Les petits mammifères : Amis ou ennemis de nos jardins ?

Comment mieux prendre en compte les petits mammifères du jardin ? Dans cet espace, les interactions entre plantes et êtres vivants forment un écosystème en équilibre dynamique. Le jardinier doit s’efforcer de comprendre et de connaître cette biodiversité pour mieux la préserver.

Amies du jardinier
Amies du jardinier, les chauves-souris chassent pour lui les moustiques, papillons de nuit et autres insectes volants © AdobeStock_Jiri Prochazka. Le hérisson se nourrit principalement de limaces et d’escargots © AdobeStock_ Maren Winte
Les musaraignes se distinguent comme des insatiables insectivores © AdobeStock_phototrip.cz. La taupe peut être bénéfique pour son rôle d’aération du sol © AdobeStock_kaliantye

Les petits mammifères qui s’aventurent dans nos jardins peuvent susciter différentes émotions chez les jardiniers. Certains les considèrent comme de précieux alliés, tandis que d’autres les voient comme de redoutables ennemis abîmant, voire détruisant les si précieuses cultures qu’ils ont mis tant de temps à obtenir. Comme souvent au jardin, tout est une affaire d’équilibre.

Ces espèces qui peuplent nos jardins

Parmi les alliés du jardin, le hérisson se distingue en tant que régulateur essentiel, se nourrissant principalement de limaces et d’escargots. Durant l’hiver, il hiberne dans un nid rempli de feuilles, de mousses ou de brindilles, sous un tas de bois ou dans une haie. Il est donc important de favoriser ces aménagements au jardin. Du printemps à l’automne, il sort chasser plutôt en début et en fin de nuit. Il se déplace sur un grand territoire de plus d’un hectare, c’est l’espace dont il a besoin pour se nourrir et trouver un partenaire.

Pour lui permettre de se déplacer de jardin en jardin, des trous dans le grillage pourront être aménagés en veillant à ce qu’ils ne donnent pas sur la route et en rentrant les pics à l’intérieur.

Les taupes, bien que créant des monticules de terre gênants pour le jardinier, jouent un rôle bénéfique en consommant les larves du sol, diminuant ainsi les attaques des racines des plantes. Cet animal fouisseur aère le sol, et les remontées de terre fine au niveau des taupinières peuvent être utilisées au jardin.

Le lérot est un rongeur omnivore à tendance carnivore. Au jardin, son régime alimentaire se compose d’insectes, d’autres petits rongeurs et de mollusques, faisant de lui un allié efficace dans la lutte contre les limaces, les escargots et les larves du sol. Cependant, comme tous les rongeurs, le lérot présente une préférence marquée pour les graines et les fruits. Il peut occasionnellement se nourrir des fruits directement dans les arbres, mais aussi grignoter ceux qui sont en réserve. Il lui arrive aussi de manger des œufs d’oiseaux, tels ceux des mésanges. Il est important de noter que les lérots, bien que territoriaux, ne connaissent que rarement une pullulation massive. Pour vivre en bonne intelligence avec eux, il est recommandé de boucher les trous par lesquels ils pourraient entrer dans votre cave ou votre grenier. De plus, la protection des récoltes de fruits peut être assurée par l’utilisation de grillages spécifiques.

Les chauves-souris sont des petits mammifères volants parfaitement inoffensifs pour l’homme. Souffrant parfois d’une image négative et associées au mythe des vampires, elles rendent pourtant de nombreux services au jardinier. Les chauves-souris sont des animaux nocturnes qui capturent leurs proies dès le crépuscule : moustiques, papillons de nuit et autres insectes volants font partie de leur menu. Pour les favoriser au jardin, il est primordial de réduire au maximum les éclairages nocturnes. Les musaraignes, parfois rangées à tort parmi les ravageurs des cultures, s’avèrent d’insatiables insectivores. Leur régime alimentaire est très varié. Par jour, elles ingèrent leur poids en larves d’insectes, chenilles, pucerons, vers, araignées, perce-oreilles, cloportes, ou bien encore escargots. Les musaraignes chassent à des endroits qui ne sont accessibles ni aux autres mammifères insectivores ni aux oiseaux. Au jardin, les musaraignes représentent donc un véritable atout pour le jardinier. En plus de leur rôle de régulateur des populations de ravageurs, elles peuvent avoir un rôle d’aération du sol.

Cependant, certains autres petits mammifères peuvent causer des dommages, notamment les campagnols, lapins et rats, qui risquent d’endommager les cultures. C’est pourquoi il est impératif de favoriser une coexistence harmonieuse en encourageant les prédateurs naturels et en mettant en place des solutions comme des grillages protecteurs autour des cultures. On peut aussi avoir recours à un professionnel en cas de population très invasive.

Plus les haies sont diversifiées, plus elles vont abriter de petits mammifères bien utiles
Plus les haies sont diversifiées, plus elles vont abriter de petits mammifères bien utiles © AdobeStock_hcast

Accueillir et observer cette biodiversité

Les petits mammifères font partie intégrante du jardin, ils participent à sa vie et à son équilibre. Pour créer un environnement propice à leur installation, les jardiniers peuvent adopter plusieurs pratiques. La première consiste à aménager des zones de refuges, en disposant des tas de feuilles, de bois ou de pierres. L’installation de haies diversifiées, composées d’espèces locales, constitue un habitat attractif, fournissant une source naturelle de nourriture. Ces abris offrent des lieux sûrs pour la nidification et l’hibernation, contribuant ainsi à la protection des petits mammifères tout au long de l’année.

