L’agroforesterie : une clé pour l’agroécologie ?
Yves Birot
On peut définir l’agroforesterie comme la pratique de l’intégration délibérée d’une végétation ligneuse dans des systèmes de production végétale ou animale, pour bénéficier au plan économique et environnemental des interactions résultant de cette combinaison. On peut classer les principaux types de systèmes agro-forestiers rencontrés à partir des pratiques qui y sont observées :
1 – les systèmes traditionnels à forte valeur environnementale et culturelle : le bocage et ses haies, souvent mis à mal par l’agriculture intensive et la mécanisation;
2 – les systèmes arborés à production de haute valeur (vergers pâturés) ;
3 – les systèmes agri-forestiers combinant arbres (souvent plantés en ligne) et cultures intercalaires
4 – les systèmes sylvopastoraux combinant arbres (fourragers ou non), production d’herbe et pâturage ; on peut y rattacher les bandes tampons arborées naturelles ou plantées le long des rives des cours d’eau, les séparant des cultures adjacentes, pour protéger la qualité de l’eau.
Mais pourquoi des agriculteurs s’intéressent-ils à ces peuplements végétaux pluristratifiés ?
Synergies entre productions et services écosystémiques : de mieux en mieux connues
Les systèmes agroforestiers sont des agrosystèmes hétérogènes conçus pour produire des biens et des services multiples. Leur fonctionnement dépend fortement des relations interspécifiques entre arbres et plantes herbacées. Ces interactions peuvent se décrire (fig. 1) en termes de :
1 – compétition : partage d’une ressource donnée (eau ou nutriments) entre chaque espèce ;
2 – complémentarité (meilleure utilisation de la ressource disponible) ;
3 – facilitation (augmentation de la ressource à partager). L’objectif pour un système agroforestier est donc d’accroître la complémentarité et de générer la facilitation.
Dans les systèmes agroforestiers, les relations de complémentarité sont fortes. En effet les besoins des arbres et plantes herbacées sont souvent décalés dans le temps ou dans l’espace. Un bon exemple est le bilan d’utilisation de la lumière dans un système associant des arbres à feuilles caduques et des cultures d’hiver. La « plasticité » phénotypique et écophysiologique des systèmes racinaires est cruciale en agroforesterie : on observe des systèmes racinaires plus profonds du fait de la compétition Cependant, un même système agroforestier peut être efficace dans un environnement pédoclimatique donné, et peu dans un autre. Les avancées dans le domaine de la modélisation biophysique des interactions permettent aujourd’hui de simuler le comportement des systèmes agroforestiers dans des contextes différents, et donc de raisonner le choix du système. Une mesure de l’efficience globale est le LER (Land Equivalent Ratio) qui intègre l’ensemble de ces relations. Sans complémentarité ou facilitation, le LER est de 1. Les LER mesurés ou simulés en agroforesterie tempérée varient souvent entre 1.2 à 1.6, (gains de productivité de 20 à 60 %) ce qui témoigne de fortes relations de complémentarité et de facilitation (fig. 2). Cette efficacité est très supérieure à celle mesurée dans les mélanges de plantes herbacées. Ces gains de productivité montrent qu’il est possible d’allier services écosystémiques et production diversifiée (par exemple grain et bois).
L’agroforesterie : un levier potentiel d’intensification écologique
Les systèmes pluristratifiés bien conçus présentent, par rapport aux monocultures, de nombreux avantages en termes de services écosystémiques. On peut en donner des exemples à partir de la typologie proposée par le Millenium Ecosystem Assessment (2005).
Concernant les services d’approvisionnement, ces systèmes offrent une diversification des productions (exemple, bois et céréales, ou bois et viande). Des services de support sont également assurés à travers :
1 – la production primaire et ses composantes : exportation, immobilisation et litière
2 – le cycle des nutriments : les arbres participent par leurs racines profondes et leurs associations symbiotiques à l’altération de la roche-mère, à l’extraction et à la remontée des éléments minéraux ; le profil hydrique du sol est également exploité plus complètement
3 – l’effet sur la biodiversité avec éventuellement une influence positive sur le contrôle des bioagresseurs et la pollinisation des cultures grâce à une faune auxiliaire hébergée par les arbres. À l’échelle du paysage, les systèmes agroforestiers viennent compléter la fonctionnalité écologique d’autres éléments boisés : linéaires, bosquets, petites forêts paysannes.
