La stimulation mécanique pour contrôler la croissance de l’hortensia

Alors que les régulateurs de croissance sont aujourd’hui utilisés en priorité sur l’hortensia mais présentent des effets néfastes sur l’environnement et la santé humaine, la stimulation mécanique semble une piste prometteuse. Voici pourquoi.

Les retardateurs de croissance : enjeux et alternatives

Les régulateurs de croissance (ou PGR : Plants Growth Regulators) sont des analogues synthétiques des hormones naturelles végétales qui modifient l’équilibre naturel des phytohormones, influençant ainsi divers processus physiologiques, tels que le développement des organes, la maturation des fruits ou la senescence des feuilles. Parmi les PGR, les retardateurs de croissance, ou nanifiants, sont utilisés pour limiter l’élongation des tiges et favoriser la ramification des plantes orne-mentales, améliorant ainsi leur compacité. Cette compacité est particulièrement recherchée pour des raisons esthétiques, mais aussi pour optimiser l’utilisation des surfaces de culture et de stockage, réduire les coûts de transport lors de la commercialisation des produits et diminuer les besoins en eau et en fertilisants. Toutefois, les retardateurs de croissance ont des effets néfastes sur l’environnement et la santé humaine, notamment en affectant la reproduction des mammifères, la biodiversité, et en polluant l’eau et les sols. Face à la demande sociétale visant l’abandon des produits chimiques de synthèse en agriculture, des plans d’action pour promouvoir des alter-natives ont été lancés. Concernant les nanifiants chimiques, l’idée est d’utiliser des facteurs environnementaux, tels que la stimulation mécanique, les restrictions en eau et en éléments minéraux, et différents spectres lumineux, afin de contrôler l’allongement des tiges pour de nombreuses espèces cultivées, y compris les plantes ornementales.

Figure n° 1 : Exemples de stimulations mécaniques subies par les plantes

La stimulation mécanique : un facteur environnemental clé pour la croissance végétale

La stimulation mécanique comprend l’ensemble des forces physiques et des actions mécaniques appliquées aux plantes, tels que le vent, la pluie, la mastication animale, ou les manipulations humaines (Figure n° 1). Bien que ces stimuli puissent endommager les plantes, celles-ci ont développé des mécanismes adaptatifs. Les principales réponses incluent la réduction de l’élongation des tiges et l’augmentation de leur diamètre. En outre, la stimulation mécanique peut induire une augmentation de la ramification et une réduction de la surface foliaire chez certaines espèces. Ces réponses contribuent au développement de plantes plus compactes et robustes, améliorant ainsi leur résistance aux contraintes mécaniques tout en préservant leur posture verticale. Ces observations illustrent le concept de thigmomorphogenèse, qui désigne les modifications du développement des plantes en réponse aux contraintes mécaniques. L’ensemble des réponses thigmomorphogénétiques1 coïncide avec l’objectif des horticulteurs, qui est d’accroître la compacité des plantes produites. Toutefois, les réponses varient selon les espèces végétales, leur nature ligneuse ou herbacée, ainsi que la fréquence et le type des stimulations.

Figure n° 2 : Effets de la stimulation mécanique et d’un régulateur de croissance chimique sur la croissance et le développement de l’hortensia (Ley-Ngardigal et al., 2024)
Figure n° 3 : Charriot d’arrosage équipé d’une bâche en plastique frangée et d’une bande engluée jaune pour le piégeage des insectes (Astredhor Sud-Ouest GIE Fleurs et Plantes, 2016)

