Les petits mammifères : Amis ou ennemis de nos jardins ?
Comment mieux prendre en compte les petits mammifères du jardin ? Dans cet espace, les interactions entre plantes et êtres vivants forment un écosystème en équilibre dynamique. Le jardinier doit s’efforcer de comprendre et de connaître cette biodiversité pour mieux la préserver.
Les petits mammifères qui s’aventurent dans nos jardins peuvent susciter différentes émotions chez les jardiniers. Certains les considèrent comme de précieux alliés, tandis que d’autres les voient comme de redoutables ennemis abîmant, voire détruisant les si précieuses cultures qu’ils ont mis tant de temps à obtenir. Comme souvent au jardin, tout est une affaire d’équilibre.
Ces espèces qui peuplent nos jardins
Parmi les alliés du jardin, le hérisson se distingue en tant que régulateur essentiel, se nourrissant principalement de limaces et d’escargots. Durant l’hiver, il hiberne dans un nid rempli de feuilles, de mousses ou de brindilles, sous un tas de bois ou dans une haie. Il est donc important de favoriser ces aménagements au jardin. Du printemps à l’automne, il sort chasser plutôt en début et en fin de nuit. Il se déplace sur un grand territoire de plus d’un hectare, c’est l’espace dont il a besoin pour se nourrir et trouver un partenaire.
Pour lui permettre de se déplacer de jardin en jardin, des trous dans le grillage pourront être aménagés en veillant à ce qu’ils ne donnent pas sur la route et en rentrant les pics à l’intérieur.
Les taupes, bien que créant des monticules de terre gênants pour le jardinier, jouent un rôle bénéfique en consommant les larves du sol, diminuant ainsi les attaques des racines des plantes. Cet animal fouisseur aère le sol, et les remontées de terre fine au niveau des taupinières peuvent être utilisées au jardin.
Le lérot est un rongeur omnivore à tendance carnivore. Au jardin, son régime alimentaire se compose d’insectes, d’autres petits rongeurs et de mollusques, faisant de lui un allié efficace dans la lutte contre les limaces, les escargots et les larves du sol. Cependant, comme tous les rongeurs, le lérot présente une préférence marquée pour les graines et les fruits. Il peut occasionnellement se nourrir des fruits directement dans les arbres, mais aussi grignoter ceux qui sont en réserve. Il lui arrive aussi de manger des œufs d’oiseaux, tels ceux des mésanges. Il est important de noter que les lérots, bien que territoriaux, ne connaissent que rarement une pullulation massive. Pour vivre en bonne intelligence avec eux, il est recommandé de boucher les trous par lesquels ils pourraient entrer dans votre cave ou votre grenier. De plus, la protection des récoltes de fruits peut être assurée par l’utilisation de grillages spécifiques.
Les chauves-souris sont des petits mammifères volants parfaitement inoffensifs pour l’homme. Souffrant parfois d’une image négative et associées au mythe des vampires, elles rendent pourtant de nombreux services au jardinier. Les chauves-souris sont des animaux nocturnes qui capturent leurs proies dès le crépuscule : moustiques, papillons de nuit et autres insectes volants font partie de leur menu. Pour les favoriser au jardin, il est primordial de réduire au maximum les éclairages nocturnes. Les musaraignes, parfois rangées à tort parmi les ravageurs des cultures, s’avèrent d’insatiables insectivores. Leur régime alimentaire est très varié. Par jour, elles ingèrent leur poids en larves d’insectes, chenilles, pucerons, vers, araignées, perce-oreilles, cloportes, ou bien encore escargots. Les musaraignes chassent à des endroits qui ne sont accessibles ni aux autres mammifères insectivores ni aux oiseaux. Au jardin, les musaraignes représentent donc un véritable atout pour le jardinier. En plus de leur rôle de régulateur des populations de ravageurs, elles peuvent avoir un rôle d’aération du sol.
Cependant, certains autres petits mammifères peuvent causer des dommages, notamment les campagnols, lapins et rats, qui risquent d’endommager les cultures. C’est pourquoi il est impératif de favoriser une coexistence harmonieuse en encourageant les prédateurs naturels et en mettant en place des solutions comme des grillages protecteurs autour des cultures. On peut aussi avoir recours à un professionnel en cas de population très invasive.
Accueillir et observer cette biodiversité
Les petits mammifères font partie intégrante du jardin, ils participent à sa vie et à son équilibre. Pour créer un environnement propice à leur installation, les jardiniers peuvent adopter plusieurs pratiques. La première consiste à aménager des zones de refuges, en disposant des tas de feuilles, de bois ou de pierres. L’installation de haies diversifiées, composées d’espèces locales, constitue un habitat attractif, fournissant une source naturelle de nourriture. Ces abris offrent des lieux sûrs pour la nidification et l’hibernation, contribuant ainsi à la protection des petits mammifères tout au long de l’année.
De même, laisser des herbes hautes sous les haies, ainsi que des zones non tondues au jardin, sera bénéfique pour la biodiversité. La mise en place de points d’eau constitue également un élément crucial. Les abreuvoirs peu profonds offrent à ces animaux une source d’hydratation, bien utile lors des périodes de sécheresse. Car les petits mammifères sont eux aussi confrontés aux impacts du changement climatique. Ces variations influent sur plusieurs aspects biologiques et écologiques. L’augmentation des températures en particulier a des répercussions significatives sur les cycles reproducteurs, les périodes d’hibernation et les comportements migratoires de certaines espèces de petits mammifères.
De toute évidence, les fluctuations de température entraînent des changements dans la disponibilité des ressources alimentaires. Ces modifications peuvent également perturber les rythmes saisonniers de reproduction, influençant la synchronisation entre la naissance des jeunes et leur accès à la nourriture. Les événements météorologiques extrêmes, intensifiés par le réchauffement climatique, représentent toujours un défi pour les animaux de nos jardins. Des tempêtes toujours plus fréquentes et des précipitations abondantes affectent la stabilité des terriers et des abris naturels. Le jardinier doit être vigilant pour préserver la qualité de ces refuges.
En intégrant des projets de sciences participatives dédiés à la faune locale, les jardiniers peuvent partager leurs observations, qu’il s’agisse des comportements, des habitudes alimentaires ou des périodes d’activité des petits mammifères. Ces données, recueillies à grande échelle, deviennent une ressource précieuse pour les scientifiques et les chercheurs. Par exemple, des programmes tels que « Vigie-Nature » encouragent les participants à signaler leurs observations concernant les chauves-souris avec le projet « Vigie-chiro ». Et de son côté, France nature environnement (FNE) a lancé « l’opération hérissons » pour recenser les populations de cet animal en Europe.
Ainsi, les petits mammifères au jardin, loin d’être des adversaires redoutables, peuvent devenir des acteurs essentiels de l’écosystème, contribuant au bien-être global du jardin et à la préservation de sa biodiversité. En adoptant une approche équilibrée et respectueuse de l’environnement, les jardiniers peuvent cohabiter avec ces animaux de manière harmonieuse. C’est en comprenant et en appréciant le rôle de chaque animal qu’ils pourront créer des espaces florissants, bénéfiques à la fois à la faune et à la flore.
Inès Turki
Chef de projet Jardiner Autrement