Les Noctuelles, ravageurs de nos jardins

Daniel Veschambre

Le terme de Noctuelle regroupe une nombreuse famille de papillons nocturnes, parfois crépusculaires. Cette famille de lépidoptères est très largement répandue sur toute la terre et comporte plusieurs dizaines de milliers d’espèces, dont près de 800 en France. Formes et couleurs des chenilles (larves) et des papillons (adultes) sont très diversifiées. Ces chenilles, qu’elles soient terricoles ou aériennes, sont des ravageurs fréquents de nos jardins.

Dégâts de chenilles de noctuelles sur tomate et feuilles de poivron - © D. Veschambre
Dégâts de chenilles de noctuelles sur tomate et feuilles de poivron – © D. Veschambre

On distinguera en fonction des dégâts, trois types de chenilles :

– des chenilles terricoles (vers gris), s’enfouissant dans le premier centimètre du sol, et sortant la nuit pour s’attaquer aux parties aériennes des végétaux.

– des chenilles défoliatrices ravageant rapidement feuillage et fruits, y forant un trou pour s’y réfugier.

– des chenilles mineuses creusant des galeries dans les pétioles, tiges et hampes florales.

Sans toutes les décrire, donnons simplement quelques caractéristiques permettant de les repérer, puis d’aborder les moyens pour s’en prémunir :

Noctuelle mineuse des pétioles et des capitules de l’artichaut 

On rencontre les dégâts du lépidoptère Gortyna xanthenes surtout en régions méditerranéennes.

Larve de Gortyna xanthenes - © Coutin INRA
Larve de Gortyna xanthenes – © Coutin INRA

– Adulte : Papillon de 50 à 60 mm d’envergure. Ailes antérieures jaune grisâtre, bande terminale brun foncé avec des taches réniformes et orbiculaires jaunes ; ailes postérieures enfumées. Il est franchement nocturne. La femelle pond jusqu’à 1 300 œufs en 2 ou 3 groupes à la base des pieds d’artichaut.
Larve : chenille glabre, blanc jaunâtre ponctuée de brun[1]. Pendant la première journée suivant l’éclosion, la chenille grimpe dans les feuilles et les mordille; puis elle pénètre dans les nervures les perforant pour rejeter ses excréments. Elle mine ensuite la moelle de la tige et remonte dans le capitule qu’elle creuse de grosses galeries.

Il n’existe qu’une génération par an. Les œufs éclosent de façon échelonnée de décembre à février. Le stade chrysalide se fait dans les galeries.

Noctuelles défoliatrices

Helicoverpa armigera : Noctuelle de la tomate et de plusieurs légumes fruits

Dégâts d’Heliothis armigera sur tomate – © Dominique Blancard – INRA

– Adulte : ailes antérieures jaunâtres tendant à l’orange chez la femelle et au gris-verdâtre chez le mâle, avec une légère bande transversale plus foncée ; ailes postérieures gris clair avec une large bande marginale foncée et une petite tache brun tout près de la base
– Œuf : taille voisine de 0,5 mm, blanc-jaunâtre, brunâtre à l’éclosion.
– Larve: 3 à 4 cm de long, tête brune, de même que les plaques thoracique et anale. Le corps est orné de minces bandes dorsales foncées, flanquées de bandes plus claires portant des stigmates sombres très caractéristiques. La couleur de fond est soit verdâtre ou jaunâtre, soit marron-noirâtre.

Cette noctuelle, polyphage, est un des principaux ennemis du maïs et s’attaque fréquemment aux plantes potagères : tomate, artichaut, haricot, petit pois, melon, courgette, concombre, ainsi qu’au tabac et à l’œillet.

Les dégâts les plus graves sont provoqués par l’attaque des fleurs, des fruits, et des gousses. Les chenilles encore très petites s’insinuent dans les tomates et passent inaperçues jusqu’à l’approche de la maturité. Le plus souvent, les fruits sont creusées au trois quarts.
La chenille a une tendance au cannibalisme. Elle hiverne à l’état de chrysalide enfouie dans le sol, à plusieurs cm de profondeur. Les adultes apparaissent en avril-mai et on peut les observer jusqu’au mois d’octobre en raison de longues migrations. Les femelles pondent plusieurs centaines d’œufs, sur tous les organes du végétal, fleurs et fruits compris. Les œufs peuvent éclore en moins de 3 jours à la température optimale de 27-28°C. Le cycle d’œuf à œuf dure un peu plus d’1 mois. On compte 2 à 4 générations par an dans les régions méridionales.

