Les plantes grimpantes dans l’espace public urbain L’expérience de la ville de Tours
Christine Chasseguet
À Tours, c’est dans le cadre du groupe de travail « plan d’embellissement », instance réunissant élus, paysagistes, services Voirie et Parcs et Jardins, qu’est décidée la mise en valeur d’une rue ou d’un carrefour avec des structures habillées de plantes grimpantes.
Les plantes grimpantes permettent de valoriser au mieux des espaces de nature très variée. Ainsi, le manque de place dans les rues étroites amène à privilégier la plantation de végétaux grimpants, ce qui permet l’introduction de nouvelles formes végétales qui prennent le relai quand il est impossible de planter des arbres.
Le long de façades aveugles ou pour cacher un mur ingrat, elles trouvent toute leur place.
Dans les jardins contemporains, ces plantes sont utilisées comme de petits arbres afin d’apporter une touche de couleur à l’échelle du promeneur. Elles revêtent également des pergolas dans des jardins historiques ou les squares de quartier.
La préparation du sol est simple car le volume de terre nécessaire n’est pas très important et une petite fosse de plantation de 30 cm de côté sur 40 cm de profondeur suffit. L’apport de matière organique est recommandé. Des grilles sur cadre peuvent valablement habiller les petites fosses et éviter le tassement.
Des supports variés et contemporains
Les supports verticaux sont des mâts de fleurissement. À Tours, le modèle « Babylone », fabriqué par Aréa, a été largement utilisé du fait de sa simplicité : six câbles inox entourent un axe central. Le support « disparaît » assez vite lorsque la plante se développe bien. Les mâts peuvent être reliés entre eux par des supports longitudinaux ou complétés par un cercle au sommet pour permettre un meilleur étalement de la plante en partie haute.
Les arceaux et pergolas trouvent également leur place dans l’espace urbain, entrée de quartier ou de square. Des structures en acier galvanisé thermo-laqué de type « Légiflor » sont utilisés lorsque le recours à des ferronneries traditionnelles ne peut être envisagé faute de moyens financiers adaptés…
Sur les murs, lorsque les plantes ne peuvent grimper par elle-même, un système de câbles, galvanisés ou en inox (2,5 mm de diamètre) avec des tendeurs et des serre-câble est fixé sur des pitons en anneaux scellés dans le mur. Les câbles peuvent être horizontaux ou verticaux, ou bien encore obliques. Des entretoises doivent être prévues pour permettre aux tiges de passer derrière les câbles.
Il existe sur le marché des panneaux à végétaliser, sous forme de treillis galvanisés et thermo laqués mais ils n’ont pas été testés à Tours.
Les plantes grimpantes utilisées à Tours
Les glycines, Wisteria sinensis en particulier, sont abondamment plantées et forment rapidement de petits arbres. La taille n’est effectuée que si l’encombrement le nécessite. La floraison est spectaculaire en mai.
Parmi les rosiers, le précoce Rosa ‘Banksiae’ éclate tout début mai en une profusion de fleurs jaune soufré. Son seul défaut est de ne pas être ‘remontant’ mais sa vigueur et sa bonne résistance aux maladies compensent cet inconvénient. Parmi les remontants, Rosa ‘Pink Cloud’ présente une très bonne floribondité avec des bouquets de fleurs rose vif et un feuillage brillant. Rosa « Mme Alfred Carrière » est remarquable par la taille de ses fleurs blanches et son adaptation à une exposition « nord ». Rosa ‘Mermaid’ est très résistant et offre des fleurs simples jaune clair deux fois dans la saison. Rosa iceberg ‘Fée des neiges’, également résistant aux maladies est particulièrement vigoureux.
Les bignones (Campsis grandiflora) sont très vigoureuses et se déclinent en couleurs variées : jaune, orange clair jusqu’au ton « brique ». Taillées, elles peuvent être palissées.
La vigne de Coignet (Vitis coignetiae) s’étend rapidement et est particulièrement mise en valeur sur des câbles le long des façades. Les chatoyantes couleurs d’automne de ses feuilles cordées atteignant trente centimètres renforcent son attrait.
Les chèvrefeuilles offrent de nombreuses possibilités. Au cimetière paysager de Tours sud, sur des supports contemporains Lonicera X telmanniana offre une palette orangée très originale. Lonicera japonica a été utilisé pour habiller les grillages d’un espace multisport.
Les hortensias grimpants (Hydrangea petiolaris ou Schizophragma hydrangeoides) sont idéaux pour des murs exposés au nord. Ils accompagnent souvent des hortensias arbustifs.
Parmi les plantes à feuillage persistant, Clematis armandii offre un joli feuillage vert foncé et une précoce floraison blanche en mars-avril mais réclame une exposition protégée. Trachelospermum jasminoïdes peut devenir envahissant mais présente une abondante floraison blanche étoilée parfumée une partie de l’été.
