Les confitures ou le soleil du jardin en plein hiver
Catherine Renard
Confitures, gelées ou marmelades
Les confitures sont des aliments plaisir, obtenues par cuisson de morceaux de fruits avec du sucre[1]. Celles du commerce doivent atteindre au moins 55 % de sucre (rajouté ou venant des fruits) et contenir 35 g de fruit pour 100 g (avant cuisson). Les recettes « maison » partent en général plutôt de 50 % de fruit pour 50 % de sucre ajouté. Les confitures font partie d’un groupe de préparations, avec les gelées, les marmelades ou les pâtes de fruits, dont le but est une conservation à long terme et température ambiante qui dépend de la présence d’une quantité élevée de sucre. Il permet d’inhiber la croissance des microorganismes en les privant de l’eau nécessaire à leur croissance. Ceci explique que les confitures allégées (réglementairement 42 à 45 % de sucre) n’ont pas cette propriété de conservation et doivent être conservées au froid et consommées rapidement après ouverture. Les gelées sont des confitures sans pulpe des fruits, obtenues en général à partir d’un jus pressé après une première cuisson. Les marmelades, à base d’agrumes dont elles contiennent les épidermes, sont des confitures à faibles teneurs en fruits car ceux-ci ont des goûts et une capacité de gélification très marqués.
A partir de fruits sains
Le principe en est très simple : les fruits sont cuits avec le sucre dans une bassine à large ouverture, de façon à favoriser l’évaporation de l’eau, jusqu’à atteindre la teneur en sucres (des fruits ou ajoutés) désirée. Le mélange visqueux obtenu est alors versé dans des bocaux propres, qui peuvent être bouchés immédiatement pour favoriser une destruction des microorganismes par la confiture (> 85 -90°C) et par la création d’un vide relatif au refroidissement. Les bocaux peuvent aussi recevoir, après refroidissement, une protection de paraffine ou de papier sulfurisé.
Les confitures sont classiquement préparées à partir de fruits sains et à pleine maturité. En effet ces fruits sont plus riches en sucres et nécessitent moins de sucres ajoutés ou une durée plus faible d’ébullition. Les bassines en cuivre sont souvent recommandées à cause de la bonne conduction de chaleur par ce métal et parce que le cuivre libéré contribuerait à la gélification des pectines. Cependant, ces ions cuivriques sont aussi toxiques et les bassines en cuivre doivent être étamées.
Vérifier la concentration en sucre
Lors de la fabrication des confitures plusieurs moyens permettent de juger que le degré de concentration en sucre désiré est atteint :
- La température de cuisson : plus le sucre est concentré, plus la température d’ébullition augmente. Pour une confiture, la température cible est de 105°C.
- La façon visuelle : quand les petites bulles de l’ébullition deviennent de grosses bulles.
- Le « petit boulé » : une goutte de confiture versée dans de l’eau froide forme des petites boules qui tombent au fond du verre.
- L’assiette, encore que cette méthode juge de la gélification plutôt que de la teneur en sucre : une goutte de confiture sur une assiette froide ne coule pas.
Cette méthode classique peut être réalisée à grande échelle dans l’industrie soit avec des cuissons « classiques » en chaudron ouvert et à pression atmosphérique pour avoir des produits avec une certaine caramélisation et un goût de cuit, ou « en dépression » en récipient clos et sous un léger vide pour des produits gardant plus le goût du fruit frais. Les produits de départ sont des fruits frais mais aussi souvent des fruits congelés afin de pouvoir étaler la production sur toute l’année.
Pectines pour gélifier
Classiquement, les confitures forment des gels grâce à la présence de pectine dans les fruits. Mais de nombreux fruits ne contiennent pas suffisamment de pectines (fraises, abricots, raisins…), ou des pectines inaptes à la gélification (poires, framboises…). L’utilisation de mélanges de fruits peut permettre de pallier ce problème, les pommes, les groseilles, les agrumes étant par exemple réputés pour leur capacité gélifiante. De nombreuses recettes conseillent ainsi l’ajout d’un « noué » de peau et/ou pépins de pomme ou de coings, mais celles-ci ont aussi un impact aromatique marqué. La solution la plus courante est donc d’ajouter des pectines (pour les usages domestiques, ces pectines sont extraites des marcs de pommes), sous forme de préparations de pectines et d’acide citrique voire de sucres gélifiants. La prise en gel des pectines dépend de leur structure et notamment du degré de méthylation, de la teneur en sucre et du pH : plus le degré de méthylation est élevé, plus la teneur en sucre est élevée et plus le pH est bas, plus le gel de pectines « prend » rapidement. Ceci explique l’intérêt de l’ajout du jus de citron (ou d’acide citrique).
