Les clés d’un verger familial réussi
Pépiniériste et paysagiste depuis plus de 50 ans, j’ai vu notre profession évoluer au rythme de la société qui, quoi que l’on dise, veut du vert mais sans en avoir les contraintes. Ayant toujours un œil tourné vers l’avenir, ma question est : « avons-nous toujours suscité chez les jeunes générations l’envie de réussir leur jardin ? ».
Prenons l’exemple de l’arbre fruitier. En tant que producteurs, depuis plusieurs générations, nous avons la fâcheuse habitude de sacraliser les techniques de production et d’entretien et ainsi de rendre souvent inaccessible l’envie des jeunes de planter un arbre fruitier. Ce frein me semble plus important que le facteur prix. Je ne renie pas la technique mais il faut la rendre plus audible pour donner aux jeunes le désir de s’approprier la maîtrise du végétal.
Du concret pour réussir
Si la génération des 50/60 ans n’est pas encore très éloignée de la ruralité, les jeunes générations, du fait de l’évolution de la société, ont un rapport tronqué avec la nature. Bien qu’ils soient connectés et qu’ils aient l’information souhaitée en temps réel, ils sont noyés dans un océan de données quelquefois plus fantaisistes les unes que les autres et qui pourtant deviennent dans leur esprit « l’essentiel pour réussir ».
Citons par exemple : jardinez avec la lune, faites une analyse de votre sol, arrosez abondamment (alors ils arrosent tous les jours), paillez le sol (ils paillent avant de planter), faites un grand trou, etc.
Bref ! À croire qu’il faut être astrophysicien, hydraulicien, chimiste, terrassier et avoir fait une thèse pour planter un arbre ! Si bien que, face à tant de complexité, ils abandonnent. Madame part faire son shopping, monsieur son sport…
Alors allons à l’essentiel. Employons-nous et aidons à réussir ce que vont entreprendre nos enfants. Et pour cela, soyons concrets. Voici, en toute simplicité, les étapes à respecter pour réussir la plantation et l’élevage d’un arbre fruitier.
Exemple d’implantation d’un verger
Plantation : la bonne plante dans le bon sol
Tout d’abord il faut choisir un arbre fruitier ½ tige (le plus adapté à un jardin moyen). Puis, il faut :
- planter les arbres à racines nues de fin octobre à fin mars ; ceux en conteneurs, de septembre à fin mai, en évitant les périodes trop chaudes s’il n’y a pas d’arrosage automatique ;
- creuser un trou de 1 m x 1 m de large et 0,30 à 0,40 m de profondeur (équivalent sport = 1 heure de jogging) ;
- mélanger un terreau de plantation de qualité avec la terre sortie du trou (20 % est la proportion idéale). Jeter une ou deux poignées de corne broyée au fond du trou et la recouvrir de 10 cm du terre-terreau ;
- habiller l’arbre, c’est-à-dire couper 1/3 de longueur des branches et recouper le bout des racines de quelques centimètres ;
- le placer dans le trou en vérifiant qu’il ne soit pas trop creux, quelques centimètres au-dessus de la motte pour les arbres en conteneur, au niveau du collet pour les arbres en racines nues. Reboucher ;
- pour la plantation à l’automne : arroser 10 l d’eau par pied et n’arroser ensuite que s’il ne pleut pas abondamment ;
- pour la plantation de printemps : arroser 20 l d’eau par pied et ensuite même quantité une fois par semaine s’il ne pleut pas abondamment. Dans les deux cas, pailler à partir de mai-juin.
Entretien : protéger des ravageurs et bien tailler
- Contre les ravageurs et les maladies : à partir d’avril, si les feuilles s’enroulent à cause des pucerons, ce n’est pas grave, pulvériser du savon noir ou un produit à base de pyrèthre en cas de forte infestation. Au cours de l’année, selon les conditions climatiques, deux à trois pulvérisations à base de bouillie bordelaise suffisent*.
- Tailler pour privilégier les fruits et respecter l’architecture de l’arbre. Il faut d’abord reconnaître les bourgeons : bourgeons à fleurs, bourgeons à bois, c’est simple, puis réduire la longueur des dernières branches en éliminant le moins possible de bourgeons à fleurs. Il faut enfin couper le bois mort. Toutes ces opérations se font en respectant l’architecture de la plante.
Être bref et précis donnera du sens à la réussite, ainsi la famille se passionnera et évoluera dans l’envie de planter un arbre. Ensuite, cette première étape réussie, la plantation d’un verger familial paraîtra plus facile et à la portée de tous.
Ce verger familial sera élément de subsistance, de plaisir de récolter et de pédagogie à transmettre pour les générations à venir. Pour ceux qui veulent s’exercer, voici à gauche un exemple simple d’implantation de verger familial.
*Ou tout autre produit alternatif autorisé par la loi. Voir aussi www.jardiner-autrement.fr
Robert Crosnier