga2), d’autres peuvent vivre plusieurs dizaines d’années comme les Tapinanthus3. Certaines sont des arbres, d’autres des plantes grimpantes (Cassytha4 et Cuscuta5) ou des herbes (Alectra, Buchnera, Rhamphicarpa et Striga).

1 Scrophulariaceae 2 Orobanchaceae 3 Loranthaceae
4
Lauraceae 5 Convolvulaceae

Deux fléaux majeurs pour le riz

Parmi elles, le genre Striga représente un véritable fléau6 pour le sorgho et le mil. Les Tapinanthus, ou « guis africains », sont une calamité pour les peuplements de karité, aux multiples utilisations en Afrique sahélienne.

Si l’on considère la riziculture, les principales plantes parasites sont Striga et Rhamphicarpa. Actuellement, la riziculture s’étend aux milieux marginaux, bas-fonds et zones à hydromorphie permanente ou temporaire. Cette évolution contribue à l’infestation des rizières par les plantes parasites car ces milieux constituent leur habitat naturel. Tout comme le Striga, Rhamphicarpa parasite le riz, le maïs, le sorgho et le mil. Rhamphicarpa, hémiparasite, facultative, observée initialement dans les marais, s’adapte remarquablement bien aux céréales et particulièrement au riz cultivé dans ces zones marginales. Cependant, le riz est devenu l’hôte préféré de Rhamphicarpa qui passe, ainsi, au statut de plante parasite à caractère de fléau agronomique. Jusqu’alors, contrairement aux Striga, peu d’attention lui avait été accordée. En effet, la morphologie de la plante (feuilles filiformes) la fait passer inaperçue avant sa floraison et avant les dommages physiologiques visibles sur les plants de riz. Par ailleurs, les agriculteurs la confondent souvent avec les espèces du genre Striga en la désignant comme le « Striga du riz ».

Rhamphicarpa fistulosa parasitant un plant de riz dans les bas-fonds de la région des Savanes au Togo – © Tossimidé Houngbédji
Striga gesnerioides, une Orobanche. Cette photo a été prise près de Xai-Xai, dans le sud du Mozambique – © Ton Rulkens cc-by-sa-2.0

Des associations de plantes pour limiter la pression parasitaire

Dans la perspective d’utiliser des pratiques plus respectueuses de l’environnement et dans celle du maintien de l’équilibre des agrosystèmes, les associations culturales représentent un enjeu important. Les bénéfices attendus concernent la biodiversité, la compétition et la stabilité des rendements. Ces associations sont potentiellement bénéfiques sur le plan économique si les végétaux associés sont valorisables. Elles permettent également de constituer une barrière de protection génétique et physique contre plusieurs types d’agents pathogènes. Dans la lutte contre les plantes parasites, ces associations culturales visent la culture simultanée d’espèces hôtes sensibles avec des espèces inhibitrices du parasitisme. Ainsi, dans certaines régions tropicales, la protection des céréales (maïs, sorgho, millet) vis-à-vis de Striga hermonthica se fait par une association avec la Fabacée pérenne Desmodium spp., communément utilisée pour la production de fourrages. Cette protection repose sur l’exsudation de principes allélopathiques par les racines de Desmodium, qui induisent la germination suicide des semences de Striga, réduisant ainsi les infestations de la céréale hôte et permettant une augmentation des rendements. Il en serait de même pour le niébé (Vigna inguiculata). Une sélection minutieuse de la composante non hôte de l’association culturale est cependant requise car certaines plantes peuvent agir comme des facilitateurs non hôtes et donc augmenter l’intensité de l’infestation de l’hôte.

Le contrôle biologique des parasites

Le contrôle biologique des plantes parasites implique l’utilisation d’organismes vivants capables de réduire le stock semencier du parasite, ou d’interférer avec la reconnaissance de l’hôte. L’efficacité de l’agent biologique dépend de sa spécificité et de sa capacité à demeurer actif dans une large gamme de conditions écologiques. L’efficacité des insectes phytophages (Smicronyx utilisé contre Striga spp.) pour empêcher la formation des semences est souvent limitée et ne permet pas d’abaisser le stock semencier significativement. Néanmoins, lorsque d’autres technologies réduisent les populations de plantes parasites à de faibles niveaux, ces insectes, qui se nourrissent de graines, contribueront naturellement à réduire la production de semences et à limiter leur dispersion.

