Le style japonais. Une tendance actuelle dans le jardin d’agrément

Frédéric Pernel

Le style japonais est une source d’inspiration importante pour la création de jardin contemporain, notamment en France, comme l'a montré la dernière édition du Prix Bonpland[1].

Les codes du jardin japonais

Le jardin japonais se construit à partir de trois principes : la miniaturisation, le symbolisme et la capture de paysage. La miniaturisation permet de faire cohabiter des éléments de paysages différents au sein d’un espace restreint. Ces éléments de paysages (rivières, forêts, lacs, …) sont reproduits à échelle réduite, et de façon simplifiée. Le symbolisme, héritage de la fonction religieuse des premiers jardins, sert aussi à simplifier la lecture du paysage suggéré. Il s’agit de mettre en scène le jardin grâce à des éléments extérieurs (montagnes, océan, bâtiments, …) pour intégrer le paysage créé dans un contexte plus large.

 

Le jardin japonais aujourd’hui

Dans l’inclinaison contemporaine au jardin essentiel, la rigueur du jardin japonais est une des solutions les plus prisées. Dans ses créations, Erik Borja transcrit les principes du jardin zen propice au ressourcement. Il reprend donc l’idée du jardin véritablement construit en hommage à la nature éphémère, magnifique et indomptable. Les éléments techniques, apparemment simples dans leur composition, vont conserver la symbolique et l’esthétique générale de ce type de jardin avec l’usage du relief, des rochers, des végétaux taillés, du plein, du vide et de l’eau en mouvement ou calme Prétendre réaliser un jardin japonais dans les règles conventionnelles suppose une initiation à des références pointues auxquelles les différents styles se rattachent. Une gageure assurée, mais une approche possible sur la base de quelques codes et d’un oubli de l’esprit occidental. Le Japon conçoit cinq principaux types de jardins et de multiples variantes. Ce sont : l’espace d’une cour intérieure « tsubo-niwa » ; le jardin zen (sec) « karesansui » ; celui de la maison de thé « cha-niwa » ; le jardin promenade « kaiyushiki » ; le paysage emprunté « shakkei-zukuri ».


Le jardin japonais de M. et Mme Vandenbussche  à HellemmesLe jardin japonais de M. et Mme Vandenbussche  à Hellemmes

Le jardin japonais de M. et Mme Vandenbussche  à HellemmesLe jardin japonais de M. et Mme Vandenbussche  à HellemmesLe jardin japonais de M. et Mme Vandenbussche  à Hellemmes

 


[1] Le prix Bonpland est un concours annuel, organisé par la SNHF et l'Institut Jardiland. Il est destiné à promouvoir la création de jardins d’agrément ou leur restauration. Ce prix vise à favoriser l’élan de création des jardiniers amateurs, en particulier en faisant connaître au plus grand nombre l’exemplarité technique et horticole des jardins candidats.


Le jardin japonais de M. et Mme Vandenbussche  à HellemmesUne mise en scène des forces de la nature

La fragilité de la vie, face aux forces de la nature, est acceptée par le peuple japonais. Ces forces sont convoquées dans le jardin pour donner illusion : l’usure de la pierre, la puissance de l’eau, la mise en scène des saisons, la régénération du végétal. Le symbolisme de la fertilité de la terre ajoute au sacré. Alors que nul n’est propriétaire d’un paysage, d’aucun peut en reconstituer l’essence, pour un temps, dans son environnement immédiat. Deux religions, deux visions complémentaires car si le jardin bouddhique console intimement de la fragilité et de la mort, le jardin zen transcende quant à lui les forces matérielles par la méditation. Paradoxe étonnant puisque le premier est luxuriant et empreint de force, tandis que le second est dépouillé et calme.

 

Nature et spiritualité

Le jardin japonais convoque donc la nature ou, plus précisément, l’esprit de la nature, celui que la tradition divinise sous diverses entités « kami », l’empreinte d’un lieu. L’agencement peut intégrer un panorama dans l’arrière plan ou donner l’illusion d’un paysage ou d’une partie de celui-ci dans lequel se promener. L’effet d’échelle est de rigueur pour un espace la plupart du temps, limité. La présence de l’eau peut n’être que suggérée. Les ornements traditionnels, peuvent être une fontaine « tsukubai », une lanterne de pierre, une statuaire bouddhique, des palissades en bambou, des pierres, etc.

La patine du temps est inscrite dans la pierre et dans la mousse. C’est le « sabi ».

Le jardin sec : abstraction zen et intemporalité sont deux ressources utiles pour créer un tel lieu. Le minéral est ici prépondérant et le végétal n’est parfois que lointain.