Les systèmes agroforestiers offrent également de nombreux services de régulation. Concernant le microclimat, le couvert arboré contribue au « cooling » de la parcelle par la réflexion de la radiation solaire (albédo) et la transpiration des arbres, la baisse de l’évaporation du sol et la hausse du taux d’hygrométrie (cf. photo en début d’article). Les arbres participent aussi à l’atténuation de l’effet de serre en séquestrant le carbone dans la biomasse aérienne et racinaire, et dans le sol. Les arbres contribuent au cycle de l’eau par leur transpiration, et, lorsqu’ils sont plantés en courbes de niveau, permettent le contrôle du ruissellement et de l’érosion du sol. On peut citer enfin les services sociétaux, certains systèmes agroforestiers ayant une fonction patrimoniale marquée.
Il convient de souligner le caractère dynamique d’un système agroforestier du fait de la croissance des arbres. Certains des effets environnementaux mentionnés ci-dessus vont donc évoluer dans le temps. La compétition pour la lumière des arbres avec la strate cultivée est le cas le plus connu. On peut la limiter en réduisant la densité des arbres pour conserver en fin de cycle entre 50 et 100 tiges/ha selon les essences et la fertilité du sol, et/ou en diminuant la surface en culture, ce qui conduit à un sacrifice de revenu à court terme.
Les systèmes agroforestiers : des freins et verrous à lever
Dans un système agroforestier performant, les parcelles agroforestières ont une rentabilité comparable à celle des parcelles agricoles. Elles permettent de maintenir un revenu annuel grâce aux cultures intercalaires, et de constituer un capital de valeur (par exemple bois de noyer), avec toutefois des problèmes de trésorerie à certaines périodes. Pour autant, l’implantation de tels systèmes est lente (on compte en France moins de 2,000 ha conduits en agroforesterie « moderne ») pour plusieurs raisons :
A – un profond clivage de mentalité, entre agriculteurs et forestiers, qui a été amplifié par l’intensification de l’agriculture et sa mécanisation. Toutefois, les relations hier conflictuelles se sont aujourd’hui apaisées.
B – la décision de planter des arbres concerne le long terme (plusieurs dizaines d’années), qui demande de prévoir l’évolution du système de production et de parier sur sa position vis-à-vis des marchés et de la politique agricole, mais aussi de prendre en compte les effets du changement climatique ; elle peut affecter des éléments structurels de l’exploitation comme le parcellaire mais aussi l’équipement (matériels de traitements et d’épandage d’engrais, dispositifs d’irrigation) ; enfin, elle requiert un statut foncier stable jusqu’à l’exploitation des arbres.
C – les performances actuelles évaluées des systèmes agroforestiers sont en deçà des attentes de la profession agricole, retardant d’autant leur acceptabilité et leur mise en œuvre.
Plusieurs verrous existent :
1 – les leviers agrotechniques et génétiques à mobiliser au sein des systèmes de culture pour améliorer les productivités conjointes des arbres (sur le long terme) et des cultures associées (sur le court et moyen terme) ; de plus, les systèmes agroforestiers sont plus complexes à piloter que les monocultures ;
2 – la quantification des propriétés de résilience, efficience, et autonomie, dans un contexte de grande diversité des situations agricoles françaises, nécessitant l’étude de nombreuses combinaisons « systèmes agroforestiers/systèmes de culture et d’élevage x pédoclimat x intrants » ;
3 – la mobilisation de ces connaissances dans des analyses socio-économiques permettant d’appuyer la mise en œuvre de politiques et de conseils adaptés aux spécificités des territoires ;
4 – la question du manque de soutiens financiers nationaux et européens à l’agroforesterie ; de récentes mesures viennent de corriger ce handicap.
[1] Au plan scientifique, l’agroécologie associe les connaissances de la biologie, de l’agronomie et de la science des écosystèmes. Au niveau des pratiques, l’agroécologie désigne des « systèmes de culture » conçus pour minimiser la pression (consommation d’eau, d’énergie fossile, utilisation d’intrants..) sur l’environnement tout en assurant une productivité optimale.
Depuis 3 ans j’ai crée un potager à 1.50 d’une haie de Charme.
Je vais renoncer à ce projet car j’ai une grande quantité de racines qui viennent dans cet espace.
Y aurait-il une solution pour ce problème?
Je ne bêche pas le sol. J’utilise qu’une grelinette.
Bonjour,
nous vous conseillons de soumettre votre problématique sur HortiQuid, notre service de réponses aux questions de jardiniers par des experts.
Excellente journée à vous et bonne lecture sur jardinsdefrance.org !
Sophie Royné pour Jardins de France
Bonjour,
Il faut planter des cumtures au pied des arbres lorsqu’ils sont jeunes.
Cela force les arbres à développer leurs racines en profondeur pour trouver de l’eau sans être en compétition.