Le chancre coloré du platane : Au cœur d’un colloque international

Après plus de deux ans d’attente, le Colloque international sur le chancre coloré du platane s’est tenu à la SNHF les 27 et 28 septembre 2022. Organisé par le Groupement des experts conseil en arboriculture ornementale (Gecao) et ses partenaires, il a permis de réunir plus de 200 professionnels. La dizaine de présentations d’experts français et internationaux (Grèce, Italie, Suisse, États-Unis) et les deux tables rondes ont permis de faire le point sur cette maladie mortelle pour les platanes et d’échanger sur les interrogations et les difficultés rencontrées par les professionnels sur le terrain.
Voici résumés quelques constats et conclusions suite à cet évènement.

Alignement de platanes malades
Alignement de platanes malades © M. Guérin, Plante & Cité

 

Le chancre coloré est une maladie provoquée par le champignon ascomycète Ceratocystis platani. Il infecte les différentes espèces de platanes.

En quelques années, des sujets en bonne santé finissent par mourir. Ce parasite est une espèce très préoccupante, à double titre.

Tout d’abord, il est principalement transmis via les outils, engins ou véhicules qui, en entrant en contact avec des platanes malades, deviennent porteurs de spores contaminantes s’ils ne sont pas correctement nettoyés et désinfectés. Si les professionnels du paysage ont parfois connaissance de ce pathogène et des précautions à prendre, ce n’est pas le cas des entreprises de voieries, réseaux divers (VRD) ou de BTP, ce qui démultiplie les risques de dispersion de la maladie par les activités humaines.

Ensuite, il n’existe aucun moyen de lutte spécifique. Les arbres atteints ne peuvent être sauvés. Il est cependant nécessaire de procéder à leur élimination pour éviter la contamination des platanes sains.

 

Dissémination du parasite et obligation de lutte

Le champignon serait arrivé en France à Marseille (Bouches du Rhône) depuis l’Amérique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale sur les caisses en bois de platane ayant servi au transport d’armes. Présent dans le Sud-Ouest, son impact est particulièrement visible le long du Canal du Midi où il engendre l’abattage de milliers de platanes chaque année. Depuis 2019, il a également été détecté dans la moitié nord de la France, à Nantes, en Ile-de-France et aussi, plus récemment, à Chartres. En Italie, la maladie est présente quasiment partout. En Grèce, elle décime les forêts de platanes indigènes. La Suisse ne dénombre que quelques foyers, dont certains ont pu heureusement être éradiqués. Face à cette menace, la France et l’Europe ont décidé de réglementer ce champignon afin de rendre sa lutte obligatoire partout sur le territoire (espaces publics et privés, y compris les jardins des particuliers).

Un nouvel arrêté national sera d’ailleurs prochainement publié. Actuellement, entre autres mesures, on trouve l’obligation, partout sur le territoire, de désinfecter les engins et outils pour toute intervention sur ou à proximité de platanes (que ces platanes soient sains ou malades), de signaler au SRAL/Draaf (Service régional de l’alimentation/Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt) de sa région tout symptôme suspect. Si le diagnostic et l’analyse au laboratoire confirment la présence de chancre coloré, les platanes touchés et ceux dans les 35 mètres alentour – du fait des risques de transmission de platane en platane par les anastomoses racinaires – doivent être abattus. Le bois malade doit ensuite être incinéré. Pour surveiller les platanes à travers le territoire et guider les propriétaires pour l’assainissement des foyers de chancre coloré, le SRAL/Draaf travaille en collaboration avec les Fredon.

Carte
Carte de répartition du chancre coloré du platane au 28 septembre 2022 © P. De Jerphanion, ministère de l'Agriculture

Des mesures de sauvegarde qui posent question

Ces mesures, bien qu’utiles pour tenter de sauvegarder les platanes, posent aujourd’hui question aux experts et gestionnaires. En effet, les travaux de recherche sur ce champignon ne permettent pas de conclure sur leur pertinence – pourquoi en France a-t-on choisi d’abattre dans les 35 mètres alentour, là où l’Italie impose une distance de 300 mètres ? – ou sur leur efficacité – utilisation de produits désinfectants génériques dont l’efficacité contre le chancre coloré du platane n’a pas été évaluée. Les premiers travaux exploratoires conduits par la Ville de Lyon et l’expert arboricole Francis Maire démontrent d’ailleurs que certains des produits utilisés ne sont pas efficaces si appliqués dans les conditions de chantier. Tout ceci induit des coûts et des impacts sur l’environnement non négligeables, sans savoir si l’effet recherché est là. De plus, les délais et procédures imposées par la réglementation ne peuvent dans les faits être appliqués tels quels et nécessitent quasi systématiquement des adaptations au contexte local.

À l’issue de ces deux journées, il reste encore de nombreux points à éclaircir pour lutter le plus pertinemment possible contre cette maladie : les mesures réglementaires doivent s’adapter aux réalités de terrain. Les échanges, études et travaux doivent donc se poursuivre pour permettre aux platanes, arbres emblématiques des sites patrimoniaux et historiques, de continuer à embellir nos parcs et avenues. En attendant, il est nécessaire de continuer à communiquer sur cette maladie et sur les mesures permettant de limiter sa dispersion, en particulier auprès des publics hors professionnels du paysage, peu connaisseurs du sujet mais qui ont pourtant un rôle essentiel à jouer pour éviter sa diffusion potentielle.

PLATANOR : Plus résistant mais pas indemne…

S’agissant du platane résistant ‘Vallis clausa’ Platanor, développé par l’Inrae, le sujet de son utilisation fait débat. La réglementation interdit sa plantation en zone infectée suite à la détection de Platanor contaminés. Un rapport d’expertise de l’Anses de 2019 confirme ces recommandations. S’agissant des zones indemnes, il est parfois encore planté car il reste, quoi qu’il en soit, plus résistant que les autres variétés de platanes, mais il devient de plus en plus difficile de s’en procurer.

Symptômes en flamme sur l'écorce
On peut retrouver des symptômes en flamme sur l'écorce des platanes atteints par Ceratocystis platani, le chancre coloré © M. Guérin, Plante & Cité
Marge d'un chancre coloré
Aspect caractéristique de la marge d'un chancre coloré sur un tronc de platane: les veines sont d'un bleu violet mêlé d'orange, quelquefois nterrompues en pointillé © Inrae/Vigouroux André

Maxime Guérin
Chargée d’étude à Plante & Cité