De même, laisser des herbes hautes sous les haies, ainsi que des zones non tondues au jardin, sera bénéfique pour la biodiversité. La mise en place de points d’eau constitue également un élément crucial. Les abreuvoirs peu profonds offrent à ces animaux une source d’hydratation, bien utile lors des périodes de sécheresse. Car les petits mammifères sont eux aussi confrontés aux impacts du changement climatique. Ces variations influent sur plusieurs aspects biologiques et écologiques. L’augmentation des températures en particulier a des répercussions significatives sur les cycles reproducteurs, les périodes d’hibernation et les comportements migratoires de certaines espèces de petits mammifères.

De toute évidence, les fluctuations de température entraînent des changements dans la disponibilité des ressources alimentaires. Ces modifications peuvent également perturber les rythmes saisonniers de reproduction, influençant la synchronisation entre la naissance des jeunes et leur accès à la nourriture. Les événements météorologiques extrêmes, intensifiés par le réchauffement climatique, représentent toujours un défi pour les animaux de nos jardins. Des tempêtes toujours plus fréquentes et des précipitations abondantes affectent la stabilité des terriers et des abris naturels. Le jardinier doit être vigilant pour préserver la qualité de ces refuges.

En intégrant des projets de sciences participatives dédiés à la faune locale, les jardiniers peuvent partager leurs observations, qu’il s’agisse des comportements, des habitudes alimentaires ou des périodes d’activité des petits mammifères. Ces données, recueillies à grande échelle, deviennent une ressource précieuse pour les scientifiques et les chercheurs. Par exemple, des programmes tels que « Vigie-Nature » encouragent les participants à signaler leurs observations concernant les chauves-souris avec le projet « Vigie-chiro ». Et de son côté, France nature environnement (FNE) a lancé « l’opération hérissons » pour recenser les populations de cet animal en Europe.

Ainsi, les petits mammifères au jardin, loin d’être des adversaires redoutables, peuvent devenir des acteurs essentiels de l’écosystème, contribuant au bien-être global du jardin et à la préservation de sa biodiversité. En adoptant une approche équilibrée et respectueuse de l’environnement, les jardiniers peuvent cohabiter avec ces animaux de manière harmonieuse. C’est en comprenant et en appréciant le rôle de chaque animal qu’ils pourront créer des espaces florissants, bénéfiques à la fois à la faune et à la flore.

Élégants ou inquiétants, les « gros » mammifères ?

 

Gros, tout est relatif, mais du ragondin au sanglier en passant par le chevreuil, certains animaux peuvent mettre en alerte. D’autant que sans prédateurs ou presque, car de moins en moins chassés et moins peureux, ils s’aventurent dans nos jardins remplis de friandises. Certains présentent aussi des risques pour les humains.

 

Importé d’Amérique du Sud pour sa fourrure, le ragondin (Myocastor coypus) n’a pas de prédateur en Europe. Il a désormais gagné toutes les zones humides et les rivières de l’ouest et de l’est de la France. Il remonte les cours d’eau et, via les fossés, gagne les jardins. Peu sauvage mais craintif, il n’attaque pas les humains sauf s’il se sent en danger : ses incisives orange sont redoutables. Il peut occasionner des dégâts conséquents. Il est classé comme nuisible. Son poids pouvant atteindre 10 kilogrammes, ses terriers de plusieurs mètres au niveau d’une berge entraînent souvent un effondrement du sol. Sa consommation est majoritairement végétale et ses goûts sont précis : il raffole des rhizomes d’espèces aquatiques (nénuphar, lotus). S’aventurant au sec, il broute les tulipes, mais délaisse toutes les formes d’iris. Il extrait du sol des racines charnues (carotte). Seul le piégeage est efficace pour s’en débarrasser. Les chevreuils (Capreolus capreolus) se multiplient dans toute la France. Ils s’approchent des zones habitées, trouvant dans les jardins leurs végétaux préférés. En fin d’hiver, ils satisfont leur besoin en cellulose gorgée de sève en écorçant les jeunes arbres feuillus (fruitiers, chênes, charmes, hêtres…) et résineux (pins, cèdres, cyprès…), ainsi dévitalisés.


Au printemps, ils se délectent
des jeunes pousses herbacées, avec une prédilection pour les rosiers, qu’ils rognent avec assiduité, mais aussi les fleurs ou les légumes (poivrons, melons). La clôture électrifiée est le seul moyen de les maintenir hors du jardin. Cet animal gracieux et matinal présente toutefois deux dangers : en période de rut (mi-juillet à mi-août), le brocard peut charger et ses bois courts mais acérés peuvent blesser.

 

L’efficacité de la clôture électrique tient à la hauteur du fil inférieur qui doit être à 15 centimètres du sol : plus bas, il piégerait les hérissons, plus haut, il n’empêcherait ni faons ni chevrillards de se glisser dessous © D. Veschambre

 

Les adultes hébergent fréquemment des tiques qui peuvent facilement infester les humains et les chiens à partir des branches basses des arbres sous lesquels séjournent les chevreuils. Les tiques peuvent transmettre la maladie de Lyme. Les sangliers peuvent s’inviter au jardin, sur les sols humides garnis de vers de terre, qui constituent leur mets de prédilection.

 

 

 

Voici le triste résultat d’une fouille nocturne de sanglier, avec la rupture d’une conduite d’irrigation © D. Veschambre

 

En fin de nuit et en toute saison, une famille peut fouiller profondément plates-bandes ou pelouses. Rarement visibles, les sangliers ne sont pas craintifs et une laie peut charger si elle croit ses marcassins en danger. Seule une solide clôture grillagée ou électrique est efficace pour les éloigner.

Daniel Veschambre

Inès Turki
Chef de projet Jardiner Autrement