Contrôler la croissance de l’hortensia par des stimulations mécaniques

Dans ce but, Hortensia France, premier producteur français d’hortensias, s’est associé avec l’Institut de recherche en horticulture et semences (IRHS) à Beaucouzé, près d’Angers (Maine-et-Loire), pour créer un laboratoire commun dénommé « LabCom Match » (Méthodes alternatives aux traitements chimiques sur hortensia). Dans ce cadre, une thèse a été réalisée pour évaluer et comprendre les effets de la stimulation mécanique sur la croissance des hortensias, avec l’objectif de remplacer ou de réduire l’utilisation des nanifiants chimiques. Ce dispositif expérimental a permis de comparer les effets d’une bâche en plastique non frangée à ceux d’une barre en bois. Les tiges de jeunes plants de plusieurs variétés d’hortensia étaient fléchies symétriquement (un ou douze allers-retours par jour) pendant cinq jours consécutifs, suivis de deux jours de pause, et ce, pendant trois semaines. Les résultats ont montré que la bâche en plastique réduisait efficacement l’allongement des tiges sans causer de dommages, contrairement à la barre en bois qui provoquait des blessures et des déracinements. L’application de douze flexions par jour avec une bâche frangée a réduit la hauteur des tiges de 38 %, contre 18 % avec une seule flexion par jour par rapport aux plantes témoins non stimulées mécaniquement (Figure n° 2). En outre, la surface foliaire a nettement diminué, avec douze flexions par jour. Bien qu’elle n’atteigne que 66 % de l’efficacité d’un retardateur sur la croissance des tiges, la stimulation mécanique a l’avantage d’augmenter le diamètre des tiges de 98 %, alors que les nanifiants réduisent l’épaisseur des tiges de 30 %. Par conséquent, la stimulation mécanique renforce la robustesse des plantes par rapport aux traitements chimiques. Les plantes stimulées mécaniquement ont également montré une floraison comparable à celle des plantes non stimulées ou traitées chimiquement, confirmant l’efficacité de la stimulation mécanique comme méthode alternative de contrôle de la croissance. Enfin, la stimulation mécanique a favorisé la basitonie2 des hortensias, un critère de qualité recherché pour les buissons d’ornement, contrairement aux nanifiants chimiques qui favorisent l’acrotonie3.
La sensibilité des plantes aux contraintes mécaniques répétées est cruciale. Une étude sur de jeunes peupliers a montré que deux flexions asymétriques pouvaient réduire leur sensibilité au stress mécanique et limiter la croissance diamétrale. Cependant, chez l’hortensia, aucune désensibilisation n’a été observée après cinq semaines de stimulation quotidienne, démontrant la robustesse de cette méthode pour le contrôle de la croissance en horticulture. La stimulation mécanique offre des avantages importants aux producteurs en remplaçant partiellement les nanifiants chimiques, en renforçant la robustesse des plantes et en favorisant une ramification à leur base, comme souhaité par les consommateurs. Sa simplicité et son faible coût, grâce à l’utilisation d’équipements existants comme les chariots d’irrigation, en font une solution pratique (Figure n° 3). Ces travaux ont des implications pour la culture de l’hortensia mais aussi pour d’autres espèces horticoles, tant en serre qu’en plein air, soulignant le potentiel de la stimulation mécanique dans l’agriculture durable.

Bera Ley-Ngardigal
Chercheuse post-doctorante, IRHS – UMR1345, Inrae Centre-Pays de la Loire

1 De « thigmo » ou « thígma » qui signifie contact ou tactile en grec.
2 Croissance des bourgeons à la base de la tige.
3 Croissance des bourgeons au sommet de la tige.

POUR EN SAVOIR PLUS

Ley-Ngardigal, B. (2023). Analyse des réponses et de la mémoire de l’Hortensia (Hydrangea macrophylla L.) à des spectres lumineux et des stimulations mécaniques, potentiels traitements alternatifs aux retardateurs de croissance chimiques. Available at : https://theses.fr/2023ANGE0057

Ley-Ngardigal, B., Roman, H., Brouard, N., Huche-Thelier, L., Guerin, V., and Leduc, N. (2024). Recurrent symmetrical bendings cause dwarfing in Hydrangea through spatial molecular regulation of xylem cell walls. Frontiers in Plant Science 14, 1-16.