Jus et nectars, un mystère éclairci !

Jean Michel Le Quéré

Les Français consomment plus de 23 litres de jus de fruits par an et par habitant © Camille Jacquemond – INRA Corse
Les Français consomment plus de 23 litres de jus de fruits par an et par habitant © Camille Jacquemond – INRA Corse

Près de 23 litres par habitant de jus de fruits et nectars ont été consommés en 2013 par les Français, consommation qui a augmenté de plus de 21 % en 10 ans[1] ! Avec des fruits leaders…

Le palmarès de la consommation de jus revient aux oranges qui atteignent près de la moitié (47 %) de ce que boivent les Français. Viennent ensuite les jus multi-fruits (20 %), les jus de pomme (10 %), les jus vitaminés (8 %).

Les apports des jus de fruits (en polyphénols, vitamines et sels minéraux dont le potassium) sont les principaux arguments d’ordre nutritionnel en faveur de l’augmentation de la consommation[2].

Il existe plusieurs types de boissons non fermentées produites à partir des fruits. Mais les catégories redéfinies par les législations européenne et française ([3]et[4]) restent cependant mal connues et nous allons tenter de clarifier cette classification.

Plusieurs catégories de jus

Trois grands types de produits finis de boissons non fermentées sont produits à partir de fruits et qui  représentent l’essentiel de la production : les « nectars », les « jus de fruits » et les « jus à base de concentrés ». La législation actuelle définit en outre trois autres catégories qui sont moins utilisés : les « jus de fruits concentrés » (qui peuvent être destinés à la consommation directe), les « jus de fruits obtenus par extraction hydrique » et les « jus de fruits déshydratés ou en poudre ».

Les jus de fruit

La mention « Pur jus » signifie que les jus de fruits concernés n’ont subi ni concentration ni dilution et ne contiennent aucun additif - © J.-F. Coffin
La mention « Pur jus » signifie que les jus de fruits concernés n’ont subi ni concentration ni dilution et ne contiennent aucun additif – © J.-F. Coffin

Les jus de fruit sont définis comme « le produit fermentescible mais non fermenté obtenu à partir des parties comestibles de fruits sains et mûrs». De plus « les arômes, les pulpes et les cellules obtenus par des moyens physiques appropriés à partir de fruits de la même espèce peuvent être restitués au jus de fruits ». L’ajout de sucres, d’édulcorants, de colorants et de conservateurs est interdit mais des vitamines et des minéraux peuvent être incorporés. Ces jus sont également sensés posséder « la couleur, l’arôme et le goût caractéristiques du jus des fruits dont il provient ». Cette dernière partie de la définition légale semble cependant difficilement généralisable car, pour certains fruits comme la pomme, la couleur, l’arôme et même la saveur du jus sont fortement influencés par l’extraction et sont très variable selon les variétés utilisées. La mention « Pur jus » signifie que les jus de fruits concernés n’ont subi ni concentration ni dilution et ne contiennent aucun additif.

Troubles ou clarifiés

Les jus sont extraits par des « procédés mécaniques d’extraction », le plus souvent par l’application d’une pression, pour séparer le jus du résidu solide. Les procédés d’extraction peuvent être différents selon les fruits mais ce sont surtout les traitements post-extraction qui vont conduire à d’importantes différences de limpidité. On distingue ainsi les jus troubles, comme le jus d’orange, et les jus clarifiés.

La clarification commence en général par un traitement enzymatique pour hydrolyser la pectine qui contribue à maintenir en suspension les fines particules responsables du trouble. Il est parfois nécessaire de procéder à un collage (voir encadré sur adjuvants) pour agglomérer les particules et accélérer leur sédimentation. Les jus « dépectinisés » et/ou collés subissent ensuite des opérations de séparation (décantation, tamisage, filtration) pour éliminer les particules en suspension. D’autres préparations enzymatiques sont également autorisées (protéases, amylases …). Les procédés de concentration sont exclus pour cette catégorie.

 

Les adjuvants autorisés

Les adjuvants de clarification sont le plus souvent les protéines (ex : gélatine alimentaire de porc) et la bentonite (argile adsorbante), et plus rarement la silice colloïdale ou des tanins.

Parmi les autres pratiques autorisées, des adjuvants de filtration (comme les terres de diatomées) peuvent être utilisés et/ou des adjuvants de précipitation ou d’adsorption pour éliminer des composés nuisant à la qualité. Tous doivent être considérés chimiquement inertes et conformes à la réglementation concernant ce qui entre en contact avec les denrées alimentaires.

