LA RSE : Un dirigeant convaincu témoigne

« La RSE, c’est la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable », résume le ministère de l’Économie*. Mais comment une entreprise peut-elle mettre cette définition en pratique ? Rien de tel qu’un témoignage pour répondre à cette question. Voici celui de Quentin Lefaucheux, fondateur de la société Solev.

Quentin Lefaucheux
Quentin Lefaucheux © Solev

 

Quentin Lefaucheux a fondé la société Solev il y a seize ans. Elle est spécialisée dans la création et l’entretien de jardins et d’espaces verts.

Ses clients sont variés, ils vont du particulier à de grandes infrastructures comme celles de la SNCF, les autoroutes mais aussi les jardins haut de gamme.

Avant d’en arriver là, ce fils d’agriculteur a travaillé plusieurs années chez Syngenta au service Recherche & développement et marketing. « Mais la philosophie de l’entreprise ne correspondait pas à mes idées, précise-t-il, avec un modèle peu soutenable pour moi. »

Il décide de la quitter tout en reconnaissant qu’elle lui a beaucoup appris. « J’avais envie d’avoir ma propre entreprise, correspondant à mes convictions. »

 

Lorsqu’il rachète le fonds de commerce d’une entreprise locale pour créer sa propre société, il veut lui apporter ses valeurs, qu’elle soit à son image. « Je souhaitais inscrire le développement, l’animation de l’entreprise dans un cadre RSE, même si je n’aime pas trop cet acronyme. Je voulais gérer l’entreprise dans le respect des humains et de la planète, dans un contexte où il faut se fixer des limites et partager les résultats. » Certes, une entreprise doit viser la performance économique mais, dans le cadre de la RSE, elle doit s’inscrire dans un certain nombre de critères sociaux et environnementaux.

Un projet sur les rails

Membre du CJD (Centre des jeunes dirigeants) du Vaucluse, Quentin Lefaucheux démarre une réflexion puis s’inscrit dans le dispositif « Cèdre », lancé par la Région. Ce programme a pour but d’accompagner les chefs d’entreprise voulant progresser dans le cadre de la RSE. Des consultants aident à définir les objectifs, à mettre en place la stratégie et à trouver les moyens, comme la recherche de subventions. Quentin Lefaucheux aime à citer l’exemple de son activité avec la SNCF, l’un de ses importants clients. « Nous avons analysé les enjeux de la société : assurer une régularité du trafic. » Dans le cadre d’une activité espaces verts, cela consiste à anticiper les risques en maintenant une végétation adaptée, et en gérant les clôtures pour éviter la pénétration du gibier sur les voies, cause principale du retard des TGV ! Le but étant de basculer d’une rémunération à la surface entretenue ou au nombre d’arbres abattus à une rémunération des services à la performance donc, dans cet exemple, à la réduction du nombre de trains retardés plutôt qu’au volume d’activité (arbres abattus…). Les principaux bénéfices de cette démarche sont la recherche d’efficience dans les opérations et la quête de sens pour les collaborateurs.

La RSE, responsabilité sociétale des entreprises

La responsabilité sociétale des entreprises (RSE), également appelée responsabilité sociale des entreprises, est définie par la Commission européenne comme l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et à leurs relations avec les parties prenantes.

En d’autres termes, la RSE c’est la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable. Une entreprise qui pratique la RSE va donc chercher à avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable.

Grands principes RSE

Sept thématiques

La norme ISO 26000, standard international, définit le périmètre de la RSE autour de sept thématiques centrales :

– la gouvernance de l’organisation ;
– les droits de l’Homme ;
– les relations et conditions de travail ;
– l’environnement ;
– la loyauté des pratiques ;
– les questions relatives aux consommateurs ;
– les communautés et le développement local.

Source : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/responsabilite-societale-entreprises-rse#

NB : La RSE est une démarche différente de la HVE (Haute Valeur environnementale). Elle concerne les « pratiques agricoles en matière de respect de la biodiversité, de stratégie phytosanitaire, de gestion de la fertilisation et de gestion de la ressource en eau ».
https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-la-haute-valeur-environnementale

Un modèle très participatif

La RSE c’est aussi l’implication des salariés dans l’activité de l’entreprise. « Nous organisons des ateliers de discussion pour parler de ce qui va ou ne va pas. S’exprimer n’est pas forcément râler ! » Les collaborateurs aident à définir l’amélioration des conditions de travail. C’est l’occasion d’expliquer la RSE, son adaptation à l’activité de l’entreprise, de montrer son intérêt comme la qualité de vie au travail, la prise en compte des enjeux du respect de l’environnement. Les salariés s’expriment aussi sur les horaires, le plan d’investissement, la répartition des gains (un tiers du résultat va aux salariés)…

Une dynamique d’innovation

Une des réalisations de Solev dans le cadre de sa démarche RSE : le réaménagement des jardins du palais et verger Urbain-V à Avignon (Palais des Papes), dans le Vaucluse © Solev

 

 

Ce modèle très participatif permet de développer collectivement des solutions. « Par exemple, en matière d’économies d’eau, nous sommes allés voir à l’étranger des méthodes peu développées en France. » C’est le cas des sacs d’irrigation Treegator** utilisés pour l’irrigation lente des arbres nouvellement plantés ou des bacs de plantation Groasis***, mis au point par un Néerlandais.

Solev les a importés en France et utilisés dans d’importantes réalisations, comme le boisement de carrières. Sur le plan sociétal, Solev est une entreprise d’insertion agréée par la Dreets (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités). Elle accueille deux à trois personnes éloignées de l’emploi. Solev leur fournit non seulement un travail mais assure également leur formation sur les savoirs de base. Au bout d’une certaine période, soit elles restent dans l’entreprise, soit elles en intègrent une autre grâce à ce parcours les ayant rendues « employables ».

 

Sortir de sa boîte

Afin de s’engager plus radicalement pour la défense de l’environnement, Quentin Lefaucheux a récemment décidé de céder son entreprise à Spie Batignolles Paysage, filiale du groupe Spie Batignolles. La démarche RSE a pesé lourd dans les motivations de l’acheteur. Quentin ne délaisse cependant pas sa société. Il a, tout d’abord, veillé à ce que les jeunes cadres de Solev rejoignent ceux de Spie. « Mon objectif est de transmettre cette dynamique, que les jeunes reprennent le flambeau. » Et Spie batignolles, très déterminée dans la démarche RSE, a même demandé à Quentin de l’accompagner en lui proposant un CDI ! Ce changement de statut est l’occasion, pour lui, de tirer un bilan de sa démarche RSE. « Quand on veut transformer une entreprise, on commence par le dirigeant. D’où la nécessité d’une rétrospection, d’une réflexion. Pour moi, la clef a été le collectif. J’ai rencontré beaucoup de collègues au CJD et d’autres instances, pas forcément du monde du paysage. Il faut éviter de s’isoler, de croire que l’on a la science infuse, il faut s’ouvrir au monde et aux confrères. » Et de conclure : « Pour s’en sortir, il faut savoir sortir de sa boîte ! »

Propos recueillis par Jean-François Coffin
Journaliste, membre du comité de rédaction de Jardins de France

* www.economie.gouv.fr/entreprises/responsabilite-societale-entreprises-rse
** https://treegator.com
*** www.groasis.com