Les pectines, le gélifiant E440
Avec la cellulose et les hémicelluloses, les pectines sont un des composants principaux de la paroi végétale, organite extracellulaire des cellules végétales responsables du port érigé des végétaux et de la texture des fruits et légumes. Les pectines sont des polyosides (polymères de sucres) complexes, qui sont caractérisées par leur richesse en un sucre spécifique, l’acide galacturonique, qui y forme de longues chaînes linéaires. La fonction acide carboxylique des pectines peut être méthoxylée, et le degré de méthylation (proportion des acides galacturoniques méthylés) est fondamental pour leurs propriétés de gélification. Les pectines sont extraites des résidus de l’industrie des jus de fruits (pomme et agrume) et constituent alors le gélifiant E440. D’un point de vue fonctionnel, on distingue deux catégories de pectines :
– Les pectines faiblement méthylées (LM) présentent un degré de méthylation inférieur à 50 % (DM<50). Elles sont capables de former des gels en présence de calcium en milieu légèrement acide.
– Les pectines hautement méthylées (HM) présentent un degré de méthylation supérieur à 50 % (DM>50). Ce sont les pectines les plus classiques, qui forment des gels en milieu acide à faible activité de l’eau (forte teneur en sucres). Les pectines présentes dans les fruits sont en règle générale hautement méthylées (degré de méthylation environ 75).
Prise rapide
Cette notion de rapidité de prise en gel est maitrisée dans l’industrie agro-alimentaire, en faisant varier le degré de méthylation des pectines. Ainsi les pectines dites « Rapid Set » permettent une prise rapide et seront appropriées pour des produits faiblement acides contenant de gros morceaux (type confitures de fraises), qui se retrouvent pris dans le gel avant de pouvoir migrer vers la surface du produit, tandis que les gelées de fruits particulièrement acides comme le cassis sont réalisées avec des pectines « Slow Set » pour éviter une prise en gel avant d’avoir fini de couler l’ensemble d’une bassine. Cependant, un seul type intermédiaire de pectines est couramment disponible dans le commerce de détail. Il existe aussi depuis quelques années des gélifiants sans pectine, adaptés aux confitures allégées (utilisant en général des gélifiants extraits d’algues).
De la carotte aux pétales de roses
Il est tout à fait possible de réaliser des confitures à base d’autres produits du jardin que les fruits, tant que les teneurs en sucres sont respectées. La classique confiture de rhubarbe utilise les pétioles (tiges des feuilles). Il est aussi possible de réaliser des confitures de carotte, un classique portugais ou espagnol, ou d’aubergines, bien connues en Turquie avec leur léger goût de banane. La réalisation d’une confiture de tomates vertes (ou oranges) est un bon moyen pour utiliser les dernières tomates de la saison avant d’arracher les pieds. Il est également possible de préparer des gelées, généralement limpides, à base de pétales de roses, de capitules de pissenlit, de verveine ou menthe…
Les chutneys … des confitures aigres-douces
Les chutneys sont des condiments indiens et pakistanais destinés à accompagner et à relever le goût des viandes.
Leur base est un vinaigre épicé et modérément sucré dans lequel sont cuits des fruits, éventuellement associés à des légumes. Les chutneys se conservent en pots hermétiquement fermés, comme des confitures.
Leur composition est aussi variée que les pots-pourris en parfumerie ou les macérations de rhums arrangés à l’île de la Réunion. L’imagination est au pouvoir : fruits frais, fruits secs, épices européennes ou exotiques, agrumes peuvent contribuer à la réussite d’un chutney
En voici deux recettes sur mille :
Chutney aux oignons et aux pommes
1kg d’oignons, 1,750 kg de pommes, 2 citrons ou 2 oranges, 500g de raisins secs, 250g de noix décortiquées et hachées, 500g de cassonade, un petit rhizome de gingembre, 1 cuillérée à soupe de cannelle en poudre, 1 cuillérée à café de clous de girofle, 1,2 l de vinaigre de cidre.
Chutney aux mangues
2 mangues d’environ 500g, 250 g de cassonade, 12 cl de vinaigre d’alcool blanc, 60g de raisins secs, environ 1 cuillérée à soupe de mélange « 5 baies », 1 pincée de sel, 1 petit rhizome de gingembre frais.
Porter l’ensemble des ingrédients à ébullition durant 1h à feu doux, sauf le sucre qu’il ne faut ajouter qu’à la fin. Cuire encore 1h à feu doux. C’est prêt à mettre en pots.
Daniel Lejeune
[1] Réglementairement (Directive 2001/113/CE du 20 décembre 2001), la «confiture» est le mélange, porté à la consistance gélifiée appropriée de sucres, de pulpe et/ou de purée d’une ou de plusieurs espèces de fruits et d’eau. La confiture d’agrumes peut toutefois être obtenue à partir du fruit entier, coupé en lamelles et/ou en tranches.