Les plantes de Noël au sud de l’équateur
Larry Hodgson
Ah, Noël ! Ses guirlandes, son sapin, le froid et la neige… Froid ? Neige ? Sous la ligne de l’équateur, c’est pourtant l’été au moment des fêtes de fin d’année ! Alors, chante-t-on « Mon beau sapin » dans l’hémisphère sud ?
Les jardiniers de l’hémisphère nord connaissent plusieurs plantes de Noël, dont les traditionnels houx (Ilex spp.), gui (Viscum album), sapin de Noël (Abies spp. et Picea spp.) et les plus modernes poinsettias (Euphorbia pulcherrima), cactus de Noël (Schlumbergera x buckleyi), kalanchoé de Noël (Kalanchoe blossfeldiana) et amaryllis (Hippeastrum spp.). Mais qu’en est-il des habitants de l’autre côté de l’équateur, où Noël a lieu en plein été ? Comme les saisons sont inversées, les floraisons le sont aussi, et la plupart des plantes que nous connaissons à Noël ne seront pas en fleurs. Mais il ne faut pas plaindre des gens du Sud car il y a des plantes de Noël presque partout dans le monde. Jetons un œil à leurs pratiques.
Une autre vision du sapin
La tradition du sapin de Noël est désormais largement implantée dans l’hémisphère sud, mais les sapins et autres épicéas, habitués aux froids climats nordiques, n’y sont pas disponibles. Des conifères plus thermorésistants les remplacent. Comme arbre de Noël coupé, par exemple, la préférence va au pin de Monterey (Pinus radiata). Originaire de Californie, mais largement utilisé pour le reboisement dans plusieurs pays de l’hémisphère sud, ce conifère est donc facilement accessible. Les sapins artificiels de toute sorte lui font cependant concurrence.
Le pin de Norfolk (Araucaria heterophylla), originalement de l’île australienne de Norfolk, et son sosie, le pin de Cook (A. columnaris), de Nouvelle-Calédonie, sont aussi très prisés, mais plutôt comme sapins vivants. Si, dans l’hémisphère nord, ce sont des plantes d’intérieur qui dépassent rarement 1,5 mètre de hauteur, sous les climats doux, ils peuvent atteindre jusqu’à 65 mètres ! On utilise aussi d’autres conifères disponibles localement, comme le cyprès de Monterey doré (Cupressus macrocarpa ’Goldcrest’), populaire dans plusieurs pays, ou, en Nouvelle-Calédonie, les kauris (Agathis spp.).
N’importe quel arbre peut devenir un « sapin de Noël » dans les tropiques, notamment si on l’illumine. Ainsi, on peut voir des ficus, des bananiers et même des palmiers décorés de guirlandes ou éclairés de projecteurs aux couleurs de Noël. Il existe d’ailleurs un véritable « palmier de Noël » (Adonidia merrillii, syn. Veitchia merrillii), qui ressemble à un palmier royal nain… et se décore de fruits rouges à Noël. Originaire des Philippines et de Malaisie, il est maintenant cultivé partout dans les tropiques.
Noël sens dessus dessous
C’est en Amérique du Sud que les effets de l’inversion des saisons sont les plus évidents. Ainsi, notre poinsettia s’y appelle « flor de Pascua » (fleur de Pâques), alors que notre cactus de Noël (Schlumbergera) devient « flor de maio » (fleur de mai) dans son pays d’origine, le Brésil. En contrepartie, le « cactus de Pâques » (Hatiora gaertneri, anc. Rhipsalidopsis gaertneri) de l’hémisphère nord devient le « cactus de Navidad » (cactus de Noël) en Amérique du Sud !
Les Sud-Américains ont tendance à utiliser pour les fêtes de fin d’année des végétaux indigènes qui fleurissent ou qui fructifient à la fin de décembre sous leur climat. Des branches de faux-poivrier (Schinus terebinthifolius), connu dans le Nord pour le poivre rose qu’il produit, sont par exemple utilisées afin de décorer les églises et les maisons au moment des Fêtes, car elles sont remplies de petites baies rouges à cette saison.