Le potentiel des isolats du champignon tellurique Fusarium à produire des métabolites phytotoxiques avec des effets bioherbicides contre les différents stades de développement du genre Striga a également été évalué. Pour autant, la variabilité génétique du Striga étant élevée, elle peut affecter l’efficacité à long terme du bioherbicide par le développement d’individus résistants. Il est également nécessaire d’avoir une meilleure compréhension de la rhizosphère afin d’optimiser la prolifération et la persistance des agents de biocontrôle comme les Fusarium.

La lutte au Togo

En ce qui concerne la gestion de Rhamphicarpa dans les bas-fonds rizicoles du Togo, le sarclage et l’épandage d’engrais de synthèse sont les seuls moyens de lutte utilisés actuellement par les agriculteurs. Souvent, faute de moyens, un seul type d’engrais est utilisé mais toujours à des doses inférieures aux doses nationales recommandées. Quelques paysans épandent de la cendre après le labour mais cela permet surtout de lutter contre les termites. La riziculture de bas-fond dans les savanes est pratiquée sur de petites superficies par les femmes qui ne peuvent pas, selon la tradition, prétendre à en être propriétaires. C’est une riziculture rudimentaire et traditionnelle avec peu d’utilisation d’intrants de synthèse, une mauvaise gestion de l’eau et de la fertilité du sol, ce qui contribue grandement à la pression exercée par les plantes parasites, et particulièrement par Rhamphicarpa. Le sarclage est le moyen de lutte le plus courant. Cependant, le premier sarclage intervenant toujours très tardivement, il facilite le développement du parasite, d’autant que le riz est particulièrement sensible durant sa phase végétative.

L’utilisation d’herbicides totaux avant le labour ou d’herbicides de post-levée a été signalée par quelques producteurs, mais la situation financière des exploitations et le faible niveau de formation des paysans ne permettent pas de généraliser une telle approche.

Sur le mil, le parasitisme de Ramphicarpa peut également engendrer une perte totale de rendement. Au niveau régional, ces pertes ont été estimées à près de 9,5 % de la productivité moyenne et annuelle du riz en Afrique subsaharienne, ce qui représente un réel manque à gagner.

Le contrôle des plantes parasites africaines repose donc, d’une part, sur la prévention de la contamination de nouvelles zones géographiques (via notamment des mesures de quarantaine, la limitation des échanges de semences potentiellement contaminées, le nettoyage des outils de travail du sol et des machines agricoles) et, d’autre part, sur la réduction du stock de semences dans le sol. Si l’infestation massive d’une parcelle provoque d’importantes pertes de rendement, cela peut conduire à l’abandon, pour une longue période, de la culture concernée et des autres cultures impliquées dans la succession culturale et favoriser ainsi le nomadisme.

À LIRE

– Gibot-Leclerc S., Abdennebi-Abdemessed N., Reibel C., Colbach N. 2013. Non-host Facilitators, a New Category That Unexpectedly Favours Parasitic Weeds. Agron. Sustain. Dev. 33: 787-793.doi:10.1007/s13593-013-0153-x

– Houngbédji T., Dessaint F., Nicolardot B., Shykoff J.A., Gibot-Leclerc S. 2016. Weed Community of Rain-Fed Lowland Rice Vary with Infestation by Rhamphicarpa fistulosa. Acta Oecologica-International Journal of Ecology. 77: 85-90. doi: 10.1016/j.actao.2016.09.004.

– Pickett J.A., Hamilton M.L., Hooper A.M., Khan Z.R., Midega C.A.O. 2010. Companion Cropping to Manage Parasitic Plants. Annu. Rev. Phytopathol. 48:161-177. doi: 10.1146/annurev-phyto-073009-114433.