Le parc Monceau, mémoire d’une folie
Chiara Santini
« Ils franchirent, par l'avenue Vélasquez, la grille dorée et monumentale qui sert d'enseigne et d'entrée à ce bijou de parc élégant, étalant en plein Paris sa grâce factice et verdoyante, au milieu d'une ceinture d'hôtels princiers ». Ainsi commence l’un des épisodes centraux de Fort comme la mort, cinquième roman de Guy de Maupassant publié en 1889…
La naumachie, « des fûts de colonnes en ruine et une colonnade longeant le lac © C. Santini »
Cette promenade sous les ombres des marronniers et des sycomores du parc Monceau devient dans les souvenirs du protagoniste du roman, le peintre Olivier Bertin, l’un des moments-clé de sa passion amoureuse pour Annette de Guilleroy, la fille de sa maîtresse. Mais elle marque aussi la superposition entre des états d’âme et des saisons de la vie bien différents. Aux yeux de Bertin, Annette est en fait l’image jeune de sa mère. En tombant amoureux d’elle, il essaie de récupérer, en même temps, le bonheur de leurs premières années d’amour et l’insouciance de sa jeunesse.
Pour l’élite de Paris
Le choix du parc Monceau, en tant que théâtre de la scène narrative, est dû à la familiarité que Maupassant, habitant rue Clauzel, à quelques îlots de là, avait avec cette promenade, et également au statut social de ses personnages. Issus de l’aristocratie, de la riche bourgeoisie ou d’une élite artistique et mondaine du Paris « post-haussmannien », ils habitent le boulevard Malesherbes, se promènent aux Champs-Élysées et au Bois de Boulogne, et fréquentent le Cercle et le nouvel Opéra dessinée par Garnier. Placé au cœur des nouveaux quartiers de l’ouest parisien, Monceau est pour eux le « jardin de proximité » où les nourrices promènent leurs enfants...
Jardins de France 629. mai-juin 2014