L’analyse PCR : tout le monde en parle, on vous l’explique

En ces temps troublés par la crise due à la Covid-19, les tests PCR pour détecter le virus ont occupé le devant de la scène. Cependant, saviez vous que l’analyse PCR s’utilise également en matière de végétaux ?
Voici comment elle fonctionne et à quoi elle sert.

Tubes pour analyse PCR © Belova59 - Pixabay
Figure n° 1 La réplication de l’ADN.

L’analyse PCR (Polymerase Chain Reaction ou amplification en chaîne par polymérase) mime le phénomène biologique de synthèse de l’ADN (1*) appelé réplication. Au cours de la division cellulaire (mitose), la molécule d’ADN va être copiée en deux molécules filles, identiques entre elles et identiques à la molécule initiale. Chaque cellule fille en reçoit une copie.


La réplication de l’ADN

L’ADN forme une double hélice, semblable à une fermeture éclair, de deux brins complémentaires de nucléotides ou bases, orientés en sens inverse. Lors de la réplication, les deux brins se séparent sous l’effet d’une enzyme (hélicase) et chaque brin est copié par une ADN polymérase qui fonctionne dans un seul sens (signalé par une flèche verte dans le schéma, Figure n° 1).


La technique PCR

La technique PCR est une réaction chimique, réalisée in vitro sur un extrait d’ADN à analyser. Elle multiplie, presque à l’infini, une partie de cet ADN, le rendant facilement détectable. Découverte en 1986, cette technique a conduit à de très nombreuses variantes, adaptées à des usages particuliers. L’ADN extrait du végétal, par exemple, est mis en présence d’une polymérase thermorésistante, de deux courts fragments d’ADN synthétiques (2*) (ou amorces) et de nucléotides (adénine, thymine, guanine et cytosine). Ce mélange subit une succession de plu- sieurs dizaines de cycles de température, de l’ordre de quelques minutes. Chaque cycle comporte une première phase de dénaturation (95 °C) qui sépare les deux brins d’ADN de l’hélice, une deuxième phase d’appariement (56 °C) qui permet aux amorces de se fixer sur des régions très spécifiques de la partie d’ADN à analyser et, enfin, une troisième phase de synthèse de l’ADN, à l’aide d’une ADN polymérase (70 °C).

À la fin du premier cycle, le fragment original d’ADN à analyser a donné naissance à deux copies et un nouveau cycle commence. À chaque cycle, le nombre de copies croît de façon exponentielle : 2 puis 4, puis 8, 16, 32… et au bout de vingt cycles, le fragment original est multiplié en un million de copies spécifiques de la séquence (portion) d’ADN recherchée. Sa présence sera alors facile à identifier par différentes techniques (électrophorèse et/ou spectroscopie).

Le reste de l’ADN introduit dans la réaction (hors séquence à amplifier) n’est pas copié. La réaction de PCR est entièrement automatisée. Elle est réalisée dans un thermocycleur, appareil programmable, qui génère les cycles de températures. Sa capacité peut aller jusqu’à 96 ou 384 ana- lyses simultanément.

La technique est résumée dans la Figure n° 2. Après la dénaturation, qui permet aux deux brins d’ADN de se séparer, l’appariement des amorces complémentaires a lieu sur la portion d’ADN qui sera amplifiée. Seule la séquence d’ADN entre les deux amorces sera copiée (flèche rouge). Le choix des amorces, d’une vingtaine de nucléotides de long, synthétisées chimiquement, est très important. En effet, il conditionne la spécificité de l’amplification et donc la fiabilité du résultat de l’analyse. Il nécessite de connaître la portion d’ADN recherchée. Ensuite, la phase d’élongation (synthèse) produit la copie de l’ADN de manière exponentielle à chaque cycle. Le cycle suivant commence par une phase de dénaturation et ainsi de suite.

Figure n° 2 : Représentation schématique de l’amplification PCR

Une technique améliorée au fil du temps

Cette technique a subi de nombreuses améliorations qu’il est impossible de présenter ici. Seules trois seront rappelées. La PCR « classique » double la quantité d’ADN d’une séquence donnée à chaque cycle. Elle permet de visualiser la présence d’une séquence (gène, région particulière du chromosome…) mais ne donne pas de valeur quantitative.

La Real-Time PCR ou quantitative PCR (qPCR), permet de quantifier la présence d’une séquence d’ADN particulière. Il est alors possible d’analyser l’ADN extrait d’un échantillon en mélange d’individus et de déterminer le pourcentage de présence d’un gène ou d’une séquence donnée dans cette population d’individus. On peut ainsi quantifier la présence de bactéries pathogènes. La RT-PCR (Reverse Transcription-Polymerase Chain Reaction) est adaptée à la recherche de virus à ARN (comme le SRAS-CoV-2, responsable de la Covid-19). Dans une première phase, un brin d’ADN complémentaire de l’ARN recherché est produit à l’aide d’une ADN polymérase ARN dépendante (3*), suivie par la synthèse du second brin d’ADN. L’ARN recherché est ainsi transformé en ADN double brin, de séquence identique à celle de l’ARN initial. Il est alors soumis à une PCR classique.