Citons encore :

Mamestra brassicae : noctuelle du chou qui attaque aussi d’autres espèces, pois entre autre

Sans titre 3

Autographa gamma : Noctuelle gamma, présente sur de nombreux légumes fruits

Chenille de noctuelle gamma - © Coutin INRA
Chenille de noctuelle gamma – © Coutin INRA

Noctuelle terricole : vers gris

La plus fréquente est Agrostis ipsilon

Chenille d’Agrostis ipsilon - © Coutin INRA
Chenille d’Agrostis ipsilon – © Coutin INRA

– Adulte de 45 mm aux ailes antérieures marron avec une zone plus claire vers la tête. Chacun porte une tache claire uniforme se prolongeant par un triangle effilé noir. Les ailes postérieures sont beige très pâle.

– La larve mesure 45 mm, elle est grise avec, sur chaque segment, 4 points noirs disposés en trapèze. La tête est brun jaunâtre.

– Les attaques peuvent prendre un caractère invasif suite à un vol de migration, suivi d’une ponte importante. La chenille s’alimente la nuit : elle ronge les feuilles, les pétioles et le collet des plantes, devenant de plus en plus vorace.

– Les espèces attaquées sont : pomme de terre, céréales, tabac, maïs, betterave, asperge, oignon, laitue, chicorée, tomate, etc. et les graminées du gazon; c’est un ravageur redouté dans les golfs

De grands migrateurs

Les papillons des noctuelles terricoles, nocturnes, sont migrateurs sur de longues distances. Au printemps, ils migrent vers l’Europe et se raréfie dans les régions méditerranéennes chaudes. Ils effectuent un mouvement inverse en automne. En France, cette noctuelle disparaît quasi totalement en hiver. Il y a une à deux générations dans le nord de l’Europe et de la France. De fin mars à début mai, les adultes apparaissent sur le littoral méditerranéen et la population issue de ces premières pontes peut être très nuisible.

Les femelles pondent 1 500 œufs par paquets de 10 à 15, de préférence dans les zones les plus humides et récemment travaillées pour les semis ou les plantations printanières. La croissance larvaire dure 45 à 60 jours au printemps. La larve se nymphose dans le sol.

Comment les repérer

Les dégâts des noctuelles défoliatrices sont très visibles mais les chenilles se cachent le jour. Il faut les rechercher sous des feuilles, dans les débris à proximité de la plante ravagée, à l’intérieur d’un fruit ou d’une tige. Ce dépistage doit intervenir le plus tôt possible. En effet plus les chenilles sont développées plus elles sont résistantes, et une fois à l’intérieur d’un fruit ou d’une tige il n’est plus possible de les atteindre. Toute plante flétrie ou en partie coupée au ras du sol doit conduire à gratter le sol tout autour afin de dégager la chenille (ver gris). Elle va s’enrouler sur elle-même au contraire du vers « fil de fer » jaune qui reste dur et raide et qui est la larve du taupin.

Comment limiter les dégâts…

Pour les mineuses, éliminer en septembre (avant l’éclosion des chrysalides) les parties de plantes atteintes et les brûler si possible. Procéder de même en fin de saison pour la dernière génération avant que les chrysalides ne se forment dans le sol et constituent la base d’infestation au printemps suivant.

Protection

En cas de risques connus (attaques l’année précédente), des traitements peuvent être envisagés à l’époque d’éclosion des œufs.

  • Les préparations à base de purins de plantes ou de décoction n’ont aucun effet prouvé.
  • La protection biologique préventive grâce à un microorganisme Bacillus thuringiensis homologué est la base de la protection pour l’amateur. Plusieurs spécialités existent en jardinerie. Elles sont acceptées par le cahier des charges AB.
  • Pour les défoliatrices et mineuses, des spécialités chimiques à pulvériser sont autorisées en jardins amateurs, disponibles en jardinerie. Certaines ne sont pas autorisées sur les végétaux consommables : bien lire la notice du produit. Elles ne sont pas acceptées par le cahier des charges AB.
  • Pour les vers gris des spécialités chimiques sous forme d’appâts sont autorisées en jardins amateurs et disponibles en jardinerie. Elles ne sont pas acceptées par le cahier des charges AB.

Dans les produits « naturels » acceptés par le cahier des charges AB, les pyrèthres naturels sont inefficaces sur les lépidoptères, l’huile de neem et la roténone ne sont pas autorisées en France.

 

[1] Peut être confondue avec le vers blanc du hanneton

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1 thoughts on “Les Noctuelles, ravageurs de nos jardins”

  1. Merci pour les conseils! J’ai horreur de ces petites bêtes-là, le problème, c’est que même si on s’en débarrasse, ils finissent toujours par revenir.

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