Le potager de Sylvian Dumont
Jean-François Coffin
UN FRUIT DE LA PASSION
Dans la Drôme, au pied du Vercors, un potager mérite le détour : celui de Sylvian Dumont. Véritable potager d’ornement, il allie légumes, fleurs, fruitiers cultivés avec passion, professionnalisme et respect de l’environnement. Le jury du concours national des Jardins potagers l’a remarqué en lui adressant deux prix de suite.
Un jardin qui a obtenu le grand prix du jury du concours national des jardins potagers - © SNHF
A notre arrivée, le jardin était un ancien verger abandonné depuis de très nombreuses années. Des ronces arrivaient à la cime des arbres. Nous avons dû tout arracher, rien n’étant récupérable ». Telle est la vision presque apocalyptique que Sylvian Dumont nous donne de son jardin lorsqu’il a entamé les travaux au début des années 2000. Si la préoccupation du début a été de construire la maison, la mise en place du potager s’est vite imposée pour assurer l’approvisionnement de la famille en légumes mais aussi en fruits. L’emplacement du potager a été conditionné par la configuration du terrain en pente. Situé dans un petit village de la Drôme, Châteaudouble, au pied du Vercors, il est caillouteux, argileux, calcaire. Le bas du jardin s’est imposé du fait de l’accumulation de la terre, la maison étant construite sur la partie haute. Les haies vives figurent parmi les premières plantations, non seulement pour se délimiter des voisins mais aussi pour se protéger du vent du Nord et pour héberger oiseaux et auxiliaires.
Grand prix du potager
Sylvian voue une véritable passion pour son jardin. Il jardine depuis l’âge de trois ans ! Aujourd’hui, son potager est devenu un potager remarqué. Il a obtenu en 2009 le premier prix du concours national des Jardins potagers de l’année[1], puis en 2011 le grand prix du jury. Et depuis, son jardin ne cesse de s’améliorer. Le jury a été séduit tant par le côté esthétique du potager, conçu comme la pièce centrale de son jardin, que par les techniques culturales. Sur un terrain d’une surface totale de 2 000 m², le potager en occupe 280 m². « Je pratique une culture relativement intensive, avec deux à trois cultures par an sur la moitié du potager, ce qui équivaut en réalité à 400 m² cultivés », précise Sylvian Dumont.
Notation scrupuleuse
Au niveau cultural, priorité est donnée à une production proche du bio mais ne s’interdisant pas des traitements en cas de nécessité. Sylvian accorde une grande importance à la succession des cultures : pommes de terre/choux, carottes/haricots/Radis (semés en février)/salades (récoltées au printemps)/pépinière de choux (semés en juin, repiqués en août)/courgettes (semées en août et récoltées en novembre). Tout un art que Sylvian note scrupuleusement dans son carnet de bord où chaque détail est indiqué comme les variétés, leur résistance aux maladies et au froid, leurs rendements, les apports, les récoltes, … Le travail est effectué à la main. Sylvian est un obsédé de la binette. Il estime plus efficace de biner régulièrement plutôt que s’acharner à éliminer les mauvaises herbes lorsqu’elles ont pris de l’ampleur. Les surfaces laissées libres, comme celles après la récolte des tomates, sont ensemencées en engrais verts que Sylvian teste en fonction de la date de libération du terrain. Il utilise les tagettes, qui permettent de lutter contre les nématodes, la phacélie qui s’installe avant le froid. Sinon, une fois le froid arrivé, il sème un couvert végétal composé de graminées comme du blé.
Le roi des essais
Sylvian adore tester les variétés. Il ne jure que par les hybrides. Il avoue même dépenser une petite fortune dans l’achat de graines ! Par exemple, sur les 45 plants de tomates qu’il cultive cette année 2013, il en teste 12 variétés. Il établit une notation prenant en compte le nombre de fruits par plants, mais aussi le poids moyen de fruit par variété sans oublier les tests de dégustation effectués avec sa famille. La section Potagers et Fruitiers de la SNHF lui a d’ailleurs confié des essais de tomates pour évaluer leur résistance au mildiou, au même titre que d’autres jardiniers répartis dans toute la France. « Nous les cultivons comme les nôtres. J’ai même poussé le vice à cultiver tomates sur tomates, à arroser le feuillage, afin de créer des conditions extrêmes ».
Un potager d’ornement de 208 m² qui combine légumes, fleurs et fruitiers - © SNHF
Un potager d'ornement
Ce qui frappe dans ce potager est son esthétique et l’art d’associer légumes, fleurs, aromatiques, fruitier et petits édifices dont la gloriette et, dernière en date, la serre. Les fruitiers sont gérés comme des arbres d’ornement et sont dispersés dans le jardin. « Ma femme Valérie qui a un certain goût esthétique, participe beaucoup à l’aménagement, par le choix des structures, des végétaux », reconnaît Sylvian. Elle contribue aussi en garnissant le pied des arbres de fleurs, comme des tulipes et des pensées, et sème des graminées pour donner une touche un peu sauvage dans certains coins du jardin. Quant aux aromatiques, elles ont été disposées exposées au soleil, près de la maison afin d’en faciliter la récolte au fur et à mesure des besoins de la cuisine. Le jardin est sans cesse en évolution. Sylvian vient de remplacer une haie d’ifs par des fruitiers en palmettes. Il projette de créer un tunnel pour cultiver des primeurs pour « faire face aux printemps pourris connus ces dernières années ».
Sylvian vient d’achever la construction d’une serre qui s’intègre bien dans le cadre du jardin. Le but était de remplacer les anciens châssis car les Dumont produisent eux-mêmes leurs plants à partir de semis.
La serre a aussi pour but d’abriter l’hiver les plantes ne résistant pas au gel comme le citronnier, la bergamote ou le grenadier.
L’été, comme la serre est peu utilisée, Sylvian y installe des tomates et poivrons en pots.
La serre de 11m² est équipée de tables de cultures chauffantes avec résistances pour les semis, d’ouvertures automatiques pour la ventilation, d’un système de récupération de l’eau du toit pour l’arrosage.
Un communiquant du potager
Le bouche à oreilles entre les voisins vantant les qualités de son potager, les gens se sont mis à demander des conseils à Sylvian. Puis arrive l’obtention du grand prix des potagers qui a un peu bouleversé sa vie. De tempérament plutôt casanier, Sylvian a dû accueillir les visiteurs, leur expliquer son jardin. Il s’est mis à communiquer et y a pris goût. Si bien qu’a mûri un projet dans sa tête qui vient de se concrétiser cette année : fonder une société de création et de conseils en jardins potagers. Malgré le temps que lui prend son nouveau métier, le travail à accomplir dans le potager, Sylvian ouvre son jardin au public lors des « Rendez-vous au jardin » le premier week-end de juin. En dehors de cette date, il accepte de recevoir des visiteurs. Mais n’oubliez-pas de prendre rendez-vous !
Sylvian et Valérie Dumont
Les Perpoints 26120 Châteaudouble
[1] Le Concours National des Jardins Potagers est organisé par la Société Nationale d’Horticulture de France (SNHF), l’association JARDINOT-Le Jardin du Cheminot et le Groupement National Interprofessionnel des Semences et plants (GNIS).
novembre-décembre 2013