Dans ces pays, c’est la couleur blanche qui est la plus associée avec Noël, c’est pourquoi ce sont les fleurs blanches qui ont la cote. Une orchidée, Angraecum sesquipedale, bien qu’originaire de Madagascar, s’avère une plante de Noël populaire. On l’appelle « orquídea de navidad » ou « estrella de Belén » (étoile de Bethléem) pour ses grosses fleurs étoilées qui s’épanouissent à Noël. D’autres plantes à fleurs blanches qui fleurissent à cette saison portent aussi le nom estrella de Bélen, par exemple l’ornithogale à ombelles (Ornithogalum umbellatum), le lis araignée (Hymenocallis spp.) et le lastron blanc (Laurentia longiflora).
Au Paraguay, on décore la maison et les crèches de « flores de coco », soit les longues inflorescences parfumées d’un palmier, le coyol (Acrocomia aculeata). Il s’agit d’une tradition préchrétienne héritée du peuple Guarani.
En Afrique
On trouve davantage établies dans le sud de l’Afrique que dans le centre les traditions de plantes de Noël, apportées dans cette région par les Européens qui y sont installés (notamment les Néerlandais et les Britanniques). Là encore, les saisons étant inversées, leurs choix de plantes de Noël sont fort différents. L’hortensia (Hydrangea macrophylla), bien connu dans l’hémisphère nord pour sa floraison estivale, s’y appelle « Christmas flower » (fleur de Noël) et constitue probablement la plante de Noël la plus populaire ! On y rencontrera également des potées de poinsettias, les pépiniéristes locaux ayant réussi à les faire fleurir pour Noël en couvrant les serres de production de toiles noires à partir de 16 heures afin d’assurer les jours courts nécessaires au lancement de leur floraison.
Différentes plantes indigènes servent aussi de fleurs de Noël, notamment le « Christmas bush » (Pavetta spp.), les « Christmas bells » (Sandersonia aurantiaca) et le « Christmas berry » (Chironia baccifera). Les Africains fêtent aussi Noël avec beaucoup de plantes qui sont, pour nous, des fleurs estivales, comme les marguerites, les rosiers et les zinnias.
Du côté de l’Océanie…
En plus du très populaire pin de Norfolk, les Australiens ont leur propre « Christmas tree » : Nuytsia floribunda, que l’on cultive pour ses fleurs, pas pour son feuillage. Curieusement, il s’agit là d’un arbre parasite. Il produit des épis mousseux de fleurs jaune orange au moment des Fêtes. Chaque État australien semble avoir son propre « Christmas bush » (arbuste de Noël) qui produit des masses de fleurs ou de fruits colorés à la bonne saison, dont Correa spp., Chromolaena odorata, Ceratopetalum gummiferum et Prosanthera laisanthos. Plusieurs bulbes qui fleurissent à Noël sont populaires, notamment divers Blandfordia, qui portent le nom de « Christmas bells ». Enfin, l’Australie possède sa propre orchidée de Noël : Calanthe triplicata,une espèce indigène.
Metrosideros excelsa, un arbre au port arrondi qui se couvre de fleurs plumeuses rouges en décembre, est l’arbre de Noël des Néo-Zélandais. On l’appelle « New Zealand Christmas Tree » ou pōhutukawa. Et l’alstroemère perroquet (Alstroemeria psittacina), un bulbe introduit qui produit des fleurs tubulaires rouge et vert, se vend sous le nom de « New Zealand Christmas Bells » (cloches de Noël néozélandaises).
L’arbre de Noël le plus emblématique de la Polynésie est sans doute le flamboyant (Delonix regia), appelé « Christmas tree » à Fidji, avec ses fleurs rouges saisissantes sur un feuillage plumeux. Originaire de Madagascar, mais abondamment planté dans les îles, il est plutôt un annonciateur, car il fleurit juste avant la saison de Noël.
Les boules de Noël, quant à elles, n’apparaissent pas dans les sapins en Nouvelle-Calédonie mais au sol, sous la forme d’une plante à bulbe d’origine africaine aux ombelles rouges, Scadoxus multiflorus, qui porte le nom de « boules de Noël ».
Où que vous voyagiez à travers le monde, même dans l’hémisphère sud, il y a toujours des fleurs associées à Noël. Si vous vous déplacez pour les fêtes cette année, ne manquez pas de visiter quelques jardins locaux afin de découvrir ces merveilles.