Le kimono : une œuvre d’art dédiée aux motifs naturels

Symbole du Japon traditionnel, le kimono est un vêtement éminemment naturel : de la matière dans laquelle il est fabriqué aux dessins qui l’ornent, fleurs et arbres sont omniprésents. Découvrez quelques-uns de ses secrets.

Les motifs couvrant les kimonos sont souvent des symboles de longévité (pins, grues et tortues), de prospérité ou de bonheur. Les dessins sont dispersés ou groupés sur le tissu, voire superposés, mais offrent de larges espaces vides qui font « respirer » les compositions – © F. Sadrin

S’il existe un pays dont le vêtement traditionnel est inspiré par la nature, c’est bien le Japon et son plus fameux vêtement, le kimono. Avant l’introduction des vêtements occidentaux au Japon, le terme kimono (provenant du verbe kiru et du nom mono signifiant littéralement « chose que l’on porte sur soi ») désignait tous les types de vêtements. De nos jours, il se réfère à la robe traditionnelle japonaise portée essentiellement pour les grandes occasions.

Le kimono est formé de rectangles de tissus pliés et cousus, mais jamais recoupés. Il est rectiligne, plié sous une longue ceinture, mesurant près de 4 mètres et appelée obi, afin de s’ajuster à la taille de la personne qui le porte et tombe généralement jusqu’aux chevilles. Sa particularité réside dans ses manches, très longues, pouvant même aller jusqu’au sol pour ceux des jeunes femmes célibataires.

Tissus, matières et dessin : que du naturel

Un kimono décoré de motifs floraux grâce la technique yuzen (application de la couleur à l’intérieur de zones délimitées par un filet de colle de riz) Roses, clématites, bambou sacré et abricotier du Japon – © F. Sadrin

Les tissus qui composent le kimono sont variés. Bien entendu, ce vêtement est constitué de matières naturelles. Ses origines remontent aux vêtements importés par la Chine vers le Ve siècle et dont le nom apparaîtra définitivement vers le XIIIe siècle. C’est la soie, si précieuse, qui en constitue la majorité, mais aussi le coton (parfois teinté de bleu à l’aide de Persicaria tinctoria, la renouée des teinturiers ou persicaire à indigo), la ramie (également appelée ortie de Chine, Boehmeria nivea var. tenacissima, une plante textile de la famille des orties utilisée pour la production artisanale depuis 6000 ans dans le monde), la fibre de murier, le chanvre, le lin, etc. Les kimonos offrent de vastes surfaces qui ne tiennent pas compte de l’anatomie, pas plus de l’homme que de la femme, et sont le support privilégié de l’expression artistique japonaise. Les kimonos anciens, surtout à partir de l’époque Edo (1603-1868), sont décorés par des motifs traditionnels protecteurs issus de la nature, plantes ou animaux tels que : pin, bambou, grue, tortue, libellule, cerisiers, pivoines, mauves, iris, etc. Ces motifs sont souvent des symboles de longévité (pins, grues et tortues), de prospérité ou de bonheur. Les dessins sont dispersés ou groupés sur le tissu du kimono, voire superposés, mais conservent de larges espaces vides qui font « respirer » les compositions.

 

Le vêtement comme œuvre d’art

À partir de cette époque, la décoration du kimono devient une œuvre artistique pour laquelle les peintres japonais vont même jusqu’à établir des catalogues de décors appelés hinagata bon. Hishikawa Moronobu (1618-1694), fils d’un teinturier et d’une brodeuse de fils d’or et d’argent, et Nishikawa Sukenobu (1671-1750), des écoles de peinture Kanô et Tosa, dès le premier quart du XVIIIe siècle en sont des représentants. Ces catalogues sont édités chaque année. Pour les dessins les plus en vogue, on procède même à des éditions spéciales. Les motifs figurant sur les kimonos devant varier avec les saisons, ils s’inspirent des fleurs du moment: cerisiers au printemps, iris et pivoines en été, érables en automne, chrysanthèmes et pruniers en hiver, etc. Des motifs comme celui de la rose, bara en japonais, n’arriveront qu’avec l’importation de ces fleurs et ne se retrouvent qu’à partir de la période dite « romantique » de Taishô (1912-1926).

Les pratiques décoratives sont nombreuses : la teinture peut être appliquée directement au pinceau ou au pochoir, ou bien en réservant, en protégeant certaines zones qui resteront blanches, soit par nouage, c’est-à-dire en liant l’étoffe à l’aide d’un fil (technique dite du shibori), soit en appliquant la couleur à l’intérieur de zones limitées par un filet de colle de riz, il s’agit du procédé appelé yuzen.

C’est surtout au cours du VIIIe siècle que la mode chinoise devient populaire au Japon, avec l’adoption du décolleté féminin. Au cours de la période Heian au Japon (794-1192), le kosode désigne un vêtement aux emmanchures étroites, au contraire de l’osode, aux manches longues. Les aristocrates portent un kosode de soie comme vêtement de dessous, recouvert par une ou plusieurs robes à larges manches. Les dames de la cour portent alors le Jûnihitoe, un vêtement composé de douze habits se superposant et laissant chacun apparaître le précédent suivant une stricte combinaison de couleurs qui change à chaque saison. Le terme « kimono » apparaît au XVIIIe siècle. Ce mot, à l’époque Momoyama, tel qu’il est employé dans les rapports de missionnaires portugais, permet de supposer qu’il est devenu synonyme du kosode. Au cours de l’époque d’Edo, le terme kosode reste, quasiment, le seul employé. Les manches sont devenues plus longues, spécialement pour les jeunes filles. Il est devenu le furisode, littéralement « manches qui pendent ». Depuis lors, la forme basique du kimono, tant chez la femme que chez l’homme, n’a presque plus évolué. Ceux réalisés avec talent dans des matériaux précieux sont considérés comme des œuvres d’art. Un kimono valant bien souvent plusieurs milliers d’euros, ce sont des objets de luxe, aujourd’hui comme hier.

Franck Sadrin
Pépiniériste, un jardin au Mont Blanc, spécialiste des cerisiers à fleurs et collectionneurs de kimonos