Sur un même mât peuvent être associées des plantes ligneuses différentes (ex. : un jasmin étoilé et un rosier) afin d’étaler les floraisons.
Les premières années suivant la plantation, des plantes grimpantes exotiques cultivées comme « annuelles » dans les serres de la ville, sont parfois plantées pour apporter une floribondité en complément des jeunes plantations de plantes grimpantes ligneuses. Sont ainsi choisis, des cobées (Cobaea splendes – Polemoniaceae), des haricots (Phaseolus – Leguminosae), des « plumes d’indien » (Mina lobata) ou des volubilis (Ipomoea purpurea) – famille des convolvulacées – ou bien encore des ‘sourires de Zanzibar’ jaune ou orange à cœur noir (Thunbergia alata – Acanthaceae). Des supports en bambou sont utilisés dans les jardins, au sein des massifs de plantes estivale.
Des expériences à venir
A l’heure où urbanistes et architectes s’accordent à considérer le végétal comme contribuant à l’amélioration du climat urbain en créant des îlots de fraîcheur, le champ des possibilités est ouvert pour développer l’usage des plantes grimpantes sur les façades ou les clôtures. La rapidité d’installation, le faible encombrement au sol, la sobriété et la robustesse sont des atouts pour une végétalisation efficace et esthétique. Une réflexion est donc lancée en ce sens pour la ville.
C’est Charles Darwin qui a, le premier, étudié le « comportement » des plantes grimpantes. Et c’est bien pour bénéficier de la lumière, sans dépenser autant d’énergie qu’un arbre qui doit « construire » son tronc, que les plantes grimpantes ont « inventé » des adaptations pour s’accrocher aux autres végétaux ou supports variés dans la nature. C’est dans les forêts tropicales ou équatoriales que ces types de végétaux sont les plus abondants. Pour grimper, on distingue cinq types de « méthodes » (1). Les plantes sarmenteuses (jasmins, rosiers grimpants, etc.) forment des tiges longues et souples qui ont besoin d’un support pour tenir à la verticale. Elles ont besoin d’être attachées, ce qui est un avantage lorsque l’on veut les enlever. Les plantes volubiles (glycine, volubilis, chèvrefeuille, etc.) s’enroulent sans fin sur un support vertical. C’est la croissance inégale et alternée des deux côtés de la tige qui permet ce mouvement enveloppant(2). Certaines plantes sont dextrogyres (tournant vers la droite) et d’autres lévogyres (vers la gauche). On distingue ainsi les glycines chinoises (dextrogyres) et japonaises (lévogyres)(3). Ces plantes peuvent devenir inextricables et peser sur le support. La taille en est difficile. Les plantes à vrilles ont l’extrémité des tiges ou des feuilles transformées en vrille sensible qui peut être munie d’une « ventouse » (cas de la vigne vierge). Les plantes à racines aériennes s’accrochent grâce à des crampons qui profitent des rugosités des supports (lierre, hortensias grimpants, bignones). Quant aux plantes à épines et crochets, elles s’accrochent sur leur support grâce à des excroissances aigües et solides situées sur les tiges ou le dessous des feuilles. Les types biologiques de la classification de Raunkiaer expriment une adaptation au milieu, qui peut varier avec le climat. Dans ce cadre, les plantes grimpantes ligneuses pouvant passer l’hiver dans nos régions sont classées parmi les phanérophytes-lianes. Les plantes grimpantes multipliées sous serre tempérée dans notre région peuvent être des cryptophytes (avec des bulbes ou rhizomes), des thérophytes-lianes (passant la mauvaise saison sous forme de graines) ou des hémicryptophytes-lianes. La forme « grimpante » est donc totalement indépendante du type biologique. Parmi les phanérophytes-lianes, les familles principales sont les rosacées, les caprifoliacées (chèvrefeuilles), les renonculacées (clématites) ou bien encore les légumineuses (Glycine). Pour les thérophytes-lianes, passant la mauvaise saison sous forme de graines (qui peut être la saison sèche en climat tropical), les convolvulacées (Ipomée,..) sont très bien représentées. (1) Voir aussi l’article d’Alain Cadic dans ce dossier Christine ChasseguetGrimper ou mourir
Un peu de botanique
(2) Voir aussi l’article de Noëlle Dorion dans ce dossier
(3) Voir aussi l’article de Michel Grésille sur les glycines dans ce dossier
A lire …
Lamontagne M., 1990, les plantes grimpantes, Larousse
Frasquet, S., 2011, Groupe « Le Moniteur », 2011, n°5624, Végétalisation des murs et autres structures verticales
Eve A., Catalogue des roses anciennes et autres végétaux
Emberger L. et Sauvage Ch., 19-9, Vademecum pour le relevé de la végétation, CNRS, CEPE.