Les collections du jardin du Luxembourg : Historiques et tournées vers l’avenir
Le jardin du Luxembourg, à Paris, n’est pas tout à fait un jardin public comme les autres. Ses tutelles successives, royales puis hautes assemblées, ont enrichi ses missions traditionnelles de rôles parfois inattendus, en particulier en matière de collections végétales.
Un haut lieu de savoir-faire et de conservation horticole
Dès les premières années après sa création en 1713, le Jardin du Luxembourg cultive des agrumes, tradition qui perdure encore aujourd’hui. En 1834, il devient dépositaire de la fameuse collection d’arbres fruitiers de la congrégation chartreuse voisine. Elle sera nationalisée à la Révolution. Le jardin devient par la même occasion école d’arboriculture pour l’instruction des citoyens. On s’active également à y installer la plus grande collection de vignes au monde, impulsée par Chaptal quelques années auparavant.
En 1860, les grands travaux d’Haussmann bouleversent le quartier. Le Jardin du Luxembourg recueille la collection d’orchidées du Jardin botanique de la faculté de médecine, l’une des plus riches de son temps, dont les serres voisines sont frappées de démolition. Quant à la collection fruitière, installée sur les anciens terrains des Chartreux, elle est rapatriée en 1868 dans la partie sud du Jardin, nouvellement réaménagée. Quelque 1 000 arbres sont plantés en lignes serrées d’espaliers dans un espace de moins de 3 000 m². Par manque de place, la collection de vigne sera sacrifiée lors de ce déménagement.
Ces deux collections historiques, fruitières et orchidées, exceptionnelles par leur histoire et leur richesse, se sont transmises de jardiniers en jardiniers jusqu’à aujourd’hui.
La collection d’orchidées, aujourd’hui et demain
La collection d’orchidées du Jardin du Luxembourg ne bénéficie pas d’une actualité aussi médiatisée que sa sœur, la collection fruitière. Pourtant cette collection est bien vivante et dynamique malgré son grand âge. En effet, cette collection d’orchidées compte actuellement 157 genres, 629 espèces et 745 hybrides.
Les Paphiopedilum représentent le cœur historique de la collection, et comptabilisent 60 espèces et 460 hybrides. Grâce à une remarquable continuité de gestion, une centaine de ces plantes ont même dépassé les 150 ans. Cette richesse explique que, depuis 1995, la collection est labellisée collection d’intérêt national par le CCVS (Conservatoire des collections végétales spécialisées, voir notre article sur le CCVS) pour les Paphiopedilum.
Le premier objectif est la conservation
Là encore, la collection présente un intérêt culturel, intimement lié à l’histoire du lieu, mais constitue également un réservoir génétique précieux. Le cœur de la collection, les Paphiopedilum, compte 460 hybrides, pour la plupart historiques, représentatifs de l’horticulture du XIXe siècle. Quant au réservoir génétique que la collection représente, il est évident au regard des menaces qui pèsent sur les orchidées dans leur milieu naturel.
Le second objectif : multiplier et diffuser
Ces menaces font de la multiplication et de la diffusion des orchidées un vrai enjeu. Le laboratoire de culture in vitro du Jardin du Luxembourg fonctionne en plein, et l’activité de multiplication, essentiellement sous forme de semis asymbiotique*, s’organise autour de deux grands pôles. Côté Paphiopedilum, plante difficile à cloner par culture de méristème, il s’agit de multiplier et de diffuser les pieds botaniques les plus rares tels que P. fairrieanum. L’aspect historique de la collection n’est cependant pas oublié, avec la recréation des hybrides disparus liés à l’histoire de la collection (hybrides primaires pour la plupart, tels que « du Luxembourg », « la France », etc.). S’agissant des autres genres, les multiplications se concentrent sur les espèces botaniques les plus rares. Les plantules obtenues sont données ou échangées au sein du réseau de collectionneurs professionnels : jardins botaniques, services municipaux, producteurs-collectionneurs. Les dernières grosses opérations ont ainsi porté sur la diffusion de bocaux de différentes espèces d’Angraecum et d’Aerangis.
Partager et éduquer
Les serres qui abritent cette collection ne sont malheureusement pas ouvertes au public. Cependant, des visites guidées à destination des invités du Sénat et du monde horticole permettent d’accueillir quelque 500 visiteurs par an, auxquels on peut ajouter les 8 000 visiteurs accueillis chaque année dans le carré des serres à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. Et puis, la collection sait sortir de ses murs. Deux à trois fois par an, un échantillon est présenté à l’occasion d’expositions horticoles spécialisées ou non.
Quel avenir pour les collections du jardin du Luxembourg ?
Le jardin du Luxembourg s’inscrit dans une histoire longue et dans une continuité de gestion exceptionnelle. L’aspect culturel et historique de ses collections est donc particulièrement marqué, qu’il s’agisse des variétés fruitières chartreuses ou des Sabots de Vénus. Cependant, ces collections montrent une belle vitalité et leur rôle ne se limite pas à un rôle de conservation. Notre volonté de gestionnaire est de les ancrer dans le présent et, espérons-le, dans l’avenir, en leur donnant une place dans des problématiques et des projets modernes mais également de valoriser, diffuser et partager le plus largement possible les savoirs et savoir-faire qui s’y rapportent.
Gisèle Croq
Ingénieur des jardins, chef de division – Jardin du Luxembourg – Sénat
* Dans le semis asymbiotique, on remplace le champignon symbiotique, nécessaire à la germination des graines d’orchidées par une solution nutritive stérile. En effet, dans la nature, les graines d’orchidée ont besoin de la présence d’un champignon pour germer.