Le jardin d’eau : puissance et fertilité sont le message. La carpe nage de l’eau calme vers la cascade pour se muer en dragon céleste. Deux pierres émergent du bassin peu profond, symbolisant la tortue et la grue. Des plages de galets de tailles différentes entourent le plan d’eau. D’autres ornements sont possibles tels que le bruyant « shishi-odoshi » utilisé aux abords des forêts, pour son bruit régulier et saisissant capable d’effrayer les cervidés gourmands.

L’ombre est souvent la conséquence de l’exigüité de ces jardins. Dans la nature, des plantes couvre-sol et des arbustes se sont adaptés : mousses, fougères, azalées, Epimedium, Ilex, Saruma henryi, etc. Cette ombre sera recherchée et mise à profit pour créer un sous-bois parsemé de grosses pierres et de racines affleurantes. La pierre du terroir japonais est essentiellement granitique ou volcanique.

 

La symbolique de la végétation

Au Japon, les végétaux poussent sur des terrains acides. Pour constituer des scènes saisonnières maitrisées dans leur croissance, dans la succession des floraisons, dans la juxtaposition des nuances des feuillages, ils doivent être choisis parmi : Camellia japonica, Cercidiphyllum japonicum, Cotoneaster, Fatsia japonica, Wisteria brachybotris, Hosta, Iris ensata, I. japonica, I. sibirica, Magnolia, Mahonia japonica, Pieris, Rhododendron, Styrax japonicum, etc. Le pin, symbole de longévité [Pinus nigra (pin noir), P. parviflora (pin du Japon), P. contorta (pin tortueux), P. mugo (pin nain des montagnes), P. strobus 'Nana' ou 'Radiata'], tirera son aspect vénérable d’une taille en candélabre. L’érable au feuillage coloré et changeant marquera les saisons (Acer palmatum, A. japonicum, A. ginnala). Le début du printemps sera donné par le cerisier, à condition de ne pas occuper plus d’un dixième du jardin (Prunus incisa, P. mume, P. nipponica ‘Okame’, P. glandulosa). Enfin, après le pin et le cerisier, le « troisième ami » sera le bambou dont les moins hauts sont : Pleioblastus pumilus , Sasa palmata ‘Nebulosa’, Sasa veitchii, Shibataea kumasaca, Fargesia murielae, etc..

Façonnement, juxtaposition et transparence : L’arasement au sol des azalées ou des bruyères, la taille en nuage des arbustes « niwaki », l’effeuillage de la base des cannes de bambou, le charpentage des arbres constituent la patiente maîtrise de l’espace. La juxtaposition des formes et des feuillages l’est aussi, mais avec plus de variation au fil des saisons. L’unité enfin où la transparence permet au regard et à la pensée de rejoindre le mystère et la force de la nature.

 

Le jardin japonais, véritable hommage à la nature, apparaît comme une réponse appréciée à la recherche contemporaine de retour aux sources, de sobriété, de simplicité.

 

Le jardin japonais de M. et Mme Vandenbussche  à HellemmesLe jardin japonais de M. et Mme Vandenbussche  à HellemmesLe jardin japonais de M. et Mme Vandenbussche  à Hellemmes

Le jardin japonais de M. et Mme Vandenbussche  à Hellemmes

Vers la source de la « Parfaite Inspiration »

 

Virginie Klecka – Jardin Japonais – Rustica éditions, 2011, 128p.

Akira Nakata – The Japanase Gardens Kyoto – Pic Books, 2007, 239 p.

Jake Hobson Niwaki : Taille et conduite des arbres et arbustes à la japonaise - éditions du Rouergue, 2007, 160 p.

Motomi Oguchi – Create Your Own Japanese Garden – Kodansha International, 2007, 127 p.

Erik Borja – Les leçons du jardin zen, espace et illusion – Editions du Chêne, 2007, 168 p.

Erik Borja – Esprit du jardin zen dans nos jardins – Editions du Chêne, 2005, 158 p.

David et Michel Young – The Art of the Japanese Garden – Tuttle, 2005, 176 p.

Joseph Cali – The new Zen Garden – Kodansha International, 2004, 88 p.

Sadao Hibi, Joe Earle – Jardins zen – Un art de la sagesse – Plume, 2000, 126 p.

Josiah Conder - Landscape Gardening in Japan – réédition par Kodansha International, 2002, 247 p.

Tsuyoshi Tamura – Jardin Japonais – Kokusai Bunka Shinkokai, 1937, 280 p.