La Société Centrale d’Horticulture de Nancy, une jeunesse de 140 ans
Colette Keller-Didier
À une époque où peu de valeurs perdurent, celles qui ont présidé à la création de la Société Centrale d’Horticulture de Nancy (SCHN) lient aujourd’hui encore fortement ses membres. Elles se nomment : respect de l’environnement, culture des espèces végétales locales et sans pesticides, économie de la ressource en eau, préservation des vergers anciens, mise en valeur de l’horticulture sous toutes ses formes. Ces pratiques méritent que l’on consacre quelques instants à honorer la mémoire de ceux qui ont créé cette Société à leur image pour le profit de tous ceux qui ont du goût pour l’horticulture. C’est pourquoi, le dimanche 8 janvier 2017, le conseil d’administration a souhaité fêter les 140 bougies de la SCHN.
Un peu d’histoire
Après la guerre de 1870, Nancy devient l’une des villes les plus dynamiques de France en matière d’horticulture. Les conséquences politiques liées à la guerre ont grandement favorisé l’ancienne capitale du Duché de Lorraine. L’explosion de la population, l’afflux de capitaux et d’industries contribuent au développement de l’économie locale et l’horticulture ne fait pas exception.
Une multitude d’horticulteurs sont alors en activité à Nancy et dans sa ceinture maraîchère. De grands noms se distinguent : les maisons Crousse (dont le père a laissé la place à son fils François-Félix), Gerbeaux, Grandjean, Simon-Meyer, Vergeot, Bel, Picoré, maître de l’arboriculture et de l’art paysager dont il enseigna tous les secrets à l’ensemble d’une génération de professionnels et d’amateurs. Citons aussi la maison Lemoine, menée par Victor Lemoine, qui s’est imposée, depuis le décès de Jean-Baptiste Rendatler, comme la plus réputée des maisons horticoles de Nancy.
Cependant, si le mouvement horticole nancéien est en pleine expansion, il en va autrement de l’organisation professionnelle de ce secteur. En 1876, Nancy est l’une des seules grandes villes de France à ne pas posséder de société d’horticulture autonome. Cette situation est source de complications, notamment dans l’organisation des expositions horticoles.
Ainsi, en 1877, un groupe d’horticulteurs nancéiens et de pépiniéristes jette les bases de notre Société, afin de participer au concours agricole organisé à la Pépinière : ce sera la SCHN.
Le 5 janvier 1877, une commission composée de Messieurs Arnould fils, Alix (pépiniériste), Berthier-Rendatler, François-Félix Crousse, Victor Lemoine et Vergeot (horticulteurs), réunis à l’Hôtel de Ville, constitue l’association.
Au cours de la séance tenue le 17 février suivant, le comité de la Société naissante est définitivement fondé :
« L’assemblée désigne, par acclamation, président Monsieur Léon Simon, directeur des grandes pépinières Simon-Louis de Plantières-lès-Metz, et secrétaire général Monsieur Emile Gallé, le grand artiste et botaniste. Le bureau était également composé de Messieurs Victor Lemoine et Laurent horticulteurs et pépiniéristes comme vice-présidents, Berthier-Rendatler, puis Alix comme trésorier, Arnould père, Ducard père, Grangeorges, Vergeot et Simon -Meyer comme conseillers. »
Le concours agricole, prétexte de la création de notre Société, a lieu du 23 juin au 1er juillet 1877. L’exposition de la SCHN est un succès. Dès lors, elle acquiert ses titres de noblesse qui, au cours des ans et sous l’impulsion de ses présidents successifs, ne seront jamais démentis.
1920-1939 : les années folles de la SCHN
Bien que moins connue, cette période est sans doute celle où la SCHN se révèle la plus créative, la plus flamboyante. Le bâtonnier Georges Boulay, président de 1920 à 1934, donne à la SCHN (en sommeil pendant la Grande Guerre) une impulsion nouvelle. Le tout-Nancy mondain participe aux expositions, bals, concerts, animés par une équipe de dames patronnesses dynamiques. Des concours de balcons fleuris, de corsages fleuris, de l’école fleurie, de mosaïculture entre les élèves de l’École des Beaux-Arts donnent un nouvel élan à la Société, dont le nombre d’adhérents dépasse le millier à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Les fleurs, inspiratrices des arts lorrains
En 1920, Émile Nicolas, secrétaire général de la SCHN, propose un texte fondateur qui liera les artistes lorrains et la SCHN : « Nulle part sur la terre de France, l’art ne dépend aussi étroitement de l’étude de la nature qu’en Lorraine. Ce phénomène est dû à un initiateur de génie, Émile Gallé, qui fut si longtemps secrétaire général de notre Société, puis vice-président. Si ce grand artiste avait voué un culte fervent à la flore de nos champs, de nos prairies et de nos bois, il étendait ce culte d’une façon toute particulière aux plantes de nos jardins. La plus grande joie d’Émile Gallé fut de voir s’épanouir autour de lui une floraison d’ébénistes et de sculpteurs… »
Chaque année, entre les deux guerres, un concours est ouvert aux artistes nés ou domiciliés en Lorraine. Ils viennent proposer leurs oeuvres inspirées de la flore lors des expositions d’horticulture.
Elles mettent en compétition les horticulteurs et les arboriculteurs qui y rivalisent d’inventivité ; il faut y être le meilleur et le plus créatif, présenter les plus belles plantes ou les plus beaux fruits et, bien entendu, le plus grand nombre de variétés. La régularité et le style des expositions, la qualité des membres des jurys et l’intensité des compétitions sont de puissants stimulants pour la recherche, l’expérimentation et l’innovation.
Expositions et rencontres au coeur de l’action de l’association
Les expositions se tiennent une ou deux fois par an, en été et à l’automne. De nombreux horticulteurs y participent et accordent le plus grand soin à l’organisation de leur espace ou de leur stand. Les distinctions décernées par le jury sont très recherchées. À l’issue de chaque exposition, le palmarès des récompenses est proclamé et rapidement publié dans la presse quotidienne, puis dans les bulletins des sociétés d’horticulture.
Aujourd’hui, les deux fêtes annuelles de printemps et d’automne mettent en valeur les savoir-faire de l’horticulture : Nature en Fête et Pépinière en Vert, organisées par la Direction des parcs et jardins de la ville de Nancy, auxquelles la SCHN apporte concours et présence. Notre section d’art floral s’y distingue par des compositions d’une grande diversité, originales et innovantes, très remarquées par le public.
Le 8 janvier 2017, la célébration de notre anniversaire est sublimée par la présentation d’une nouvelle variété d’heuchère « Heucheria so ho Nancy » (comme Société d’Horticulture de Nancy) obtenue par Jean-Marc Bernard, horticulteur à Moncel-sur-Seille (54).
Nous nous retrouvons ensuite sous le noyer d’Amérique, arbre remarquable implanté à Nancy dans le premier jardin botanique de la ville, le jardin Dominique-Alexandre Godron, en même temps que la SCHN naissait. Cet arbre est le témoin vivant des cent quarante années écoulées. Chaque participant a reçu une de ses noix pour immortaliser cet instant mémorable.