Les principales utilisations chez les végétaux

Chez les végétaux, les applications sont nombreuses et diverses, notamment en création et en identification variétale, pour la détection d’organismes pathogènes ou pour l’analyse de produits en agroalimentaire. La détection de pathogènes concerne aussi bien les mycoplasmes (4*) que les virus, les bactéries, les champignons et même les nématodes ou les insectes. Tous ces organismes renferment des acides nucléiques dont des séquences spécifiques peuvent être détectées et identifiées par la technique PCR. Dans la plupart de ces pathogènes, l’information génétique est portée par l’ADN. Il existe toutefois des exceptions chez certains virus, les ribovirus, et chez les viroïdes (5*) où le matériel génétique est constitué par de l’ARN. La technique choisie sera alors la RT-PCR au lieu de la PCR classique réservée aux organismes à ADN. Les virus Y de la pomme de terre, de la sharka (abricotier), de la mosaïque du concombre, du fruit rugueux de la tomate ou le viroïde australien de la vigne sont des exemples de pathogènes à ARN.

Les principales utilisations chez les végétaux

Chez les végétaux, les applications sont nombreuses et diverses, notamment en création et en identification variétale, pour la détection d’organismes pathogènes ou pour l’analyse de produits en agroalimentaire. La détection de pathogènes concerne aussi bien les mycoplasmes (4*) que les virus, les bactéries, les champignons et même les nématodes ou les insectes.

Les symptômes de filiformisme, mosaïque et nécrose de la tomate provoqués par le virus de la mosaïque du concombre pouvent être détectés par PCR © Dominique Blancard, Inrae

 

Tous ces organismes renferment des acides nucléiques dont des séquences spécifiques peuvent être détectées et identifiées par la technique PCR.

Dans la plupart de ces pathogènes, l’information génétique est portée par l’ADN. Il existe toutefois des exceptions chez certains virus, les ribovirus, et chez les viroïdes (5*) où le matériel génétique est constitué par de l’ARN.

La technique choisie sera alors la RT-PCR au lieu de la PCR classique réservée aux organismes à ADN.

Les virus Y de la pomme de terre, de la sharka (abricotier), de la mosaïque du concombre, du fruit rugueux de la tomate ou le viroïde australien de la vigne sont des exemples de pathogènes à ARN.

 

 

La présence des pathogènes est recherchée dans des échantillons, présentant ou non des symptômes de contamination. L’analyse PCR apporte une réponse fiable dans des délais rapides. Les séquences recherchées et amplifiées demeurent particulières à l’organisme et parfois même à certaines souches de cet organisme, dont la détection spécifique peut présenter un intérêt particulier.

 

Les symptômes de filiformisme, mosaïque et nécrose de la tomate provoqués par le virus de la mosaïque du concombre pouvent être détectés par PCR © Dominique Blancard, Inrae

La recherche d’organismes nuisibles réglementés, ayant pour objectif de prévenir leur entrée ou leur dissémination sur le territoire, est très souvent menée par l’analyse PCR. La PCR sert également à l’identification variétale et/ou à la recherche de contrefaçons. Dans une espèce donnée, des amorces ont pu être définies pour distinguer des variétés, par la présence/absence de séquences d’ADN amplifiées et/ou par la taille de la séquence amplifiée.

La PCR crée ainsi une « empreinte génétique » de la variété qui est alors comparée à une gamme de variétés connues. Un couple d’amorces suffit à distinguer dix variétés de pommes de terre. C’est la même approche, avec un but très différent, qui est appliquée en criminologie !

Certaines analyses en agroalimentaire utilisent la PCR quantitative, qui permet non seulement d’identifier mais aussi de doser la présence d’un organisme ou d’ingrédients réglementés. La recherche de bactéries Escherichia coli productrice de toxines dans des aliments ou dans des végétaux (graines germées par exemple) repose sur la qPCR (ou real-time PCR) au travers de protocoles normalisés. La qPCR est la méthode utilisée pour quantifier la présence de grains ou d’ingrédients OGM (organismes génétiquement modifiés) dans des matières premières importées. Elle permet d’assurer que le seuil de 0,9 % d’OGM n’est pas atteint dans les lots analysés, respectant ainsi la réglementation en la matière.

 

L’utilisation de la technique d’analyse par PCR demeure aujourd’hui omniprésente dans le domaine du végétal. Son efficacité, sa fiabilité, sa sensibilité et la rapidité d’obtention des résultats sont ses principaux atouts. Les développements pour en faire un outil incontournable du quotidien et du terrain sont nombreux.

 

Alain Toppan
Membre correspondant de l’Académie d’Agriculture de France

 

(1*) ADN : Acide désoxyribonucléique, support d’information de tous les êtres vivants.
(2*) Fragments d’ADN produits par synthèse chimique à partir des quatre nucléotides et possédant une séquence prédéfinie.
(3*) Cette enzyme aussi appelée transcriptase inverse synthétise une molécule d’ADN à partir d’une molécule matrice d’ARN.
(4*) Aussi appelés phytoplasmes, ce sont des organismes unicellulaires, pathogènes de plantes transmis par des insectes. Ils ressemblent à des bactéries de petite taille, mais sont dépourvus de paroi.
(5*) Agents infectant les plantes, constitués d’un ARN circulaire de très petite taille et non codant.