 

Enfin, il faut réduire ou empêcher les développements microbiologiques qui provoqueraient des altérerations : les jus peuvent être simplement conservés au froid sans stabilisation microbiologique et vendus (rapidement) sous la dénomination « Jus frais » en rayon froid. Mais, le plus souvent, les jus subissent une stabilisation microbiologique (voir encadré) afin de les conserver à température ambiante et les commercialiser toute l’année.

 

Stabilisation microbiologique

Pour les jus qui ne sont pas concentrés, deux traitements de stabilisation sont souvent nécessaires : un premier lors de la production du jus pour assurer la conservation en cuverie stérile ; un second au moment du conditionnement ou immédiatement après.

En général il s’agit de pasteurisation entre 70 et 80°C

Certains traitements de stabilisation récents (en particulier la pascalisation qui consiste à mettre le jus à très haute pression), réduisent la charge microbienne tout en limitant la destruction des vitamines et permettent la mention « Jus de fruits fraîchement pressé », le procédé de stabilisation étant alors indiqué.

 

Les jus de fruit à base de concentré

Il existe une grande variété de composition et de conditionnement des jus de fruits © Camille Jacquemond – INRA Corse
Il existe une grande variété de composition et de conditionnement des jus de fruits © Camille Jacquemond – INRA Corse

La principale différence entre « jus de fruit » et « jus de fruit à base de concentré » réside dans une étape de stockage intermédiaire sous forme de jus concentré. Ces jus concentrés sont ensuite reconstitués avec de l’eau potable au moment du conditionnement puis pasteurisés. Retirer une partie de l’eau qui constitue le jus, présente plusieurs avantages : la concentration permet de réduire considérablement le coût de stockage (division par 4 ou par 8 du volume) et l’augmentation de la teneur en sucre permet la conservation à température ambiante. L’élimination de l’eau s’effectue en général par ébullition sous vide ce qui permet de baisser la température et de réduire le coût énergétique. Le principal inconvénient de la concentration est la modification des arômes qui en résulte : l’évaporation entraine une perte des arômes du jus (même si une partie est récupérée au cours de l’opération) et le chauffage crée d’autres composés odorants. Des procédés alternatifs de concentration existent comme la cryo-concentration ou l’osmose inverse mais ils restent onéreux et moins performants. Ces jus doivent porter la mention obligatoire « jus à base de concentré » mais peuvent aussi porter la mention « Teneur en fruits : 100% » dès lors qu’ils ne contiennent aucun additif.

Les nectars

Les nectars sont des jus ou des purées de fruits dilués qui contiennent au moins entre 30 et 50 % de jus ou purée de fruit, la quantité minimale étant définie pour chaque fruit par le décret. A l’origine, ces produits ont été définis pour utiliser les fruits dont on ne peut pas extraire le jus par les procédés classiques ou dont la composition est déséquilibrée sur le plan gustatif (acidité trop forte, trop faible, faible teneur en sucre …). C’est le cas par exemple de la banane mais aussi de la pêche de l’abricot ou de la mangue. Les procédés d’élaboration comprenaient donc classiquement une production de purée et un ajout d’eau, de sucre et, éventuellement, d’un acidifiant comme l’acide citrique pour corriger la saveur. Mais le terme « nectar » ayant une connotation plutôt positive, de nombreux producteurs de jus ont également utilisé cette catégorie pour commercialiser des jus dilués additionnés de sucre et d’acide, à partir de jus de fruits consommables en l’état. Depuis 2012, afin de lutter contre l’obésité, la France a instauré une taxe « sur les boissons contenant des sucres ajoutés ». Désormais, seuls les nectars de fruits pulpeux gardent encore un véritable intérêt.

 

Autres produits

De nouvelles catégories ont été définies récemment par la législation : les « jus de fruits concentrés » qui doivent être obtenus par l’élimination physique d’au moins 50 % de l’eau de constitution ; les « jus de fruits obtenus par extraction hydrique » c’est-à-dire obtenus par diffusion dans l’eau du fruit entier ou du fruit entier déshydraté ; les « jus de fruits déshydratés ou en poudre » obtenus par l’élimination physique de la quasi-totalité de l’eau de constitution. Ces produits représentent peu de volume mais permettent de donner un cadre légal pour des fruits particuliers comme les jus de pruneaux.

Enfin, on trouve également des « boissons aux fruits » (souvent aux environs de 12 % de fruits) qui se rapprochent plus des sodas que des jus de fruits. Elles contiennent majoritairement de l’eau et des sucres ajoutés et, souvent, des substances aromatisantes ou colorantes.

[1] Source : UNIJUS, Union Nationale Interprofessionnelle des Jus de Fruits

[2] Voir le dossier 645 de jardins de France « fruits et légumes le plein de vitamines »

[3] Directive 2012/12/UE du 19 avril 2012

[4] Décret n° 2013-1049 du 21 novembre 2013

 

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