La symbiose mycorhizienne : une association entre les plantes et les champignons
Jacques-André Fortin
Quoi de mieux, pour présenter cet ouvrage « La symbiose mycorhizienne », que de reprendre sa préface rédigée par Jacques André Fortin, biologiste québécois réputé, ancien directeur et fondateur de l’Institut de recherches en biologie végétale de l’Université de Montréal.
« À la lecture de cet ouvrage presque encyclopédique écrit par Jean Garbaye, il m’est apparu que le temps est venu de reconnaître l’étude de la symbiose mycorhizienne sensu lato non plus comme une science secondaire empruntant seulement les voies de la phytologie et de la mycologie, mais plutôt comme une science per se sous le vocable de mycorhizologie, pour désigner l’étude d’un phénomène prenant de plus en plus de place dans la connaissance des systèmes vivants.
Il faut dire que cette science relativement récente et encore méconnue des biologistes, agronomes, forestiers et environnementalistes de la planète bouleverse les idées reçues en commençant par le concept d’évolution des espèces, qui met plutôt en avant l’évolution des systèmes vivants. L’étude de l’évolution des symbioses mycorhiziennes contrarie surtout nos collègues zoologistes agissant en quelque sorte comme les détenteurs des canons de l’évolution.
Dans cet ouvrage, l’auteur nous invite à suivre la piste évolutive des symbioses mycorhiziennes. Je me réjouis de découvrir les connaissances qui confortent ma profonde conviction que ce phénomène est fondamental et universel dans l’évolution et le fonctionnement des espèces et des écosystèmes terrestres. Ce qui nous permet de constater que la sélection naturelle favorise les organismes qui s’associent, et pas seulement les plus forts. Il faut donc insister sur la sélection non plus des espèces, mais plutôt des systèmes vivants comme nous le présente Jean Garbaye. L’état mycorhizien constitue un système vivant entraînant l’évolution des espèces de plantes et de champignons, ce que l’ouvrage exprime très bien. Bien sûr il n’y a pas que mutualisme dans les systèmes vivants ; il y a comme toujours des exceptions et des déviations, mais on peut considérer que le mutualisme a joué un rôle aussi puissant sinon plus que la compétition et la prédation dans l’évolution des espèces et des écosystèmes terrestres.
L’intérêt manifesté pour la mycorhizologie est nouveau et Jean Garbaye en relate avec soin le parcours. Même si le terme mycorhize a été créé il y a plus de 125 ans, la mycorhizologie a évolué lentement. Jusqu’aux années 1980, période où Jean est entré comme jeune chercheur, les physiologistes, les écologistes, les agronomes et les forestiers du monde considéraient le phénomène comme marginal, tant du point de vue fondamental qu’appliqué. J’aime à penser que la cinquième conférence nord-américaine sur les mycorhizes qui s’est tenue à Québec en 1981 a constitué un tournant dans cette histoire, avec ses 375 participants venus de plus de 50 pays. Ce fut l'occasion pour Jean, de présenter sa première communication internationale, et aussi d’asseoir ses convictions quant à l’importance du phénomène.
Cesse de considérations historiques et revenons à cette superbe contribution : La symbiose mycorhizienne, une association entre les plantes et les champignons. Bien qu’il existe des ouvrages tentant de faire la synthèse des connaissances en mycorhizologie, celui-ci s’en démarque par son caractère encyclopédique. Il est vain de chercher un oubli, tout y est, allant des notions les plus fondamentales et universelles jusqu’aux exceptions dans la vie intime d’espèces ayant dévié de multiples façons, par rapport aux modèles de base.
J’apprécie beaucoup la présentation selon une trilogie débutant avec des perceptions tombant facilement sous le sens, utilisant le point de vue du naturaliste. Cette invitation permet de déchiffrer la terminologie de base de la mycorhizologie et en même temps de percevoir le phénomène dans toute sa plénitude.
Vient ensuite le point de vue plus pointu du biologiste qui nous invite à plonger dans les mécanismes biochimiques et physiologiques permettant de comprendre le fonctionnement de l’équilibre symbiotique. Surtout il expose comment ces mécanismes jouent un rôle dans la vraie vie des plantes confrontées aux exigences environnementales des milieux naturels complexes, où elles entrent en interactions avec le sol et ses ressources en eau et en nutriments. Bien sûr il nous conduit beaucoup plus loin comme pionnier de la reconnaissance des bactéries et autres organismes associés aux mycorhizes proprement dites. Sa contribution originale à l’écophysiologie des ectomycorhizes notamment par leurs activités enzymatiques ouvre de nouveaux horizons en mycorhizologie débouchant sur de nombreux aspects appliqués.
Nous avons, dans la dernière partie, le point de vue de l’agronome auquel s’ajoute sûrement celui du forestier. Le temps est venu de parler du rôle et de l’utilisation des connaissances dans les pratiques agricoles et forestières. Cet aspect de la mycorhizologie connaît une expansion accélérée dans le monde entier. L’Inde a reconnu, récemment, d’intérêt national la technologie mycorhizienne. L’adaptation des connaissances à des milieux, des espèces et des pratiques les plus variés présente autant de défis à relever ; ces nombreux travaux trouveront une source d’inspiration dans ce travail exemplaire.
L’ouvrage de Jean Garbaye arrive à point nommé, pour les pays émergents où la sécurité de la production alimentaire devient une préoccupation quotidienne. De la même façon dans les pays industrialisés, la pratique d’une agriculture durable passera obligatoirement par une connaissance approfondie et une utilisation raisonnée de la technologie mycorhizienne.
Nombreux sont les pays francophones confrontés à cette problématique qui disposeront dorénavant d’un ouvrage exceptionnel en leur langue pour l’enseignement, la recherche et l’utilisation des mycorhizes. Un livre qui devrait faire beaucoup d’envieux chez nos collègues anglophones. »